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régulièrement sur cette page les aventures du SECRET DE BUGARACH rédigées
par Vidocq !
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A TOUS LES LECTEURS
Partie d'un espèce de canular, je ne pensais pas que cette histoire durerait et prendrait une telle ampleur.
Aussi, pour me préserver, je tiens à signaler, que toute reproduction, même à titre personnel, doit recevoir l'aval de l'auteur. Demande à adresser par MP.
Merci pour votre attention, et bonne lecture.
NOTE: Ce roman, œuvre de l'imagination de l'auteur, est une pure fiction. Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé ne serait que pure coïncidence.
©LE SECRET DE BUGARACH™
Naitsirhc LATROP
PROLOGUE
Alors qu'il est en exploration, au titre de son institut d'archéologie, dans ce qui semble être un château qui pourrait être du 12e ou 13e siècle, et qu'il ne fait de mal à personne, soudainement, il est propulsé dans un trou béant. Il ne l'à pas aperçu car l'éclairage est très déficient dans ces labyrinthes. Au cours de cette chute, il croit entendre le rire narquois d'un personnage venu d'un autre temps, bien tapi sur son passage. Il est choqué par cette mauvaise rencontre! Quelle chute, très longue, et après un court étourdissement, il se réveille dans, dans quoi? Une oubliette, un cul de basse fosse; peu importe, il est coincé, prisonnier comme un rat. L'air, pollué par des odeurs de moisis et de pourritures, lui empli les poumons: à vomir.
Soudain, une main agrippe son cou et il hurle, il hurle à la mort; il est tétanisé.
"Calme toi petit", dit une voix douce et pleine de tendresse, et cela lui permet de se décontracter. Il se retourne et aperçoit un vieillard, ou ce qu'il pense être un vieillard. De longs cheveux blancs, bien coiffés ainsi qu'une barbe , pas très longue, assortie à ses cheveux, et des yeux bleus, mais d'un bleu profond où il peut plonger comme dans un lac très pur; comme les lacs de haute montagne. En fait il est très propre, habillé sobrement d'une chasuble blanche et de sandalettes, et, étant donné l'environnement putride, sa présence est, soit déplacée, soit incongrue.
Il le questionne longuement, mais aucune réponse ne lui permet de savoir comment il vit ici, si propre, et depuis quand? Comment il se nourrit et procède à ses ablutions? Il n'obtient qu'un conseil, mais pas de réponse à ses interrogations.
Petit me dit-il, je vais te confier un secret que tu garderas jalousement.
"Sous cette oubliette, se cache un TRÉSOR SECRET, et tu peut le trouver, tu dois le trouver, mais il te faudra creuser et encore creuser"
"Le chemin sera long et périlleux et tu devra affronter de multiples dangers, Mais certaines personnes seront là pour te conseiller et t'aider. Surtout ne te fie pas à leurs apparences, mais plutôt à ce qui émane du plus profond d'elles mêmes.
Il n'a pas le temps de le remercier, car, comme claque un coup de tonnerre, un grand éclair illumine cette fosse et comme un esprit de feu, ce vieillard disparais.
Qui était-ce? Un démon? Le seigneur de ces lieux?
Il ne le saura jamais et depuis il creuse, il creuse sans cesse, et il ne sait si un jour, hypothétique, il ne va pas retrouver aux antipodes.
Il creuse, sans fatigue, sans soif, sans faim, il creuse, il creuse à la recherche de ce "TRÉSOR SECRET": il creuse!
RETOUR EN ENFANCE
Soudainement un étrange malaise l'envahit; sa vue se brouille. Quel est cet étrange brouillard qui l'entoure. N’étais-ce qu'un rêve, ou une conséquence de sa grande fatigue?
Il se retrouve sur une plage ensoleillée. Il tient une pelle dans ses petites main;une pelle, toute petite pelle de plage dans ses mains fluettes.
A quelques pas de lui, les vagues lèchent la plage avec un murmure enchanteur. La mer est calme, d'un bleu azuréen avec des reflets irisés. Au loin se profile une belle goélette, toutes voiles bien gonflées par cette légère brise, en partance pour les iles lointaines.
Quand il se retourne, il aperçoit ses parents qui le surveillent d'un regard attendri.
Et quand il baisse les yeux il voit le sol très près, trop près. Et il a envie de hurler, il a 6 ans à peine.
Juste devant lui, fait de sa main il pense, se dresse un beau château, avec ses chemins de ronde, tours de défense et autres mâchicoulis.
Au centre de la cour d'honneur s'ouvre une fosse qui semble conduire dans les sous sols; le noir de cette fosse est très profond, très noir, trop noir.
Mais il veut savoir qui crée ce noir absolu, et il se penche, a toucher le sable et là?
La vue de cette créature venue il ne sait d'où, le laisse sans voix. Légèrement diaphane, et d'une beauté à couper le souffle; de longs cheveux caressent la courbe de son dos et de ses reins, très blonds et d'un reflet irréel. Elle est vêtue d'une tunique immaculée, pieds nus, et lui sourit.
Un de ses bras, d'une pâleur extrême, pointe dans une direction, comme pour lui faire découvrir quelque chose.
"Viviane, Viviane!!!"; à ces mots il tombe à la renverse et reprend pied sur cette plage.
"Viviane, vient ici!!" s'exclame une dame apeurée par une possible disparition de son enfant.
Viviane est très jolie, comme le sont les petites filles de 7 ou 8 ans. De longs cheveux blonds, blonds comme les épis de blé bien murs, retombent sur ses épaules et sa poitrine.
"Maman", dit Viviane,"j'avais peur pour ce garçon, et il me semblait que je voyais au travers de son corps, quand il était penché sur son beau château."
"Que racontes-tu là, ma fille, peut être un de ces mirages, fréquents sur les plages, en pleine chaleur estivale."
"Maman, puis-je te demander quelque chose?"
"Que veux tu mon poussin? répond la maman.
"J'aimerai bien rester jouer avec le garçon, s'il te plaît maman" répondit-elle.
"Mais tu ne le connais pas, tu ne sais même pas son nom"
"Comment t'appelle tu?" demande Viviane d'une voix douce.
"Lancelot, je me prénomme Lancelot" répond-t-il,
"Je vais parler à ses parents" dit-elle en s'éloignant.
Le soleil commence à décliner annonçant la fin de cet après-midi. Il chauffe bien encore, et la force de son rayonnement blanchit la mer, si bleue auparavant. Un vol de mouettes rieuses passe au dessus de leurs têtes, ayant sans doute terminé leur partie de pèche, cherchant un havre de paix pour le nuit. Leur rire semble moqueur envers nous. La brise semble forcir et c'est la raison pour laquelle il n'aperçois plus la goélette; je rêve aux rivages qu'elle va accoster, peut être vierges et respirant la quiétude.
La maman revient souriante et dit à Viviane: " je suis d'accord, vous pouvez jouer, mais ne vous éloignez pas."
"Merci maman" répond Viviane.
Viviane s’assied à coté de lui et contemple la château. Ses yeux s'attardent sur tous les détails, mais soudain, elle est stupéfaite quand elle découvre cette cavité au centre de la cour d'honneur. Ses yeux, d'un bleu limpide vire plutôt au bleu nuit. Passées quelques secondes, ils retrouvent leur couleur naturelle.
"Viviane tu sais ce château me semble maléfique. Je ne sais ce que je fais ici, avec mes parents,et des idées que je n'arrive pas, ni à saisir ni comprendre, trottent dans ma tête. Je pense que tu ne devrais pas rester avec moi car je pressent un grand danger autour de moi."
Viviane est interloqué mais pas surprise. Elle semble habité d'une force intérieure, et elle lui sourit.
"T’inquiète pas Lancelot. Je ne risque pas grand chose en ta compagnie et je suis certaine que je peut t'apporter une certaine aide."
Autour d'eux les vacanciers commencent à déserter la plage; chargés comme des baudets, glacières et parasols, bateaux d'enfants et autres palmes.
Viviane est attirée , comme par un aimant,par ce trou béant; ses yeux ne le quittent pas d'une seconde.
"On pourrait peut être essayer de la reboucher, cette cavité?" dit-elle.
Et sans qu'il puisse faire un quelconque mouvement pour la dissuader, Viviane prend une poignée de sable pour la jeter à l’intérieur.
Un hurlement de bête blessée s'échappe de sa gorge quand il voit ce qui se déroule sous ses yeux; il en est paralysé.
DANS LES ENTRAILLES DE LA TERRE
Un bras, un bras énorme et d'une longueur inhabituelle; non ce n'est pas un bras mais le cou d'une bête inconnue. Et soudainement il réalise, il n'en sait la raison, mais un flash, dans sa tête, lui souffle Brachiosaurus, que fait cet animal du jurassique sous cette plage, et comment il connaît le jurassique ?
Comme ils étaient bien sur cette plage, tous les deux. Ils avaient parlé de leurs soucis d'enfants; l'école bien sur ,Viviane est déjà une grande car elle rentrera, en septembre, en CM1 ; et lui qui ne va commencer que le CP, il en rougit de honte. Elle lui a dit qu'elle venait du fond du sud de la France, d'un village qui s'appelle RENNES quelque chose ? Sauf RENNES en Bretagne, que lui a fait découvrir Éliane, son institutrice de maternelle supérieure, il ne vois pas. Mais ce qui l'a intrigué et fasciné en Viviane,alors qu'il buvait ses paroles, c'est l'aura qui transpire autour d'elle, comme un nimbe autour de son visage.
Au bout de ce bras, gigote une tête énorme, la gueule entrouverte, avec des dents longues et acérées comme des poignards. Soudainement, elle saisi, avec ses crocs, la tête de Viviane qui hurle de peur et tente de l’entraîner dans ce trou insondable. Mais il se rend compte que cet animal, d'un autre age, n’essaie pas de la broyer, mais qu'il la saisit plutôt avec tendresse.
Peut être n'est-ce qu'une illusion, et malgré cela, et sa peur si terrible et profonde, lui souffle qu'il doit intervenir. Il saisit une cheville de Viviane, et la serre, la serre comme le ferait un garrot ; rien ne pourrai lui faire lâcher prise, il faut qu'il la retienne, qu'il la sorte de la destinée que lui réserve ce prédateur,.
Mais il est un tout petit garçon et il ne peut lutter contre contre la force développée par cette créature.
Et ils sont entraînés dans ce couloir sombre, obscur comme la pire nuit, sans lune ni étoile.
Et pendant qu'il plonge, il entend hurler sur la plage ; des cris de frayeur et d'angoisse ; ceux de la maman de Viviane, de ses parents et des vacanciers attardés sur le sable,
La chute est interminable ; il implore les personnes qu'il connaît et qu'il aime de l’interrompre.
Et il serre cette fragile cheville ; et soudainement, il ressent de violentes douleurs dans la pomme de sa main .
Et quand il voit sa main, sanguinolente, ses petits ongles incrustés dans sa chair, il est envahi d'une panique absolue .
"J'ai lâché Viviane, je l'ai perdue à jamais, je suis un lâche." hurle-t-il,
Quel malaise l'envahit, son cerveau ne peut supporter cette issue, et le noir si intense disparaît, le vide, le néant, est-il mourant?
Cette chute aura duré combien de temps; il ne peut le savoir, totalement inconscient. Mais petit à petit, il reprend ses esprits. Il est allongé, encore un peu étourdi après cette descente aux enfers? Non, pas les enfers; il découvre un décor inhabituel , mais ce n'est pas le plus choquant. Dans ses mains d'adulte, il tient encore une petite pelle, tout petit jouet d'enfant,
Et ses neurones se remettent en route, "Viviane", hurle-t-il, les premières paroles qu'il prononce.
"Viviane", lui répond un écho lointain.
Alors il réalise qu'il a changé; qu'il est redevenu un adulte, le même qu'il était lorsque cet esprit diabolique l'a poussé dans ce trou; poussé ou pas, le résultat est identique: sale bête! Il est nu, nu comme un vers, si ce n'est l'espèce de ficelle qui était un maillot de bain.
Mais il n'a rien oublié de son séjour sur cette plage, et il ne comprend pas pourquoi il est revenu à un age précoce, en compagnie de ses parents, décédés depuis quelques années, et disparus car jamais retrouvés. En fait ils auraient chuté dans une crevasse, aux alentours de Rennes Le Château.
"Rennes Le Château" s'écrie-t-il. "Viviane", où es-tu, mais seul l'écho lui répond. Et il comprend quand Viviane lui à dit :"Je suis de Rennes Le Château"; et lui le pauvre benêt n'avait pas compris, Je ne connais que Rennes en Bretagne!
Pourquoi j'ai lâché Viviane pense-t-il et où peut-elle se trouver.
Il se ressaisit, et observe son nouvel environnement. Il est sur une plage dont le sable est d'un blanc immaculé; un lac d'une beauté incontestable s'étend devant lui, à perte de vue. La grotte semble immense et ses yeux distingue à peine la voute, Elle est éclairée d'une lueur bleutée et il se demande ce qui peu créer cette luminosité. La température est douce, agréable pour un corps dénudé. Pour l'instant, il ne détecte aucune présence vivante, si ce n'est quelques poissons qu'il aperçoit, glissant nonchalamment entre deux eaux.
Ce n'est pas en restant les pieds collés à ce sable, trop blanc, qu'il résoudra tous les problèmes. Il décide donc de se mettre en route pour explorer son domaine. Il rit à ce terme, son domaine, il se prend pour un roi, et il rit encore, et ce rire lui redonne quelques forces. Il se met donc en route, après avoir arraché l'oripeau qui pend à ses hanches; mais il le conserve, c'est le seul bien qu'il possède.
Il avance, le dos tourné au lac, toujours intrigué par cette lueur bleutée qui semble transpirer de l'intégralité de la caverne. La teinte blanche du sable commence à s'estomper, et il avance sur un sol léger mais plutôt brunâtre et désertique. Peu a peu le paysage change, et quelques brindilles et petits bouts de bois jonchent le sol devant lui. Il marche depuis un certain temps; il a bien essayé de mesurer le temps, en se fiant au balancier d'une comtoise, un pas égale une seconde, mais il en a perdu le compte et ne sais plus à quel moment: peut être dix mille pas donc dix mille secondes.
Il se retourne et n'aperçoit plus le lac; cette cavité doit être immense, Un instant de découragement le saisit et il se laisse tomber a terre en gémissant.
"Lancelot, tu t'appelle Lancelot", murmure une voix dans sa tête.
"Lancelot, tu es né pour te battre et tu ne dois pas te décourager. Ton destin est devant toi, et ne te traite pas de lâche, ayant perdu Viviane"
Mentalement il questionne mais en vain; plus aucun murmure. Il accuse la fatigue de lui jouer des tours.
Il est épuisé et voudrait bien apercevoir , ne serait ce que la limite de cette contrée. "Repos plus tard" murmure-t-il, et il se remet en route. Après quelques pas, qu'il ne compte plus, il lui semble apercevoir, comme un mur de roche. Il se met à courir; il a les pieds en sang mais n'en a cure. Et il atteint un grande muraille qui s'élève vers la voute qu'il n'aperçoit pas.
Et là il comprend, il comprend d'où émane cette douce lumière bleutée
.
De nombreux lichens parsèment la muraille face à lui. Aussi haut que son regard puisse porter, il les distingue. Mais le plus surprenant est que ces espèces d'algues terrestres, sont habitées de lucioles, et ce sont ces insectes qui produisent cette luminescence. Ce doit être une colonie importante, pour assurer l'éclairage , doux et agréable de ce site.
Mais il est trop épuisé, sans boire, sans manger, recru de fatigue, Il s'endort et, curieusement, plonge rapidement dans le sommeil.
Quand il ouvre les yeux, rien n'a changé autour de lui. Il ne sait combien de temps il s'est assoupi, mais il se sent reposé. Des crampes d'estomac lui rappellent qu'il n'a rien mangé depuis , depuis quand? Et sa bouche, sèche comme du carton le fait souffrir; il faut qu'il boive et pour cela il ne voit que le lac pour s'abreuver.
Il tente de rebrousser chemin et de suivre la piste qu'il a emprunté pour arriver ici. Mais il n'a guère laissé de trace et craint de ne pas retourner à son point de départ. Passé un laps de temps, le paysage change et devient chaotique. De nombreuses pierres , qu'il doit éviter pour ne pas écorcher profondément ses pieds, jalonnent la piste qu'il a décidé de suivre. Puis des rochers, plus imposants lui imposent quelques détours. De nombreuses branches, fossilisées, jonchent le sol par-ci par-là. Il avise qu'une de ces branches est bien droites et d'une bonne longueur; il décide de s'en saisir en guise de canne. Et il avance courageusement, espérant arriver aux berges du lac. A nouveau la soif le tenaille. Un rocher différent se dresse devant lui; un espèce de granit, très dur, et plutôt râpeux. Inconsciemment, il décide d'affuter sa canne; le bois et très dur, mais le granit plus coriace. Le bout de ce bois devient très vite pointu, très pointu; il le teste sur la paume de sa main, et la peau éclate sans difficulté.
Soudainement, renait dans sa mémoire les années qu'il a passé, pendant les vacances scolaires, auprès des compagnies de scout. Sans réfléchir, il ramasse tout le petit bois qu'il peut trouver. Il fait un fagot d'un volume raisonnable, qu'il lie, pour le transporter, avec les restes de son bikini.
Quand il se remet en route,il aperçoit nettement, pas très loin, une petite colline. Cela décuple ses forces, pensant toucher au but. Mais de déception en désappointement, il ne sait plus que penser. Quand il atteint le sommet, d'une dizaine de mètre d'altitude, il ne voit qu'un paysage identique. Il est harassé mais il décide de ne pas se résigner.
A un certain moment, son regard est attiré par des éclats de roche, brillants d'un éclat particulier; il les reconnait, il en est sur, du silex, quel bonheur de trouver du silex. Il prend son temps pour choisir les meilleurs, bien affutés et bien tranchants, et les les cale au milieu de son fagot de bois,
Et il poursuit sa route. Les recherches archéologiques ne sont plus son souci primordial, et il se demande dans quel monde il a été transporté. Pas âme qui vive, il est tout seul dans ce monde perdu.
Après la soif les pieds le font horriblement souffrir, et il aimerait pouvoir les nettoyer.
Il lui semble apercevoir une zone plus lumineuse dans le lointain. Serait-ce le lac, pense-t-il? Et n'y tenant plus , malgré les douleurs il se met à courir. Et bien entendu, étant donné l'état de ses jambes, il chancelle et s'écrase nez contre terre. Légèrement sonné, il perçoit une senteur inconnue; et devant ses yeux ébahis, il découvre une fleur majestueuse; pas très grande, mais portant fièrement sa corolle. Il est surpris car elle semble appartenir à la famille des rosacées; ses pétales sont très blanches, immaculées. Il hésite à se saisir de cette belle fleur, unique dans ces lieux, mais une voix intérieure lui souffle: "Cueille là, elle est là pour toi, elle t'attendait".
Alors sans réfléchir, il se saisit du silex le plus tranchant et coupe délicatement la fleur, à la base de sa tige, et aucune liquide ne s'écoule. Il l'observe son calice et il voit des ombres fugitives, ombres qu'il n'arrive pas à analyser. Équipé de sa canne et du fagot, il ne sait que faire de ce seul objet, un peu vivant au milieu de ce désert sans nom. Il la pique dans sa chevelure, qu'il trouve bien longue.
Et ce qu'il supputait lui donne de nouvelles forces. Il voit, très proche, le brillant du lac avec son eau très pure.
Il court à perdre haleine, et, pour l'instant, provisoirement, il se sent sauvé; il est encore le roi de ce monde.
Cette eau, si bleue, si limpide, lui tend les bras. Il laisse tomber fagot et canne, inutiles pour l'instant et se jette dans le lac. Il se laisse couler, envahi d'une torpeur soudaine, et il boit, il boit jusqu'à sentir son ventre gonflé comme une outre proche de l'explosion. Il s'allonge sur ce liquide bienfaiteur, les yeux vers la voûte inaccessible à ses yeux. Il rejoint le rivage, momentanément repu.
Il décide de bien nettoyer ses pieds, ornés de crevasses à l'aspect violacé. La fleur, oubliée dans ses cheveux, flotte proche, comme captée par sa personne et, à portée de main, attirés par cet objet surgi inopinément dans leur environnement, nagent quelques poissons.
Il sait ce qu'il doit faire.
Délicatement, il arrache les pétales et décide de les appliquer sur les plus profondes des ses blessures. Une sensation de paix et de bonheur l'envahi ; sensation si intense qu'il en perd connaissance.
Il se repose et ses traits sont détendus, légèrement souriants.
Il a du mal à sortir de cet état de béatitude. Et son estomac, avant qu'il ne puisse ouvrir les yeux, crie famine.
Et alors il regarde avec envie, ces poissons, légèrement argentés, qui, tout prêt du rivage, semble le narguer. Se relevant rapidement, il enlève délicatement les pétales de cette fleur magique et se saisit de son harpon improvisé, il s'avance dans l'eau, redouble d'effort pour situer le plus gros de ces poissons et lance violemment son arme. Il fait mouche, au premier essai.
La canne, bien acérée, transperce cet espèce de salmonidé. Il ne sent plus de douleur à ses pieds et il s'avance pour récupérer sa proie, et la ramène sur le sable.
C'est une belle prise qu'il estime à cinq ou six livres.
D'un coup de silex il l'étête, l'éviscère et jette le tout au loin. Le lac , près de lui, vit sa première tempête ; une nuée de poissons rejoignent ce festin inopiné ; ils créent une onde qui vient mourir, en chuchotant, sur la grève.
Tout est rapidement nettoyé, le plan d'eau retrouve son calme et la limpidité de ses eaux.
Délicatement, il déshabille , prenant soin de garder l'arête dorsale, son premier trophée, et étale cette peau, bien épaisse sur le sable.
Et il fantasme quand lui vient à l'esprit le dernier sac en crocodile qu'il pensait acheter pour l'anniversaire de sa fiancée, Vivie. Il y a si longtemps, un an, dix ans, un siècle ?
A cette période ils se promenaient dans les vieilles rue de Cannes, avant de descendre vers l'avant port pour admirer les yachts des multimilliardaires ou autres princes et rois du pétrole. Après s'être restaurés dans une paillote de plage, ils avaient lézardés sur la Croisette. Et là, devant une boutique, bien avant que Vivie l'aperçoive, il était tombé en admiration devant un sac d'une beauté inimaginable. Le prix importait peu : ce sac est pour Vivie avait-il gravé dans son esprit. Pauvre Vivie, comment supporte-t-elle cette disparition ?
Et là, subitement il fait l'association, Vivie, Viviane. Pourquoi ?
Qui l'a transporté dans ce monde étrange et pour quelle raison cette rencontre, gamin, avec Viviane ?
Qui détient les fils de sa destinée ? Qui le manipule ?
Mais il revient à des pensées bassement matérialistes. Il taille une fine lamelle de la chair appétissante de sa capture et l'enfourne dans sa bouche. Il ne sait qu'en penser ; ce n'es pas d'un goût douteux, mais il n'a jamais apprécié les plats froids. Alors, jetant un regard sur le fagot de bois, il décide de calmer les ardeurs de son estomac pour déguster ce met.
Malgré leur petitesse, ces bois sont très durs, mais bien secs. Il choisit un silex, celui qui a la forme d'une petite hache, petite hachette pense-t-il. Avec patience, il taille de fins lambeaux, plutôt des copeaux. Il arrive a réaliser un petit volume qui lui semble suffisant.
Armé de ces deux silex, il se met à les frotter, tout près de ces rognures, l'un contre l'autre et crée de minuscules étincelles. Il faut qu'il y parvienne ; quand il avait une dizaine d'année, il a réussi ce petit exploit, faire du feu, mais avec des brindilles plus fines. Comme il est têtu et obstiné, il sent que ces éclats de bois commencent a s'échauffer. Et, soudainement, une flammèche surgit à la base ; il n'ose pas souffler et agite légèrement sa main pour activer la combustion. La flammèche se transforme en une belle flamme , qui embrase le tas qu'il a constitué.
Il alimente le foyer avec le reste du bois et, au bout de quelques minutes, de généreuses flammes s'élèvent devant lui.
Pendant que le feu ronronne gentiment, il taille des lamelles dans les filets de ce poisson. Etant donné la taille de sa capture, il pense se constituer une réserve pour l'avenir.
« L'avenir » ricane-t-il, « quel avenir ?». Et quand il pense à cette grotte immense , comment trouvera-t-il une issue, si toutefois cette quelconque issue existe ? Est-il condamné à errer, sans fin, dans ce monde de quiétude, mais désert.
Et à nouveau il pense à Viviane. Dans quels lieux maudits a-t-elle été projetée. Et il se souvient : « je peut t'apporter une certaine aide ». Comment le pourrait elle ? Viviane, Vivie, son esprit fait un amalgame de toutes deux.
Il reprend ses esprit. Les flammes commencent à baisser d'intensité et une belle braise rougeoie sur le sable. Il embroche une paire de lamelles sur sa canne, harpon, et approche ces morceaux du foyer. La chair, bien dense et légèrement grasse, commence à distiller un doux fumet qui l'enveloppe, et il salive d'impatience.
La peau de sa capture, qu'il a approché du foyer, commence à sécher et durcir ; il l'éloigne quelque peu pour lui conserver une certaine souplesse.
Sentant la cuisson à point, il ne peut se retenir et englouti ce repas improvisé ; le goût lui rappelle celui du plat qu'ils avaient dégusté, avec Vivie, dans la paillote à Cannes.
Il recharge encore quelques lamelles et mange, mange jusqu’à satiété. Il est repu.
Les braises commencent à faiblir et, avant d'aller s'abreuver, il recharge le feu avec les bouts de bois restants.
Il recharge son harpon avec les restes du poisson, et en deux ou trois cuissons, il se constitue une petit stock de nourriture.
Comblé et rassasié, il décide de s'accorder une petite sieste.
A son réveil, il se sent très bien, pour la première fois depuis son arrivée dans ce monde mystérieux.
Le feu est mourant, mais une fumée légère s'élève encore ; et il est intrigué. Tout au long de son repas, les flammes ainsi que la fumée s'élevait bien droite, en écoulement laminaire ; et maintenant la fumée , en turbulence, à tendance à s'éloigner vers sa gauche, comme poussée par un brise légère. Sa route est tracée, il va la reprendre, en suivant le lac, en prenant la direction face à cette brise supposée. Il ramasse sa maigre richesse ; enveloppe les morceaux grillés dans cette peau bien sèche. Il ramasse les pétales ainsi que la tige de cette fleur dont l'ovaire ne semble pas avoir souffert de ne plus être alimenté, et les enveloppe délicatement dans ce qui reste de son maillot.
Il hésite : que faire de ces deux silex ? Il ne peut tout emporter et décide de les laisser sur place. Inconsciemment, il pense, « je sais où je les laisse ».
Et il formule un souhait : retrouver l'air qu'il connait, remonter à la surface de son univers, retrouver un peu d'humanité.
Et il se met en route vers cette hypothétique issue.
Faut que je trouve pense-t-il.
Nonchalamment, il progresse, regardant fréquemment sur sa droite, à la recherche d’une quelconque trace. Mais rien de significatif ne lui permet de se faire une opinion sur l’origine de cette caverne.
Il se souvient, au cours de ces études d’archéologie, de son professeur, une sommité mondialement reconnue, qui lui apprenait à analyser le moindre indice, même bénin. Comment pouvait-il s’appeler, pense-t-il? Il cherche désespérément quand, il se souvient des bons mets que faisait sa grand-mère; avec du bon beurre; du beurre qu’elle brassait elle-même. Et il revoit son nom, écrit au tableau noir de la faculté: Baratte, il se nommait ainsi, il pense.
Baratte avait bien baroudé autour de la planète. Il avait été de toutes les expéditions d’exploration, tant sur les sites aztèques ou incas, que ceux d’Afrique et d’Europe, et prioritairement de France: son terrain de prédilection.
Baratte affectionnait principalement la période comprise entre le Vième et le XIIème siècle. Ses terrain de préférés, pour ses fouilles, se situaient en Bretagne, mais aussi dans tout le pays Cathare.
Il est encore un professeur hors pair, et son regard acéré, scrute et analyse la moindre anomalie, la moindre poussière qui peut lui permettre de dater ses trouvailles. Et ses écrits n’ont jamais été mis en doute par quelque spécialiste que ce soit.
Il aimait bien, malgré les ricanements de certains, se plonger dans la lecture de toutes ces légendes d’une époque révolue. Il affirmait qu’il y trouvait certaines idées, parfois loufoques, qui orientaient ses recherches.
Dommage qu’il ne soit pas ici, pour m’aider. Avec lui je pourrai peut être voir l’indicible. Et il se souvient de ce qu’il lui disait:
« Lancelot, tu es un de mes meilleurs étudiants. Tu as toute ma confiance; tu es studieux et appliqué dans tes recherches; persévère et bat toi contre l’adversité. Surtout ne baisse jamais les bras, quand tu sera dans une impasse. Observe, vois ce qu’aucune personne ne pourrait voir. »
Lancelot l’avait maintes fois accompagné sur des sites, en Bretagne, à la recherche du passé, de tous ces personnages dont la réalité de leur existence n était, peut être, qu’une chimère.
Et soudainement, il est stupéfait par ce qu’il observe.
Imperceptiblement, l’environnement se met à changer. Le sable, si blanc, commence à devenir grisâtre, pour ensuite virer au noir profond. La douce lueur ambiante, bleutée, est un peu dévorée par ce sable si sombre.
Il pense apercevoir la voute, qui doit commencer à s’abaisser. Poursuivant son chemin, il observe que, ce plafond pense-t-il, n’est plus porteur de ces espèces de lichen; une explication supplémentaire à la réduction de l’éclairage ambiant. Mais cette voute est de toute beauté, très luisante, faite de marbres et de porphyres, ainsi que de granit de différentes teintes.
Il a le sentiment que cette partie de la grotte a été vitrifiée. Mais quel évènement a pu se dérouler dans ces profondeurs? Une chaleur intense, il n’y croit pas. Une explosion nucléaire pourrait expliquer cette métamorphose de la roche. Mais alors qui ou quoi a initié cette transmutation.
Il poursuit son chemin et, à nouveau, se trouve confronté à des éboulis qui jonchent le sol jusque sur la plage. Il est obligé de zigzaguer pour éviter de se taillader les pieds à nouveau. « J’ai la fleur magique » pense-t-il avec un sourire.
Et en progressant, les petits éboulis se transforment en grosses pierres, et de gros rochers font leur apparition. Il est obligé de faire maints détours, mais arrive à conserver le cap qu’il a choisi.
Il aperçoit toujours le lac, seul point de repère pour l’instant.
Très proche, il est intrigué par une tache de couleur claire. Il faut qu’il sache ce qui crée cette rupture de teinte sur ce sol très foncé. Il est oblige d’obliquer, le dos face au lac, pour parcourir une cinquantaine de mètres.
Et là, il reste bouche bée devant ce qu’il vient de découvrir.
Un cadavre se dit-il; que fait un cadavre dans ce lieu perdu, où ne se trouve âme qui vive? Puis il se ravise car s’il a été cadavre il y à quelques lustres pour ne pas dire siècles, aujourd’hui il est bien desséché.
Car il s’agit d’un squelette, parfaitement conservé. Les os ne lui fourniront guère de renseignements; il constate juste qu’ils sont fragiles.
Il se concentre donc pour examiner, avec minutie, les vêtements.
Il porte a même la peau, « les os » pouffe Lancelot, une espèce de tunique en lin et une culotte de matière identique qui descend à mi mollet. Par-dessus le tout, une saie faite à partir d’un animal qu’il n’arrive pas à identifier. A ses pieds, des espèces de bottines à poil très raides, qui devaient être retenues a ses chevilles par des bandes d’étoffe.
Aucune arme ne se trouve à ses cotés.
Il a déjà vu et étudié, avec le professeur Baratte, ce genre de vêtements. Il en est certain, ce personnage vivait à la fin du Vième siècle, ou au tout début du VIième.
Il est perplexe, que viennent faire ces ossements dans son époque. Ce personnage ne serait-il mort que depuis quelques années?
Mais alors, « moi » pense-t-il, aurai-je été transporté dans une autre époque, dans une autre dimension?
Il se laisse tomber au sol, anéanti et sans volonté. « Viviane », hurle-t-il, « Viviane, tu devais m’aider! ». Et l’écho, dans le lointain, lui renvoie sa requête, moqueur.
Ce moment de désespoir passé, il étudie à nouveau sa trouvaille. A hauteur de sa taille, légèrement recouverte, il voit une espèce de bourse, un fourre-tout pense-t-il,. Délicatement il s’en saisit, parvient a dénouer l’espèce de ficelle, en lin sans doute, qui permet de bien la refermer. Il l’ouvre avec précaution, de peur de déchirer ce tissu, mais ce dernier semble résistant.
Cette bourse n’est pas très lourde, mais, au toucher, il est sur que quelques objets sont enfouis en elle. Et il doute, il angoisse à l’idée de violer le trésor de ce défunt inconnu.
Il se fait violence, plonge la main à l’intérieur, et en retire un espèce de poignard rudimentaire; sa lame, d’une dizaine de centimètres, semble bien affutée, et le manche est recouvert de ce qu’il pense être des ossements d’un quelconque animal.
Il sent la présence d’un autre objet, à l’intérieur, et n’y tenant plus, il renverse ce réceptacle, et l’objet, en tombant au sol, renvoie des reflets dorés.
Il n’en revient pas; il s’agit d’une belle clé, pas très grande, mais d’un raffinement exacerbé; ce travail délicat n’a pu être réalisé que par un orfèvre de grande renommée. Mais le plus capital, c’est que cette clé est en or, en or massif, il en est persuadé.
Alors une multitude de questions se bousculent dans sa tête.
Qui pouvait être ce personnage: un noble? Un marchand?
Il pense plutôt à un marchand, car il n’était pas fortement armé, juste un petit poignard pour résister aux mauvaises rencontres.
Et cette clé en or, que peut elle ouvrir. La cache d’un trésor; mais où? Les banques ne couraient pas les rues dans ces temps là.
Il fouille cette bourse et sent du papier au fond; non pas du papier, mais un espèce de parchemin, avec un plan pas très net. Au centre une colline ou une montagne d’un aspect bizarre qui lui rappelle un endroit connu; mais il n’arrive pas à déterminer le lieu.
Chaque chose en son temps, vivons le temps présent, et plus tard? « plus tard? », ricane sa conscience.
Il commence, précautionneusement, à dévêtir ce pauvre bougre. Et il se rend compte que les os sont bien fragiles, cassants, dont très anciens. Il parvient à retirer le total sans trop lui causer de dégâts.
Enfin il va pouvoir redevenir un peu un homme, car, malgré son esseulement, il avait l’impression, étant tout nu, de n’être qu’un animal comme un autre.
Ne songeant même pas à les nettoyer, il enfile la culotte et la tunique de lin. La température étant douce pour l’instant, il délaisse la saie, qu’il emportera avec lui.
Il s’assied et examine la plante de ses pieds; les plaies sont bien refermées et une croute légère les protège. Quelle vertu peuvent avoir les pétales de cette fleur se demande-t-il, mais la médecine n’étant pas sa matière de prédilection, il ne s’appesantit pas sur cette interrogation. Il chausse les bottines, un peu juste pour son pied, mais se dit « elle s'adapterons a mes pieds ». Il lie, autour de ses chevilles, pour les maintenir, ces espèces de bande d’étoffe.
Il se redresse, et se sent à nouveau un humain.
Attrapant l’espèce de besace, il dit tout haut: « idiot, pourquoi as-tu abandonné ces silex, actuellement tu pourrai les transporter sans peine ». Mais il a trop avancé depuis et reprend le moral: il à un couteau, poignard, peu importe, un objet tranchant.
Il remet la clé et le poignard dans sa trouvaille et déplie calmement son maillot. La fleur est toujours là, bien vivace, et ses pétales ne sont pas flétries: il est intrigué. Il décide de la transporter séparément, de peur qu’elle soit blessée au contact des deux objets dans ce sac.
Et ramassant la peau du poisson, il décide de s’accorder un léger casse croute. Ce sera repas froid aujourd’hui, grimace-t-il. Il apprécie, tout de même, ces lambeaux de poisson, qui ont gardé un certain fumet bien agréable. Il enveloppe les morceaux restants dans leur habit, et les place avec sa fortune.
Il ramasse son maigre butin, besace, fleur et sa canne: harpon et lance. Il jette la saie sur ses épaules.
La soif le tenaille, et il décide de reprendre sa route, en s’approchant du lac, pour se désaltérer.
La marche est plus rapide maintenant; les pieds bien protégés, il progresse à grand pas. Il rejoint rapidement les rives du lac où il s’abreuve abondamment. Il prend quelques instants de repos , et son esprit s’évade de cette prison.
Il se revoit avec Vivie, alors qu’ils se promenaient dans les iles de Lérins. Ils y avaient passé un weekend inoubliable , fait de farniente, de bains et de longues promenades, sous les ombrages.
Prenant un moment de repos, il lui avait raconté l’histoire de l’hydre de Lerne, celle vaincue par hercule avec l’aide de Lolaos, son neveu. D’aucuns disaient que Lérins est la déformation de « Lerne », un certain marécage, habitat de cet animal.
Vivie avait ri a gorge déployée à cette légende et, moqueuse, avait dit : « Lancelot, je compte sur toi si cet animal nous attaque ». Et tous deux, avant de reprendre leur route, avaient bien plaisanté au sujet de cette histoire de la mythologie.
Elle était belle Vivie; non pense-t-il, elle est toujours belle. Un visage de déesse, tombée de l’olympe, habillé d’une longue chevelure d’un blond lumineux. Pas très grande mais harmonieusement proportionnée. Ses yeux, très clair, d’un bleu tendre dans lesquels il aimait plonger et rêver.
Elle aimait l’entendre raconter ses recherches et n’était jamais rassasiée.
« Je t’aime Vivie », crie-t-il. « Je t’aime Vivie », répond la grotte.
Le retour à la réalité a été brutal, et une larme perle au coin d’une paupière.
Mais il n’a jamais été défaitiste et il se morigène mentalement.
Il doit continuer, il doit avancer. Il se souvient de cette apparition: « Le chemin sera long et périlleux…… ».
Périlleux, pour l’instant présent, non, mais long oui, très long.
Il décide d’aller de l’avant et, repart à la rencontre de son destin.
Il a l’impression que le lac se rétrécit, car il pense apercevoir la rive opposée. De même, dans le lointain, sur sa droite, il lui semble discerner les pourtours de cette caverne. Le terrain est toujours tourmenté, avec d’énormes rochers, mais aucun ne lui barre sa progression vers la sortie. « La sortie, pauvre benêt, faut pas rêver » lui chuchote son inconscient.
Subitement, il crois entendre des jappements, dans le lointain; des fruits de son imagination. Mais, continuant sa progression, ceux-ci s’amplifient.
Et contournant un rocher qui bloque la plage, il tombe en arrêt sur une touffe de poils. En fait, tous deux sont campés sur leurs positions, aussi surpris l’un que l’autre.
Un caniche, pense-t-il; non un caniche mâtiné de bichon. Tous deux sont dans l’expectative. Lancelot aime beaucoup les animaux, et il s'accroupi, calmement pour ne pas effrayer cet animal. Celui-ci, décelant la bonté de cet humain s’avance lentement, en rampant. Lancelot présente ses deux mains, bien ouvertes, en signe de paix et de bienvenue. Mis en confiance, ce chien qui semble très doux, se jette sur lui et lui lèche les mains en signe de joie. Lancelot est très ému de ces marques de sympathie, et le lui rend avec moult caresses.
C’est impossible; comment un animal peut-t-il se trouver dans ce monde perdu? Ou bien son esprit commence à chavirer, prêt à basculer dans la folie. Il se frotte les yeux avec vigueur, essai de refuser ce qu’il voit, mais rien n’y fait.
Il sent la chaleur de cet animal, ainsi que les coups de langue sur son visage, que le destin lui envoie.
Et il n’essaie pas de réfléchir; il n’est plus seul, et il se souvient.
Il se souvient du chien de sa grand-mère. C’était un caniche de toute beauté; un animal, docile avec les enfants. Il tenait toujours compagnie à Lancelot; toujours disponible pour une ballade, ou pour s’amuser dans la cour, sous les yeux attendris de mémé. Et compréhensif, sachant percevoir quand le pauvre Lancelot était triste ou blessé après une chute. Ses coups de langue sur le membre écorché, ou sur son visage pour sécher les pleurs, valaient tous les médicaments. Et il fallait voir la façon dont il était heureux quand Lancelot retrouvait son sourire et sa joie de vivre.
Mais le jour où mémé a fermé les yeux, le soir même, il disparut. Le lendemain, un voisin venant rendre visite à la décédée, le trouva, au bord de la route, mort. Il nous dit, a mes parents et moi-même: « j’ai l’impression qu’il s’est suicidé, qu’il n’a pas supporté le départ de sa maitresse ».
J’ai mis du temps à surmonter ma détresse; c’était le seul compagnon de jeu que j’avais, et je l’adorai car il me comprenait.
« Cela suffit, Lancelot », vient d’hurler une voix dans ma tête. « Remue toi une peu, tu as la force en toi! ».
IL relève fièrement les yeux qu’il porte sur son nouveau compagnon qui le regarde d’une affection indicible.
Il le prend dans ses bras et tous deux se réconfortent mutuellement.
Il veut lui donner un nom, mais ne parvient pas à se souvenir de celui du caniche de mémé: pour lui ce devait être « le chien ».
« Sauveur », crie-t-il, « tu te nommeras Sauveur », car tu me sauves de ma solitude.
Sauveur incline sa tête, de gauche à droite, et semble ne pas être contre ce nom. Serait-ce un nom prédestiné? Et sans que Lancelot fasse le moindre mouvement, il lui saute dans les bras et fait la toilette de son visage.
Lancelot revit, Lancelot est heureux. Pouvoir partager, joies, peines et soucis lui redonne force et volonté de continuer.
« On fonce » dit Lancelot; « Wouaf-Waf » approuve Sauveur.
Et cette petite troupe reprend la route; Sauveur gambade joyeusement devant ses pieds, faisant des allers et retours.
La largeur du lac commence à diminuer et il peut apercevoir l’autre rive bien escarpé, car la falaise plonge directement dans l’eau; pas de plage. Pareillement, du coté droit, estimant la distance à une cinquantaine de mètres, il distingue la paroi opposée.
Et soudainement, il devine, dans le lointain, à une distance qu’il a du mal à estimer, une lueur. Une issue pense-t-il, ne nous emballons pas trop vite.
Mais il est trop impatient et accélère le pas et toujours en zigzagant entre tous ces rochers, il se rapproche de ce phare, trouant la pénombre. Sauveur est surpris par cette accélération, et lui emboite le pas en restant à l’arrière. Cette lueur grandit au fur a mesure de son avancée et, n’y tenant plus, il se met à trottiner. Et quand il arrive à une dizaine de mètres, il marque un arrêt, et se laisse tomber à terre.
« Non » dit-il; « c’est impossible »; une telle chose ne peut exister au milieu de nulle part.
Sauveur s’est assis gentiment à son coté, regardant comme lui cet objet insolite.
Une porte, une porte isolée; il croit rêver en voyant cet objet.
Le chambranle est légèrement doré, mais le plus surprenant est le panneau. Ce n’est pas le néant mais un espèce de brouillard s’agite entre les montants. Il croit apercevoir des ombres fugaces , non identifiables, transparaitre fugitivement.
Les montants sont dorés et il détient une clé en or; serait-ce la bonne porte, ou la mauvaise clé?
Il faut qu’il en est le cœur net et il se lève pour s’approcher de cet objet, farfelu en ces lieux. Sauveur le suit sur quelques pas, puis s’assied pour observer son nouveau maitre.
Il arrive tout près et est désappointé: pas de serrure. Il en fait dont le tour et voit que la porte est identique, recto verso, et qu’un brouillard identique s’agite sur les deux faces. Pas de serrure; rien qui puisse faire penser qu‘il puisse l‘ouvrir. Encore une déception et il se laisse choir, abattu, pensant, je ne sortirai jamais de ce trou; j’errerai jusqu’à la mort.
Sauveur accourt et grimpe sur ses cuisses, et le lèche puis se blottit contre lui.
Le temps s’arrête mais n’est-il pas arrête depuis qu’il est tombé dans ce monde inconnu?
Et il ne sait combien de temps il est resté prostré.
Et son subconscient lui a permis de s’évader; d’échapper au sort effroyable s’il n’arrive pas à sortir de cette prison. Et il s’est interrogé sur ce prénom d’une autre époque dont l’avait affublé ses parents.
Lancelot: était-ce prédestiné pour accomplir une mission?
Ses parents lui avaient maintes fois raconté sa venue au monde.
Il faut dire que sa mère, professeur d’histoire, était spécialisée dans la période pré-médiévale car son enfance avait été bercé par toutes ces légendes que lui contaient ses aïeux. Elle avait donc décidé, après son entrée à l’université, de se spécialiser dans ces époques, riches en bouleversements de toute nature.
Son père par contre, était géographe, et il aimait parcourir le globe à la recherche de nouvelles contrées, encore inexplorées. Et il se moquait, gentiment, de son épouse qui vivait dans le passé quant lui se projetait dans l’avenir.
La maman attendait impatiemment la venue de l’héritier de la famille. Avec son géographe de mari, tous deux passaient quelques jour de repos, en Bretagne, aux alentours du parc de la Grande Brière.
Ce jour là, ils avaient décidé de faire une promenade, en barque, dans le marais. La journée s’annonçait pour être belle, et le soleil, bien luisant, commençait à chauffer. Mais une brise légère, tempérait les ardeurs de celui-ci.
Il s’était bien éloigné, pour ne pas dire perdu dans ces enchevêtrements de plantes aquatiques. Soudainement, la maman se mit à gémir et fut prise de malaise et son mari l’aida à s’allonger au fond de l’esquif. « Il va naitre » hurla-t-elle, « il va naitre ».
Avec l’aide de son géographe, novice en la matière, elle donna naissance au futur archéologue. Son mari fut téméraire et prodigua les premiers soins,. Et après avoir protégé, femme et enfant, avec une couverture trouvée dans un coffre, il fit tourner ses rames a toute vitesse pour rejoindre le point de départ. Ensuite tout s’enchaina très rapidement, et la maman et son bébé furent pris en charge dans l’hôpital, très proche.
« Comment va-t-on l’appeler », demanda le géographe.
Sans aucune hésitation, la maman répondit: « Lancelot ».
« Pourquoi? » dit le père ébahi.
« Il est né, en Bretagne, sur un lac, ce sera donc Lancelot, comme Lancelot du lac », répondit la mère.
« Alors ce sera un aventurier, comme moi », le père donnant son assentiment.
Après ce long intermède à s’évader, il revient sur terre, « non , dans la terre » dit-il. Cela lui a fait du bien ce voyage en pensant à ses parents, trop tôt disparus dans un accident d’avion, au fin fond de l’Aude. Mais pense-t-il, serai-je un aventurier, aurai-je été choisi pour accomplir une mission que j’ignore?
Il se sent un peu épuisé, et décide de prendre quelque repos.
Il sort sa peau de poisson et partage, avec Sauveur, ce frugal repas. Tous deux s’abreuve au lac, puis s’allongent sur la grève. Ils se serrent bien, l’un contre l’autre, comme pour se protéger, et se laissent gagner par le sommeil bienfaiteur.
A leur réveil, rien n’a changé, le décor est immuable.
Sauveur tourne autour de cette porte, intrigué. Puis il s’arrête face à elle, et regarde intensément Lancelot. Ses yeux flamboie comme de la braise et semble adresser une supplique à son maitre.
Et brutalement, il plonge dans ce brouillard inconnu. Lancelot s’élance, vers la face opposée, pensant dorloter son compagnon après cette aventure, mais rien. La porte se dresse toujours, comme inamovible.
Sauveur a disparu, comme effacé.
La disparition de son ami le plonge dans un désarroi intense.
Alors il n’hésite pas longtemps; il ramasse son maigre avoir et, pensant , perdu pour perdu, je vais le suivre.
Et, en trottinant, il se jette dans ce brouillard qui lui semble maléfique et la grotte disparait à ses yeux.
Il est dans le noir absolu, le néant, mais devinant, périodiquement, de fines trainées blanchâtres. Son esprit vacille et il perd connaissance!
Quand il reprend conscience, il est allongé sur le sol. Curieusement il se sent détendu; sa couche est relativement douce car le sol est recouvert de mousse. Le noir est moins intense et il comprend en apercevant, au dessus des frondaisons, quelques étoiles. Il se trouve dans une forêt composée d’arbres majestueux. Soudainement, des jappements se font entendre dans son dos et quelle n’est pas sa surprise quand Sauveur lui saute sur les épaules. Ils se congratule mutuellement, heureux de s’être retrouvés.
Où ont-t-ils été propulsés, avec son compagnon?
Se relevant, il décide de progresser pour identifier ce nouveau territoire. La température est relativement fraiche, conséquence, probablement, de ce ciel très clair privé de lune. Il recouvre ses épaules avec la saie et récupère rapidement un peu de sa chaleur corporelle.
Il ne sait trop comment s’orienter et serait satisfait si Sauveur lui fournissait quelques repères; mais cet animal se frotte contre lui et pour lui la vie est belle. Il tente donc de déterminer la direction du nord, en recherchant les fines trace de lichens sur les troncs d’arbres. Il y parvient facilement, mais trouver l’ouest, sans repère dans la voute céleste lui est impossible. Et pourtant, il n’en connait la raison, mais il désire cheminer vers l’ouest. Il s’en remet à madame Chance, et opte pour partir sur sa gauche, souhaitant faire le bon choix.
Il ramasse ses maigres affaires et, accompagné de Sauveur, se met en route vers l’ouest. "Je suis sur d’être dans la bonne direction " marmonne-t-il.
La progression se révèle difficile car la forêt semble bien mal entretenue. Mais de buissons en amas de ronces, en portant Sauveur pour lui éviter griffures, tous deux s’enfoncent dans cette végétation luxuriante.
Timidement, la voute céleste commence à pâlir et il décide de faire une pause avant l’apparition du soleil. Il tente de trouver une trouée dans cette dense végétation, pour observer le ciel, et s’accroupit, pour attendre.
Ce ne fut pas très long, car subitement, la cime des arbres s’embrase, caressées par les premiers rayons du soleil.
Et il hurle de joie. « Sauveur, je ne me suis pas trompé, j’ai choisi la bonne direction, nous allons vers l’ouest ». L’animal le regarde pensant, l’est ou l’ouest, qu’importe; ce qui est capital pour moi, c’est d’être en ta présence.
EN FORËT
Ils repartent à la conquête de l’ouest quand, subitement, Sauveur détale tel une gazelle. Il le somme de revenir mais rien ne peut le contraindre et il disparait de sa vue, dans des fourrés. Lancelot essaie de le suivre, mais cet amas est trop dense pour lui, alors que le chien s’est faufilé, étant donné sa petite taille, par en dessous.
Pourquoi s’est-il enfui et il s’époumone: « Sauveur, Sauveur, Sauveur….. ». Attendons, pense-t-il.
Il commence à désespérer quand il détecte un bruissement dans les fourrés et quelle surprise. Sauveur, le museau ensanglanté, tenant fermement un lapereau, fait son apparition. Sa queue frétille de joie et en guise d’offrande le dépose délicatement à ses pieds. Lancelot le félicite en lui prouvant son affection, et Sauveur se couche, un brin épuisé.
« Mon ami, je pense que, pour aujourd’hui encore, nous allons déguster un repas froid, disons tiède: quelle horreur au petit déjeuner ».
« Wouaf-Waf » acquiesce Sauveur.
A l’aide de son poignard, couteau il commence par lui couper les pattes qu’il réserve; ensuite il le dépèce et jette au loin fourrure, tête est viscères qui feront le bonheur de tous les prédateurs rampants.
Délicatement il désosse ce petit lapin qui, sur les cotes, n’a que la peau et les os. Il se débarrasse de ces os sans intérêt et dit: « Sauveur, à table ! ».
Bien qu’encore sanguinolente, la chair se révèle tendre et d’un gout particulier; En fait tous deux apprécient cette viande, qui change du sempiternel poisson.
Lancelot ressent un peu la soif mais il pense que ce sang, encore frais, lui permettra de légèrement se réhydrater.
La journée s’annonce belle, du moins il le pense car les rayons du soleil commencent à pénétrer généreusement au cœur de la forêt.
« En route mon ami » dit-il en s’adressant a Sauveur. Il ramasse son barda, après avoir mis deux pattes de lapin, les plus belles, dans sa besace.
Il ne peut plus se tromper, il devine l’ascension du soleil et il dirige ses pas plein ouest.
La forêt s’éveille tout doucement et il entend, au dessus de sa tête, dans les cimes de ces chênes monumentaux, le gazouillis des oiseaux, sortant de leur léthargie nocturne. Au loin il aperçoit un couple d’écureuil, en goguette, se rendant au marché en prévision de l’hiver futur. Surpris par un craquement de bois mort, dans son dos, il se retourne rapidement. Et il voit passer, gambadant, deux jeunes biches, élancées et joyeuses suivis de près, de très près, par un cerf magnifique, jeune lui aussi, à voir les bois couronner sa tête. Il veille sur ses dulcinées, pense-t-il en souriant.
La marche est aisée car l’humus forme un tapis souple et agréable. Quelques renoncules, pâquerettes et crocus parsèment, par ci par là le sol; quelques brins de muguet se font remarquer et toutes ces fleurs annoncent le printemps naissant.
Comment est-ce possible? Il était en exploration au tout début de l’automne et ensuite sur cette plage en plein mois d’aout. Et maintenant le printemps. Faut avoir le cerveau bien lucide pour encaisser ces changement se dit-il. Et de toute façon, « je n’ai pas le choix: hein Sauveur ».
« Wouaf-Waf » répond son ami.
Et il reprend sa route, en souhaitant avoir bien choisi, quand brutalement, tout disparait autour de lui.
TUDAL
Il est inconscient, car une ombre, surgie de nulle part, vient de lui asséner un coup d’épée.
Mais du plat de l’épée au niveau de la nuque, ce qui l’a estourbi instantanément.
La pluie, pense-t-il lui fait reprendre ses esprits. Faux car en fait un grand gaillard est en train de l’asperger à l’aide d’une espèce d’outre. Il ouvre les yeux et réalise que ses poings sont liés dans le dos; au loin, Sauveur s’est camouflé sous un buisson épineux.
Il s’ébroue et regarde surpris son assaillant.
Cet un homme jeune, de son âge il lui semble. Il est grand et d’une carrure imposante. Ses cheveux, mi long, sont blonds mais légèrement cendrés. Il inspire la sympathie mais Lancelot est méfiant. Il est porteur d’une épée très longue et qui semble faite par un armurier compétent; un petite hache est glissée dans sa ceinture. Il observe Lancelot d’un air narquois mais pas agressif. Il est habillé sobrement mais son accoutrement fait penser à celui d’un guerrier; peut être un chevalier pense Lancelot.
« Que fait tu par ici? », demande ce personnage.
Que répondre se demande Lancelot, car la vérité serait complètement incompréhensible pour cet homme d’une autre époque.
« Je suis un fabricant de bottines; malheureusement j’ai été attaqué , il y a quelques lunes, par des brigands qui m’ont dévalisé me laissant pour unique bien ce que tu vois là. Je pensais pouvoir troquer, par chez vous, ces bottines contre vêtements ou colifichets », répond Lancelot.
« J’ai soif » dit Lancelot , et cet inconnu, charitable avance sa gourde improvisé de ses lèvres.
« Comment t’appelle-tu »
« Lancelot ».
« Tu n’as pas l’air d’un mauvais bougre » et l’étranger libère ses poignets.
« Je me nomme Tudal et je loge dans une petite bourgade en lisière de la forêt ».
« Quel est le nom de cette forêt? » demande Lancelot.
« Plus tard mais sache que c’est une forêt bien connue en Armorique; donc tu n’es pas de la région? » questionne Tudal.
« Non, je viens de bien loin, vers où se lève le soleil, d’un pays de marécages », répond Lancelot.
« Tu es donc loin de chez toi, de ta famille à qui tu doit manquer »
« Tudal, je n’ai plus de famille, mes parents sont disparus depuis longtemps et je n’ai plus d’attaches, dans ma contrée ».
« Alors si tu le veut bien, je t’invite à me suivre et à passer quelques jours avec nous » propose Tudal.
Sauveur, qui a perçu que la situation s’améliorait et que l’humain, qui avait agressé son maitre, avait une conversation cordiale avec lui, s’est rapproché de tous deux. Il s’étale à leurs pieds et patiente.
« Il est beau ton chien , comment s’appelle-t-il? » demande Tudal.
« Sauveur » qui dresse ses oreilles en entendant son nom.
« Drôle de nom, pourquoi? » remarque Tudal.
« Figure toi que grâce à lui, je suis encore en vie, car après que ces brigands m’aient détroussé ils voulaient attenter à ma vie. Et le chien, son nom précédent, a réussi à les mettre en fuite, et ce fut mon Sauveur »;
« Brave animal » conclut Tudal.
Tudal se lève et Lancelot lui emboite le pas après avoir ramassé ses quatre misères, et bien entendu, Sauveur n’est pas le dernier à se mettre en route, tout joyeux.
Ayant parcouru quelques arpents, au moins une cinquantaine, Lancelot devine, à travers les arbres, une clairière, assez vaste et ouvrant sur des champs ou jardins, et où sont blotties quelques huttes. De certaines, s’élèvent des volutes de fumée qui confirme la présence d’une société structurée.
GWENROC’H
Ce hameau respire la paix et la tranquillité. Les huttes encerclent une place centrale, lieu de réunion de ces familles. Au centre on distingue un puits qui fournit l’eau, élément crucial pour la vie quotidienne, humaine et animale. Des poules caquètent à la recherche d’un endroit propice pour déposer leurs œufs. Un petit troupeau, de chèvres et de brebis mâchonnent nonchalamment l’herbe a l’orée du village; quelques cochons font leur toilette près du puits, dans une marre boueuse, créée par les enfants qu’il voit courir, qui après une chèvre, qui après une brebis, et tout ce petit monde rit aux éclats, avec l’insouciance de la jeunesse.
Quelques chiens et chats paressent à l’ombre des auvents de ces huttes. Aux abords de ce bourg, quelques femmes bêchent
une grande parcelle pendant que des jeunes filles sèment et plantent la future récolte.
Lancelot ne voit aucun homme dans le village, excepté quelques anciens, et pense qu’ils sont partis à la chasse pour nourrir la tribu.
Les huttes sont faites de poteaux en bois, tout comme la charpente: les murs consolidés de torchis, fait de paille et de terre humide, semblent réalisés a l’aide de branchage. Pour les habitants, la forêt est le gisement de matière première. Au dessus de la pièce à vivre, on distingue un grenier, qui doit servir de lieu de stockage, pour légumes et viandes, en vue de l’hiver. Le toit semble fait de chaume et une ouverture, en son centre, permet d’évacuer la fumée du foyer intérieur. Un large auvent surplombe une palissade créant bergerie, et abri pour les animaux.
A la vue de ce petit village, paisible, Lancelot sourit et semble revivre. Retrouver un peu de civilisation lui va droit au cœur et il est un peu ému.
Les deux compères s’avancent vers cette place et, apercevant Tudal, les femmes accourent pour le recevoir. Vu les égards qu’il reçoit, Lancelot pense qu’il doit être un personnage important pour la communauté.
Et tout le monde, dans un brouhaha, le questionne sur les résultats de sa mission.
Et Tudal commença à expliquer la réunion à Kerc’haoueg.
« J’ai été bien reçu par le patriarche de ce village avec qui nous avons conclu un accord: toutes les deux lunes, nous lui fournirons un gros cochon, bien gras et en contrepartie, lors de la moisson, trente hommes nous apporteront autant de grands sacs emplis de céréales. Je pense que nous avons conclu un bon pacte, bénéfique pour nos habitants ».
Se tournant vers les cochons, qui ne se soucient pas de ces problèmes, il dit: « choisissez l’animal le plus ventru, le plus costaud, et engraissez le: vous avez un lunaison pour cela ».
Tudal n’a pas besoin de répéter ses paroles, et une envolée de tunique se précipite sur ces animaux pour choisir le meilleur.
Lancelot regarde son hôte et sourit, ayant soupesé la notoriété de celui-ci.
« Tudal, tu m’à l’air bien respecté dans ton village » affirme Lancelot;
« Oui cher ami, mon père, disparu, a longtemps été le guide de notre communauté, et à son décès, le conseil des anciens a assuré la poursuite de son œuvre. Et quand je suis devenu un homme, après avoir fait preuve de courage et de diplomatie, tous ont décidé que je conduirai leur destinée ».
Et il ajouta: « j’espère être digne de leur confiance ».
Et sans plus attendre Tudal convie Lancelot à le suivre dans sa « maison », pense Lancelot.
Ils firent un bon repas, viande sanglier séché et fumé, quelques légumes inconnues de Lancelot, accompagné de galettes de blé dur et d’un breuvage ressemblant à du vin, mais un peu aigre et pétillant.
Lancelot était heureux et repu mais s’apercevant de l’absence de Sauveur fut inquiet.
Se levant précipitamment, il sortit , mais Sauveur n’était pas bien loin, et avait été accueilli par les quelques chiens, aussi amicaux que leurs maitres; tous se chamaillaient gentiment autour d’une omoplate de porcelet.
Après ce désert de solitude, dans cette grotte inconnue et incroyable, se retrouver au milieu d’humains, comme lui, malgré qu’ils ne soient pas de son époque, était le meilleur remède contre la nostalgie. La nostalgie, cruelle quand il pense à Vivie, la reverra-t-elle un jour?
Et à cet instant là, il prit une décision irrévocable: vivre au jour le jour et ne plus penser au lendemain.
Tous deux se lèvent et se rendent à l’extérieur pour profiter de cette belle journée. Tudal l’entraine pour lui faire visiter « son royaume » dit-il.
Ils font tous deux le tour des habitations, et Lancelot est épaté par l’organisation et l’orientation de ces habitations.
Dans une de ces huttes il devine gazouillis et rires de jeunes bambins; deux jeunes demoiselles surveillent tout ce petit monde et l’une enseigne aux plus grands, l’art de vivre dans ce village. Passant tout près du troupeau de cochon, il ouvre sa besace et se débarrasse de cette peau de poisson garde-manger; une bagarre se déclenche vite tarie par la maigreur de cette pitance.
Les femmes et jeunes filles sont reparties à leur labeur et ils les rejoignent afin de les féliciter pour le travail accompli. On devine, par touffes, quelques pousses qui fourniront les légumes prochainement.
Lancelot marque un temps d’arrêt à la vue d’une plante connue de lui et demande:
« Tudal, cette plante il me semble la connaitre »
« Bien, sur » répond Tudal « c’est de la Salvia ».
Lancelot à bien compris mais n’en dit mot, sauf à penser, Salvia, sauge, cette plante est de la sauge rustique.
« Tudal, puis-je ramasser quelques feuilles car j’adore son odeur »
« Mais bien sur Lancelot, et je vais te dire, je souhaite que tu passes quelques temps avec nous, autant que cela pourra te faire plaisir, et de toi, ancien marchand je ferai un bon chasseur, et peut être un prospecteur ».
Récoltant quelques feuilles, qu’il remise dans sa besace, Lancelot est confus, rougit légèrement et est très ému par cette proposition.
« Tudal, j’aimerai tant rester avec vous, mais je ne peut pas devenir une charge pour votre assemblée
Mais Tudal ne veut rien entendre, devine-t-il ou pressent-il la destinée de cet étranger hors du commun?
Et après quelques claques gentilles mutuelles, Lancelot demande grâce et accepte l’hospitalité de tous.
Quelques hommes commencent à revenir vers le village et hurle de joie à la vue de Tudal; ils se congratulent chacun à leur tour et le questionnent sur sa mission. Tous ramènent de la chasse leur butin; qui exhibe un lapin alors que certains sont fiers de leur faisan, quand un chasseur aguerri arrive portant sur ses épaules une jeune faon; la chasse à été bonne aujourd’hui remarque Tudal.
Ce soir ce sera la fête , sur la place, près du puits, car des adolescents arrivent les bras chargé de branchage destiné à faire un bon feu.
Le feu se plait à rêver Lancelot: quand ai-je fait du feu, c’était hier, un mois, un an….?
Comme la vie semble paisible dans ce hameau; tous respirent le bonheur et la joie de vivre.
«Comment se nomme ton village? » demande Lancelot.
« Ce n’est pas mon village, rien n’est à moi, c’est notre village et toutes les décisions se prennent en concertation. Il se nomme, Gwenroc’h », répond Tudal.
La journée avance vite et le soleil commence à plonger vers l’ouest, pour apporter sa chaleur à d’autres peuplades, au delà des océans, dont l’existence est inconnue des ses hôtes.
Les hommes se sont assis, autour du puits, et commencent à dépecer les trophées de leur chasse. Les chiens, attirés par l’odeur du gibier, commence à tourner autour deux, et Sauveur n’est pas le dernier et accompagne ses nouvelles relations.
Les adolescents on commencé à préparer, avec tous les branchages rapportés, le futur brasier. Après avoir disposé des bois très fins, ils construisent, par-dessus, comme une espèce de chapiteau conique.
Les femmes et jeunes filles reviennent de leur jardin potager, le dos courbé et harassées par ce dur labeur; il est vrai que leurs journées sont bien chargées, car en plus du travail de bêchage, il faut irriguer et cela en fait des pas, chargées de leurs seaux fait de peau de cochon, pense Lancelot.
Tudal et Lancelot se sont rapproché du puits, et Tudal raconte à tous sa rencontre avec Lancelot, puis tous deux se retirent sous un auvent pour deviser.
« La forêt que j’ai traversé et où tu m’a assommé, a-t-elle un nom? »demande Lancelot.
« Oui, c’est une très belle forêt, et très vieille je pense, et les anciens ont construit notre cité, tout proche, pour profiter de l’abondance de bois. Ce bois est très utile, pour la construction comme tu as remarqué, mais aussi pour le chauffage, car les hivers sont rudes, et bien sur pour cuire nos animaux de basse cour et les trouvailles de nos chasses. Plus loin , par là bas » Tudal montrant le Nord, « se trouve un lac magnifique, et quelquefois nous allons faire provision de poissons. Je t’ai vu donner un reste de poisson, aux cochons, tu doit donc aimer cela. Faudra que tu me raconte comment tu l’avais péché. Et cette forêt, je l’ai toujours connue comme étant nommée : Brocéliande. Mais je t’en raconterai plus la prochaine fois » répond Tudal.
VEILLÉE
« Mais avant, je veut te présenter ma compagne » et il appelle une jeune fille, bien occupée à préparer le repas.
C’est une fille de toute beauté qui semble du même âge que Tudal. Elle est habillée sobrement mais porte ses vêtements avec une certaine élégance. Très brune contrairement à toutes, majoritairement blondes. Un visage très fin avec des yeux couleur noisette et elle s’approche, d’une démarche féline, des deux hommes.
« Lancelot, je te présente ma compagne, Erwana , nous n’avons pas encore d’enfants mais nous y pensons » dit en souriant Tudal.
« Erwana, ce nouvel ami, rencontré en forêt, se nomme Lancelot, et je l’ai invité à rester quelques temps parmi nous ».
Erwana sourit et Lancelot pareillement, mais il ne sait quelle attitude adopter. Il ne se pose pas longtemps la question car Erwana s’approche et lui donne une accolade amicale.
Les adultes ont allumé les branchages et, rapidement, cette sorte de hutte s’embrasse en pétaradant. Les enfants font la ronde autour de ce feu majestueux; ils inventent la Saint Jean de mon enfance, pense Lancelot.
Pendant que les femmes trient les meilleurs morceaux de gibier pour les mettre de coté, les hommes se désaltèrent prés du puits en racontant leurs exploits de chasse.
Et à cet instant Tudal me demande : « comment avais-tu attrapé ce poisson? ».
Alors je leur raconte qu’étant affamé et passant près d’un petit cours d’eau, je vis un banc de poissons musarder au soleil. Je saisi ma canne, lance et harpon, et fixant le plus bel élément, j’arrivai à le foudroyer au premier jet.
Tudal s’exclame en riant: « mais alors tu fera un bon chasseur, car tu a une très bonne vue, et un bras infaillible. Nous on pèche différemment car les femmes nous ont fabriqué une espèce de nasse faite de paille et de roseaux entrelacés, et ainsi à plusieurs personnes nous arrivons à emprisonner les poissons et à les ramener sur le rivage ».
Lancelot est impressionné par l’ingéniosité de ses nouveaux amis.
Un jeune adulte, récemment arrivé, s’approche de tous deux
et donne une accolade à Tudal. Il semble être un chasseur solitaire, très grand et doté d’une musculature impressionnante.
Kristen est son nom, et Kristen est un parent très proche de Tudal. Sa bravoure et son autorité en font un personnage respecté par tous; de plus il est d’une aide précieuse pour Tudal qu’il seconde efficacement.
« Lancelot, je te confie à Kristen qui t’apprendra tous les arcanes de la chasse. Et tu feras de rapides progrès en sa compagnie ».
Kristen serre vigoureusement les deux bras de Lancelot, comme pour sceller un pacte mais aussi en guise d’amitié.
Sauveur, peut être un peu inquiet, est venu roder autour de son maitre, mais il comprend que celui-ci ne risque rien et il repart retrouver ses compagnons pour causer entre chiens.
Le feu s’est bien calmé et un beau tapis de braise rougeoie sur la place centrale.
Les femmes ont embroché, sur des pieux bien pointus, différents morceaux de viande, un patchwork vu les différentes teintes fait de faisan, lapin, faon et autre poule sauvage. Et les adolescents sont chargés de surveiller la cuisson.
Sur un semblant de palissade, placée pour recevoir le maximum de fumée, sont étalés de beaux morceaux de viande découpée en fines lamelles. Un jeune est chargée d’alimenter, par petite brassée d’herbes et de chaumes humides ce feu, afin de soutenir le nuage de fumée. Les réserves pour la saison froide pense Lancelot qui seront stockées dans les greniers.
Dans de grands récipients en terre cuite qu’elles ont approchés des braises, les femmes ont préparé un semblant de potage qui mijote gentiment.
Les chiens par l’odeur de grillade alléchés se rapprochent discrètement du foyer, et se couche, patientant. Sauveur se rapproche de Lancelot pour quémander une caresse, puis rejoint ses congénères.
Tudal se dresse, et tous, comme mus par un ressort, font de même.
« Mes amis, nous allons passer à table » dit-il. Et il n’eut pas besoin de répéter.
La soirée fut agréable et gaie. Lancelot apprécia ce repas, fait de viande grillée de bonne qualité et fut surpris par la saveur du potage.
Et l’assemblée bien repue assiste à un petit spectacle que les filles donnaient toutes les nouvelles lunes. Des danses et des chants se succédèrent tard dans la soirée.
Quand les jeunes filles et les enfants furent couchés, Lancelot écoute les récits des exploits de ces chasseurs, pimentés, quelquefois, par des histoires plus légères.
Les braises commencent à mourir lentement, et les femmes s’empressent de ramasser les morceaux de viande, bien fumés, qui iront remplir la coopérative.
Tudal se lève et s’adresse à tous.
« Valeureux compagnons, vous avez bien travaille aujourd’hui et réussi une belle chasse. Mais la nuit est bien avancé et nous avons, toutes et tous, besoin d’un bon repos. Je pense que demain, nous pourrions paresser en s’occupant de l’entretien de nos huttes. Et le jour suivant, nous pourrions aller au lac, pour ramener un peu de poisson, et Lancelot nous fera voir son habileté pour pécher ».
Tous acquiescent et gagne leurs logis respectifs.
Les chiens et chats, qui ont participé à nettoyer les restes du festin se dirigent vers les auvents pour passer la nuit.
Par contre, Sauveur préfère rester près de son maitre et ami.
Tudal désigne deux jeunes hommes, chargés de veiller sur la quiétude du hameau. Et il explique à Lancelot que ce n’est pas dans l’hypothèse d’une agression, mais plutôt pour se protéger des prédateurs, loups, renards ou autre.
Puis se tournant vers Lancelot, il dit:
« Je ne peut t‘offrir l‘hospitalité car ma hutte est bien petite, mais je suis sur que Kristen sera ravi de t’accueillir ».
Kristen avec un grand sourire approuve rapidement à la pensée d’avoir un compagnon dans sa modeste demeure.
Et tout ce beau monde, fatigué mais ravis par cette belle soirée, se retire pour gouter à un repos bien mérité.
Lancelot suivi de Sauveur accompagne Kristen vers sa hutte, minuscule elle aussi.
LA PIERRE BLANCHE
Tous sont rapidement réveillés, par le chant de deux coqs, qui secouent les plumes de leurs poules préférées.
Un rapide passage de la population par le puits, dont l’eau est très fraiche, pour quelques ablutions finit de dissiper les brumes nocturnes.
La journée s’annonce belle, car on devine le soleil, au loin, encore masqué par la forêt. Le ciel est très bleu sans trace de nuage.
Après un rapide petit déjeuner, fait de lait de chèvres et de galettes de blé, chacun pars vaquer à ses occupations.
Les femmes au jardinage et les hommes sur et dans les huttes, à remettre en état les parties dégradées.
Tudal invite Lancelot et Kristen à le rejoindre pour discuter un peu.
« Tu as fait un long voyage Lancelot, et je décèle quelque chose de surprenant en toi. Déjà ta démarche ne ressemble pas à la notre. Il est possible que tu viennes d’une grande bourgade , mais alors quel intérêt de braver tous ces dangers; les brigands, et ces forêts ou, quelquefois on fait de mauvaises rencontres, la preuve » dit en riant Tudal.
« Je ne t’ai pas cru quand tu m’a raconté cette histoire de bottines, trop farfelue. Vois ce que tu as dans les pieds, toi un fabricant de belles chausses, et à peine mieux loti que nous.
Et ta lance ou canne, qui t’a servi à capturer un poisson, pourquoi sa pointe est-elle durci par le feu, et faite d’un bois inconnu de nous? »
« Et cet animal, Sauveur, très gentil en outre, d’où peut-il venir, car nous n’avons jamais aperçu de telles races? Son pelage est relativement propre et soyeux, après les épreuves rencontrées; pourquoi? »
« Si je t’ai pris en amitié, c’est que j’ai senti le bon en toi, mais je ne sais pas et ne comprend pas d’où tu viens. Tu n’es pas chez toi, comme tu m’a dit, et tes parents sont disparus depuis longtemps. Mais d'où viens-tu »
Kristen n’a rien dit mais on voit chez lui qu’il est très attentif; dans ses yeux, comme ceux de Tudal, on entrevoit une intelligence et un savoir au dessus, très au dessus de la moyenne.
Sauveur qui rodait dans les parages, s’est rapproché de son maitre, ayant senti le besoin de soutien qui émanait de lui; il pose lentement son museau sur les cuisses celui-ci et le regarde fixement avec une intensité dans ses prunelles, insoutenable. Lancelot se ressource dans ce regard, puise des forces insoupçonnables et se demande même: quel esprit habite ce chien?
Et Lancelot est détendu, et Sauveur est heureux et, fermant les yeux, s’assoupit ou simule.
« Mes amis je répondrai volontiers à vos interrogations, mais Tudal tu m’avais promis de me parler de cette forêt. Car à vrai dire, je cours après quelque chose, mais cette chose, je ne peut en parler.
Je ne sais de quoi il s’agit ».
« Pour te parler d’elle , je ne vois que Kristen. Depuis sa plus tendre enfance, il a couru, partout dans la forêt. Lui seul connait tous les chemins, tous les pièges, tous les lieux de guet pour surprendre le gibier. Il pourrait partir à l’intérieur, les yeux bandés, jamais il ne se perdrait ».
Kristen est modeste et minimise les propos de Tudal, mais il est un fait reconnu dans le village: tous les hommes font appel à lui, quand ils s’aventurent dans des lieux inconnus d’eux.
Alors Kristen va raconter ce qu’il sait; essayer de détailler ce qu’il a vu, quand il était à l’affut, dans les fourrés par des nuits sans lune, attendant une proie.
Erwana ,venue remplir une outre au puits, s’approche du trio pour leur proposer de se désaltérer. Elle en profite pour s’accroupir, quelques secondes, et se serrer contre Tudal.
Mais le labeur l’attend et elle repart, souriante, vers le potager.
« Cette forêt, nommé depuis longtemps Brocéliande s’étend sur une grande surface. Quand le soleil est sur ma droite, le matin, en a peine une heure de marche, je rejoins facilement un lac, petit, mais dont je n’ai jamais fait le tour. Tu le verras demain quand nous irons à la pèche. Par contre, à l’opposé je n’ai jamais atteint la lisière, le gibier étant trop rare. Je suis allé face au soleil, toujours le matin, et suis parvenu dans de belles prairies, de céréales en tout genre. En fait , c’est dans cette région que Tudal a noué des relations avec un village un peu identique au notre. Par contre je n’ai pas senti le besoin de quitter notre village en direction du soleil couchant. Plus tard peut être.
Et la nuit, j’ai vu certaines choses surprenantes qui dépassent mon entendement.
J’aime bien courir la forêt la nuit, à la belle saison; je me positionne à couvert, en embuscade pour surprendre les animaux, encore engourdis de sommeil et de ce fait fragiles.
Il est rare que je rentres bredouille de mes escapades. Une nuit, sans lune, j’ai surpris un nain, haut comme trois pommes. Il m’a dit qu’il venait de très loin, ce qui, étant donné la longueur des pas qu’il pouvait faire, était peut être tout près. Il était au centre d’un regroupent de pierres druidiques et m’a qu’il cherchait « la pierre blanche ». Mon air étonné le surprit et je lui ai recommandé de se rendre en limite de forêt, car dans les champs à proximité, il n’aurait que le choix. Mais il m’a affirmé que « la pierre blanche » n’était pas une pierre commune, et qu’on ne pouvait la trouver que dans ces sites. Alors ma curiosité l’emporta et j’ai voulu savoir l’utilité d’un tel cailloux. Et il m’affirma, sans rire, que cette pierre était réputée contre les inondations, et comme ils habitaient près d’un gros ruisseau, il voulait protéger ses compagnons; une fois dans le passé, elle avait été utilisée et la montée de eaux avaient été stoppée. Mais cette pierre est à usage unique.
Je fus sceptique et le laissais à ses recherches, en m’éloignant pour trouver une autre cache pour la fin de la nuit. »
« Mais je n’arrête pas de parler » dit Kristen.
« Et toi, n’as-tu rien à raconter? »
INTEMPOREL
Lancelot est pris au piège; que pourrait-il raconter d’un pays qu’il ne connait pas? Et de plus de cette époque qu’il a étudié mais dont il ne maitrise pas les us et coutumes.
Alors il se lance dans un long monologue.
« Je viens d’un pays que vous ne connaissez pas et que jamais vous ne verrez. Vous dire d’où je viens ne vous fournirez pas d’explication. Par contre, essayer de vous faire comprendre ‘’de quand je viens’’ serait plus simple ».
A ces mots, Tudal et Kristen sont abasourdis, et ont du mal à
assimiler ces termes.
« A vrai dire, je ne suis pas de votre époque. J’ai traverse plusieurs temps après être tombé, en visitant des ruines dans un château, à mon époque, dans un trou profond. J’ai ensuite retrouvé mes parents quand j’étais un gamin; alors qu’ils sont disparus. Et faisant connaissance, rencontre que je n’ai toujours pas compris, d’une petite fille nommée Viviane ».
A ce prénom, Kristen bondit comme propulsé par un ressort.
Puis il se rassied calmement, et Tudal, impassible n’a pas l’air surpris de la réaction de son ami.
« Sur cette plage nous avons été attaqués par un monstre antédiluvien qui nous a emporté dans les entrailles de la terre, et j’ai perdu Viviane ».
A chaque fois qu’il prononce Viviane, Kristen sursaute et Lancelot ne peut s’empêcher de lui demander s’il connait une personne qui se nomme ,Viviane.
« Plus tard, plus tard », répond Kristen.
« Ensuite j’ai erré, je ne peut dire combien de jours, dans une grotte immense, sans issue visible, et j’ai fait la rencontre de Sauveur et d’un inconnu, tout au moins de ses ossements, qui devait venir de votre époque.
Remarquez que vous n’avez pas été surpris de mon accoutrement.
Mais vous expliquer comment cette personne avait été transporté dans cette grotte, je ne saurai le dire. Par une porte dans votre temps? »
« Porte, je comprend pas ce terme, qu’est une porte? » demande Tudal.
Lancelot tente d’expliquer avec des mots simples ce concept.
« Voyez-vous les peaux d’animaux, qui occultent l’entrée de vos demeures, supposez que ces peaux ressemblent à du bois, comme celui qui vous sert a faire les piliers de vos huttes. Voilà ce que serait une porte, et je suis certain qu’on en trouve dans certains châteaux, non »
Kristen dit qu’il a entendu parler de châteaux, un jour, dans la forêt, il ne peut imaginer de quoi il s’agit, mais comprend à quoi ressemblerait une porte.
« Faudra que je tente d’en fabriquer une » dit-il.
Lancelot promet de l’aider.
« Alors cette porte? » dit Tudal.
« Figurez-vous que je n’arrivais pas à l’ouvrir; je ne pouvais pousser son battant. Et j’hésitais; longtemps je l’ai regardée ne sachant que faire. Finalement c’est Sauveur qui s’est jeté à l’intérieur et qui a disparu ».
« Disparu, impossible! » s’écrièrent tous deux.
« C’est la vérité mes amis, Sauveur s’était volatilisé. Alors, ramassant mes quatre guenilles, tout comme lui, je me suis jeté à l’intérieur, et ensuite, je me suis retrouvé dans cette forêt ou Tudal m‘a assommé ».
Tudal et Kristen font la moue et on du mal à cautionner les dires de Lancelot. Tudal se lève précipitamment, demande à Kristen de le suivre et tous deux s’éloignent pour palabrer.
L’entrevue s’éternise et Lancelot se pose de multiples questions sur son avenir. En a-t-il trop dit ou pas suffisamment?
Tous deux se rapprochent, et le sourire sur leurs visages est de bon augure, pense-t-il.
L'ÉTRANGER
Et Tudal prend la parole:
« Tu vois Lancelot, il s’agit d’une vieille légende de notre peuplade, transmise depuis la nuit des temps. Il est dit qu’un jour, un étranger arrivera dans notre village. On n’a jamais su son nom. Cet étranger sera chargé d’une mission, peut être inconnue pour lui, et il restera quelques temps parmi nous, avant de disparaitre définitivement. Lancelot, es-tu cet étranger? »
Lancelot est surpris, et soudainement lui revient en mémoire la vision de ce vieillard.
« Quand je suis tombé dans ce trou, j’ai eu une vision. La vision d’un vieillard, tout au moins d’une personne âgée. C’était un homme avec de longs cheveux blancs, bien coiffés, ainsi qu'une barbe , pas très longue, assortie à ses cheveux, et des yeux bleus, mais d'un bleu profond. Et celui-ci m’a dit ‘’tu dois trouver un trésor secret ‘’, mais de quelle nature, je n’en ai pas su davantage ».
Tudal et Kristen se regardent avec des yeux malicieux, buvant les paroles de Lancelot.
Se relevant, Lancelot se dirige vers la hutte et revient avec sa besace. Sauveur, pensant le départ proche est accouru, mais son maitre le rassure en s’asseyant avec ses amis.
« L’inconnu m’a permis de me vêtir, comme vous le voyez, mais dans sa besace il y avait deux objets dont je ne connais l’utilité ».
Et Lancelot extirpe la clef en or et le parchemin.
Le plan ne les passionne pas, mais la clef oui.
« Cet outil sert à quoi? » demande Tudal.
« Vous avez compris les explications pour la porte, alors supposons que le panneau fabriqué en bois est un trou, dans lequel viendrait cet objet, objet qui pousserait un bout de bois qui pénétrerait dans un des piliers ».
« J’ai compris » hurle Kristen, « et on ne pourrait plus pousser la porte ».
«Exactement Kristen, mais par contre, je ne sais où se trouve la porte dans laquelle je pourrai mettre ceci, si toutefois elle existe ».
La journée est bien avancée, et le soleil commence à jaunir, annonçant sa mort prochaine, dans les océans lointains.
Les hommes, ayant terminé leurs réparations commencent à s’approcher du puits; alors que les femmes sont déjà rentrées de leur rude journée.
Tous se réunissent pour prendre un rapide repas fait de viande fumée et de galettes de riz.
Tudal se lève et annonce: « demain, tous les hommes à la pèche car les réserves s’amenuisent, et je demande aux femmes de prendre un peu de repos dès que le soleil sera au dessus de leur tête ».
Tous poussent des cris de joie et Lancelot pense que pour eux, c’est une journée de détente.
Et épuisés par le labeur de la journée et les vestiges de la fête de la veille, ils regagnent leurs chaumières.
Et Kristen, approuvé par Tudal dit à Lancelot: « nous reprendrons cette conversation mon ami, car si toi tu nous apprend des choses, nous aussi on peut, sans doute te fournir quelques renseignements ».
Deux jeunes hommes, préalablement désignés, vont s’installer à l’orée du village pour veiller sur la quiétude de celui-ci.
Tout le monde s’est retiré, et le village s’endort paisiblement.
PARTIE DE PÊCHE
Et comme tous les jours, les gallinacés à cri de stentor se chargent de sortir tout ce beau monde de sa léthargie. Et immédiatement le village s’anime avec un brouhaha des plus sympathique. Le temps a légèrement changé et quelques moutons agrémentent le ciel si bleu; des anciens prédisent des orages pour la soirée, gentiment chahutés par les adolescents.
Lancelot est sorti, accompagné de Kristen et se dirige vers la hutte de Tudal, lequel vient d’avancer sur le perron, avec à son bras Erwana.
Erwana qui est resplendissante comme si la nuit avait été bénéfique en guise de régénération de toute sa personne.
Après avoir devisé quelques instants avec eux et quelques habitants, ils s’approchent pour boire une tisane, concocté par une ancienne.
Lancelot trouve excellent ce liquide, mélange de sauge et de menthe sauvage.
Et pendant que les femmes se dirigent vers les jardins, tous sont rapidement prêts pour cette journée de pèche. Les jeunes chargés de filets alors que les anciens portent des espèces de panier faits de roseau et d’ajonc. Bien qu’ils aient déjà bu de l’eau de ce lac, quelques uns chargent sur leurs épaules, une outre pleine d’eau; pour la route, comme ils disent.
Et nos trois amis assurent la protection au cas où il ferait une mauvaise rencontre, bien improbable. Tudal avec son épée, Kristen avec un long coutelas et un arc, Lancelot avec sa lance de fortune.
La marche est aisée à travers la forêt, car Kristen, en éclaireur, connait les arcanes de celle-ci. Et Lancelot ferme le convoi en compagnie de Tudal. Et rapidement, malgré le soleil qui commence à monter, ils atteignent les rives du lac.
C’est un lac de toute beauté, au loin des canards en formation s’éloignent, surpris par l’arrivée de tous ces hommes, vers des lieux plus calmes.
Des hérons peu effarouchés, continuent leur labeur, dans une eau peu profonde, à la recherche de vers de vase mais aussi du poisson imprudent qui passera à portée de leurs becs.
Lancelot n’en revient pas de voir tous ces oiseaux en liberté, signe d’une bonne santé de cette pièce d’eau. Grues, pigeons, hirondelles et martinets réalise un ballet féerique.
Déjà, dans la forêt, il avait aperçu, ou entendu leurs chants, des pinsons, chardonnerets, rossignols, merles et pies, moineaux, le tout composant une symphonie mélodieuse. Jamais il n’avait vécu, dans son temps et dans son environnement, une telle journée merveilleuse; tout respirait la paix, la sérénité, le bonheur de vivre.
Mais ils n’étaient pas là pour rêvasser, et déjà tous s’affairaient à dénouer et dérouler les filets de fortune.
Et avant que les hommes se mettent à l’eau, Tudal lança un défi à Lancelot.
« Fait nous voir comment tu attrapes un poisson ».
Lancelot n’a pas le choix. Il délasse ses bottines et commence à s’avancer vers l’eau. Le sol est caillouteux et chatouille désagréablement la plante de ses pieds. La pente n’est pas importante et il avance, précautionneusement, d’une vingtaine de pas, évitant d’affoler les habitants de ces lieux. Quand il sent qu’il est submergé à mi cuisses, il s’immobilise et patiente. Sa canne, lance et harpon, est bien assurée, fermement, dans sa main. Quelques instants plus tard, les ondes crées par son entrée dans l'eau étant dissipées, il distingue un banc s’approcher du rivage; il n’est pas un pécheur chevronné, mais il lui semble reconnaitre des perches, des carpes et aussi des sandres. Il repère un sandre magnifique, au milieu de ce troupeau et patiente, immobile comme une statue de pierre. Rapidement, il arme son bras, et sa canne, javelot, file, comme un trait de lumière, vers sa cible. Le sandre, supposé, fait un bon hors de l’eau, empalé, et sur la plage on entend des cris de joie et des hourras.
Tudal et Kristen s’avancent vers lui pour le féliciter, et Kristen ajoute, en connaisseur:
- Je suis sur que tu peut tuer un petit animal en pleine course.
Lancelot rosit légèrement et joue au modeste, puis offre cette belle pièce à Tudal.
Les hommes sont partis sur le lac avec leurs filets, qu’ils posent, quand l’eau est à mi taille, et qui sont retenus verticalement sur quelques pieux en bois, et lestés de cailloux sur le bas.
Des cordes rustiques faites de chaume tressé, attachées aux deux extrémités du filet, permettront plus tard de le tirer vers la plage.
Et tous patientent et devisent par petits groupes.
Le soleil a déjà franchi le zénith et ils doivent se mette à l’ouvrage. Répartis en deux groupes, le tout orchestré par Kristen, il se mettent à tirer sur les cordes pour ramener le filet sur la grève.
La pêche a été bonne et leur permet de remplir les paniers et Tudal dit:
- J’espère que les femmes se seront bien reposées, car ce soir il faudra nettoyer et fumer tout cela .
Et la troupe se remet en route pour le retour qui se passe sans anicroche.
Après le repas avec les produits de la pêche, repas qu’ils apprécient car les femmes se sont occupées de les faire griller, les hommes se réunissent par petit groupe alors que les enfants jouent à des jeux oubliés des adultes.
Tudal invite Kristen et Lancelot a venir déguster ce liquide aigrelet, sous le auvent de son logis.
Lancelot est intrigué depuis la conversation de la veille, et il faut qu’il sache pourquoi ses amis furent surpris à l’énoncé de certaines noms ou descriptions.
- Kristen j’ai été surpris de ta réaction à l’énoncé du prénom Viviane; vous avez eu, aussi, tous deux, des regards de connivence quand je vous ai parlé de ma vision d’un supposé vieillard.
- Alors j’aimerai savoir où je vais car je suis désorienté ».
- Je comprend ton désarroi mais avant je voudrai finir de raconter ce que j’ai entrevu dans cette forêt, la nuit, répondit Kristen.
- Un jour, près d’une marre, j’ai vu, dans un ballet irréel, tournoyer et danser nymphes et elfes. Des nymphes des eaux mais aussi du vent, et les gardiennes des arbres. Je suis resté à rêver toute la nuit, subjugué par leur beauté, mais ne me suis pas manifesté pour ne pas les effrayer. J’ai été surtout surpris par leur jeunesse, toutes paraissaient avoir le même âge. J’aurais aimé que la nuit survive pour me délecter de ce spectacle féerique, malheureusement dès que le ciel commença à pâlir, toutes disparurent ».
Lancelot est très attentif et se souvient des histoires que lui racontait sa mère pour l’aider à s’endormir. Même gamin il n’y croyait pas de trop, à ces histoires de fées légendaires, mais aujourd’hui, il revenait sur l’idée qu’il s’était forgée.
VIVIANE
Et Kristen poursuit son monologue.
« Une nuit de pleine lune, je m’étais aventuré en direction du soleil levant, et je suivais la trace d’un lapin qui devait avoir une belle corpulence. Et je suis parvenu dans une minuscule clairière, au centre de laquelle se trouvait une aussi minuscule marre.
Légèrement accroupie, au milieu de cette pièce d’eau, se tenait une créature ravissante. J’ai tout de suite pensé à une nymphe, et commençait à me retirer pour ne pas l’effrayer. Mais trop tard, elle m’avait aperçu et me fit signe d’avancer, ce que je fis.
Elle était d’une beauté inégalée et habillée sobrement d’une chasuble blanche, une longue chevelure soyeuse d’un blond éclatant descendait jusqu‘au bas du dos, mais elle n’était pas chaussés.
« Qui est-tu et d’où vient-tu, valeureux chasseur? » demanda-t-elle.
« Je viens d’assez loin, en direction du soleil couchant d’un village nommé Gwenroc’h, et je m’appelle Kristen. Et toi qui es-tu, une nymphe, une humaine ».
« Kristen, je connais un peu ce village, et je suis bien humaine. On m’appelle Viviane et je vis avec un druide, un peu magicien, dans un petit château au delà du grand lac que tu dois connaître. Ce druide m’apprend beaucoup la magie, qu’il utilise avec une grande bonté. Et il me dit souvent, que un jour je serai amené à aider un étranger; je n’ai pas bien compris cette devinette. Serais-tu cet étranger? »
« Non je ne pense pas Viviane, je suis natif de cette forêt, en lisière, et j’ai de la famille dans ce village. Ce qui m’intrigue, étant assez loin de chez toi, c’est quel intérêt tu as à venir pour te laver dans cette marre? »
« Cette marre a un certain pouvoir bénéfique, et quand j’ai fait mes ablutions avec son eau, je me sens revigoré, pleine d’une force nouvelle. La fatigue est effacée et pour tout dire, il me semble que je rajeunis. Bêtise sans doute ».
« Gente jeune fille, je ne sais si l’eau en est la cause, mais tu me sembles épanouie et heureuse, avec un teint de peau que les jeunes filles de mon village t’envieraient ».
Kristen est sous le charme de cette beauté, un peu irréelle, et détourne les yeux de peur de se faire envouter.
« Tu m’as parlé d’un druide, qui fait office de professeur si j’ai bien compris. Mais quel est son nom, jeune fille? »
« Merlin, tout le monde le connait sous le nom de Merlin. Il parait vieux mais en fait semble très jeune, dans la façon qu’il s’adresse a tous. Je ne sais comment le définir: intemporel peut être? »
Kristen ne tient pas à s’attarder, se sentant troublé et attiré par cette créature hors du commun. Il s’excuse prétextant la nécessité de poursuivre sa traque car ses amis font confiance en ses talents de chasseur.
Et Viviane lui dit:
« Kristen, n’oublie jamais que mon territoire est juste au dessous de ce grand lac, et si par hasard, un étranger se présente à toi, porte bien à sa connaissance notre rencontre. Et si un jour nous nous revoyons, je te raconterai un épisode, gravé dans ma mémoire, que je n’ai pas compris A bientôt, Kristen ».
Et sur ces paroles, d’une foulée rapide mais gracile, Viviane disparait dans le sous bois.
Avec Tudal, Lancelot voit bien que Kristen n’est pas avec eux; son regard est perdu dans les souvenirs de cette rencontre avec un être, peut être irréel. Et péniblement il émerge de ces visons agréables, et sourit à ses amis.
Lancelot est abasourdi. Encore Viviane; Vivie et Viviane, que veut dire tout cela.
Vivie, ma tendre et douce aimée, que doit elle penser de ma disparition. Serait-elle à ma recherche? Mais dans quel pays et surtout dans quel temps?
«Une voix hurle dans sa tête : « au jour le jour, c’est toi qui l’a dit, TOI ».
« L’as-tu revue », demande Lancelot.
« Oui mais difficile à situer; peut être deux ou trois lunes plus tard ».
« Et? »
« Le soleil commençait à illuminer la foret, et comme à mon habitude, je revenais vers le village, avec un beau marcassin sur les épaules. J’étais heureux et devinais la joie avec laquelle m’accueilleraient tous mes amis de Gwenroc’h.
Et soudainement, déboulant d’un sentier sur ma droite, une jeune fille me percuta, et nous chutâmes tous deux. C‘était Viviane, souriante après cette rencontre impromptue.
Après nos salutations cordiales réciproques, elle m’avoua qu’elle devait me parler du trouble qui la tenaillait
.
« Kristen, je ne sais ce que manigance Merlin, qui est doté d’un pouvoir hors norme de magie. Mais j’ai dans ma tête une vision, vécue ou non je ne sais, que je m’explique pas.
Je me vois, âgée de huit ans peut être, par une journée très chaude, sur une plage de sable fin, en compagnie d’un garçon. Ma mère, que je n’ai pas connue, est là elle aussi, ainsi que les parents de ce garçon. Le plus terrible est, que par instant, ce garçon est flou et je vois à travers son corps. Il à construit un très beau château de sable, avec au centre de la cour, un trou, mais un trou insondable. Ce trou me fait peur et j’ai décidé de le boucher; ensuite plus rien, je n’ai plus rien vu et me souviens de rien.
Je ne sais ce que cela veut dire. Suis-je investis d’une mission? »
Kristen est dépassé et ne sait que répondre. Kristen vit dans son monde, au jour le jour, comme tous les habitants de son village, ayant pour seul souci de trouver ce qui permettra de nourrir la tribu et se disant: demain est un autre jour.
« Je comprend ton anxiété, Viviane, mais suis d’un piètre secours pour expliquer ce genre de phénomène. Je te souhaite que l’avenir apporte des réponse à tes interrogations et te restitue la paix de l’âme ».
« Je te remercie Kristen, mais surtout n’oublie jamais : si un étranger se présente dans votre village, je t’en supplie, n’oublie pas ».
Et après quelques banalités et une accolade amicale, Viviane disparait dans les bois.
Kristen explique qu'il ramasse son marcassin et se presse de rentrer au village.
Lancelot est blême, proche de la syncope et Tudal, inquiet, se presse vers le puits pour revenir avec de l’eau bien fraiche dont il asperge le visage de celui-ci. Les couleurs reviennent sur les pommettes et il est à nouveau parmi eux.
« Excusez-moi » dit-il.
Et il s’explique.
« Donc, tout comme elle, je n’ai pas rêvé cette rencontre; ce n’était pas une illusion ou un fantasme de mon esprit. Nous étions bien, tous deux, des gamins insouciants sur cette plage. Pourtant, elle m’a parlé d’un village où elle résidait, mais je n’ai pas retenu le nom; j’ai beau chercher, c’est le noir complet ».
Tudal se lève, comprenant la fatigue de son invité, et demande à Kristen de raccompagner Lancelot vers sa hutte et lance:
« Bonne nuit à vous deux, et bon repos les amis ».
LA CHASSE
Et comme à l’accoutumée, le village se réveille avec la même ritournelle, sauf qu’aujourd’hui, les deux coqs ont décidé de régler un litige et il se crêpe méchamment la crête. Mauvaise journée pour la basse cour.
La matinée s’annonce maussade car de lourds nuages parsèment le ciel, mais cela n’inquiète personne, et les femmes pensent que ce sera bénéfique pour le jardin, mais aussi pour la prairie alentour qui commence à jaunir.
Et personne ne se décourage car la température est douce.
Après un frugal petit déjeuner, les groupes se constituent, suivant affinité; certains décident de partir pour la chasse quand d’autres préfèrent aller en forêt pour faire provision de bois.
Tudal un peu inquiet au début, reconnaît qu’il ne faut pas oublier de remplir les réserve de ce combustible car les brumes arriveront vite et le froid s'engouffrera rapidement dans leur clairière
Kristen a décidé d’enseigner l’art de la chasse à Lancelot.
Et, tous deux, Lancelot avec sa canne, lance et harpon, Kristen avec son arc et sa dague se dirigent vers la forêt et disparaissent de la vue.
Tudal lui, restera au village, à réfléchir à une nouvelle mission diplomatique. Un jour il à croisé un aventurier, arrivant des terres du soleil couchant, qui lui à raconté qu’il avait traversé une bourgade où les habitants fabriquaient de beaux habits en peaux. Et il se pose la question:
« Pourrai-je troquer avec eux comme je l’ai fait avec les responsables de Kerc’haoueg ».
Une journée de marche lui a dit cet homme. Alors il prend une décision: il partira demain, quand ses compatriotes auront connaissance de son projet.
Et Kristen, tout en devisant, s’enfonce dans la forêt, par un labyrinthe connu de lui seul, avec Lancelot dans ses pas.
Tout en se déplaçant, il donne le nom de plantes inconnues de Lancelot, précisant que certaines sont utilisées par les fées, pour faire le bien comme le mal.
« Comme la Salvia » demande Lancelot.
« Parfaitement » répond Kristen.
Ils débouchent dans une petite clairière herbeuse, calme, sans le moindre souffle de vent.
Kristen a une idée en tête, tester les compétences de Lancelot au tir.
« Lancelot, je vais te donner mon arc, avec deux flèches, et je vais aller planter ma dague sur ce fut de chêne qui est distant d’une vingtaine de pas. Tu as droit à deux tirs, et tu dois toucher, au moins une fois, le manche de la dague; j’ai dit le manche, pas la lame ».
Lancelot transpire, il a déjà tire à l’arc, dans les fêtes foraines, mais ce n’était qu’un amusement sans importance. Mais à cet instant, il sait que c’est capital pour son avenir.
« Kristen, je t’en prie, je n’y arriverai jamais! »
«J’ai vu ton regard perçant quand tu as tétanisé ce poisson dans le lac. J’ai jugé aussi de la puissance et de la précision dans le jet effectué. Je t’ai donné deux flèches, mais une devrait te suffire. J’ai confiance en toi Lancelot. Tu sera un grand chasseur ».
Lancelot se concentre car il ne veut pas décevoir ses hôtes, qui l’ont accueilli amicalement dans leur communauté.
Il se déplace légèrement, en conservant la distance avec la cible, de façon à ne pas être agressé par un reflet, crée par le soleil, sur lame de la dague.
Il fait le vide dans sa tête, et mentalement se dit: je ne peut le décevoir.
Tout disparait autour de lui,, forêt, herbe, Kristen, plus rien ne subsiste. Il arme l’arc et dans son regard, ne subsiste que la pointe de la flèche et le manche de la dague. Il ne voit plus la lame! Tout son esprit est près du fut de chêne, il le sent, il le touche.
Et ce dard, qu’il tenait dans son arc bandé, zèbre la clairière et file à une vitesse inouïe sur sa cible. Il la frappe si violemment qu’elle est projetée à quelques pas.
Kristen n’en revient pas, et constate, que l’habillage en os du manche, sur une seule face, est écaillé mais non rompu.
Il hurle de joie alors que Lancelot, penaud voyant les dégâts tente de s’excuser.
Mais Kristen, est heureux et l’abreuve de félicitations et d’accolades.
« Une seule flèche, une seule, je savais que tu étais un grand chasseur, peut être meilleur que nous tous. Quand je raconterai cet exploit ce soir, à la veillée, tu seras un héros ».
Lancelot n’en demande pas tant, et sa part de timidité remonte à ses joues qui prennent une couleur carmin.
« Allez ce n’est pas tout, nous n’allons pas rentrer au village bredouille » dit en souriant Kristen.
Et tous deux, plus sérieusement se mette à la recherche de gibier. Et Kristen confie la garde de son arc, à Lancelot, pour le premier trophée.
Mais la journée n’est pas propice, comme la nuit, à la chasse. Les animaux se terrent par peur des prédateurs de toute nature. Et ils doivent parcourir ce territoire, en se mettant souvent à l’affut, avant de trouver une proie.
« J’aurai du amener Sauveur avec nous, c’est un fin limier ».
« N’y pense pas, trop de pièges pour ce petit animal, il est bien en compagnie des nôtres » répond Krysten.
Subitement, un frissonnement dans les fourrés alerte Lancelot, qui, sans plus attendre, bande son arc. Et un lapin, un beau spécimen de six ou sept livres, déboule à quelques pas de lui; ses bras ne tremblent pas et sans hésitation il libère la flèche qui vient clouer au sol ce pauvre animal. Kristen se précipite, et pour éviter des souffrances inutiles à ce pauvre léporidé.,
le saigne avec sa dague.
Et de retour, Kristen ne tarit pas déloges et de félicitations.
« Crois moi, je ne pouvai faire mieux que toi ».
Prenant le chemin du retour et ayant récupéré son arc, Kristen se permet d’abattre, en plein vol, une grive qui venait de quitter son nid. La pièce ne nourrira pas grand monde, mais il est fier de son tir, tout en faisant le modeste.
Lancelot est obligé de reconnaitre la précision de son tir, et le lui fait remarquer.
« Arrêtons les compliments réciproques » .
Et tous deux regagnent le village, heureux en pensant aux bons moment qu’ils viennent de vivre.
Ils sont bon dernier quand ils atteignent Gwenroc’h , car les hommes ont déjà nettoyés leurs prises.
Au loin, on aperçoit un beau tas de bois, érigé par les bucherons du jour.
Et Kristen se met à raconter l’exploit de Lancelot, en l’enjolivant peut être, et tous, les uns après les autres, se pressent pour le féliciter.
« Tu es le héros du jour » lance Tudal.
Le repas du soir fut plus léger, avec quelques légumes bouillis, galette de blé dur, et pour chacun un œuf sorti de la réserve par les femmes.
Tudal entraina Lancelot et Kristen pour leur offrir un peu de cette boisson, en fin de compte pas désagréable et rafraichissante.
MERLIN
Et Tudal entreprend la conversation.
« L’autre jour tu m’as conté que tu avais eu la vision d’un personnage qui s’était ensuite volatilisé. Ta description m’a fait penser à quelqu’un que j’ai rencontré, alors en balade vers le lac, plusieurs fois.
C’est un homme bon et généreux. Il se prétend soigneur, mais je le soupçonne de s’adonner à la magie. Il ne ménage pas sa peine pour soigner les malades, miséreux ou pas. Il à une élève, que t’a présenté Kristen: Viviane. Un jour il prétendait vouloir construire un château, ou un palais, au fond du lac, mais là je n’ai pas cru à ces vantardises. L’a-t-il fait ou non, je ne sais; Serait-ce cet homme qui serait venu te rendre visite, dans ton temps? Il se fait appeler Merlin, oui Merlin l‘enchanteur».
« Il faut que je rencontre ce Merlin, ou son élève Viviane » dit Lancelot.
« Tu sais Lancelot, je pense que ces personnes, on ne les rencontre pas, et si eux veulent te voir, ils se manifestent ».
Lancelot est un peu déçu, mais est obligé de convenir, que la vie, à cette époque, n’est pas celle qu’il a connue.
« Ce que tu dois faire Lancelot, c’est partir, la nuit, dans la forêt, seul. Tu la connais bien maintenant, tu as tes repères, et je pense qu’il n’y a que cette solution. Ils sont si discrets, que la nuit te donne plus de chance d’aboutir », explique Kristen à Lancelot.
Sauveur s’est rapproché de son maitre, sentant que l’heure du repos avait sonné. Il se frotte à Lancelot pour quémander des caresses lequel n’en est pas avare.
REPOS A GWENROC’H
Au petit matin, avant que tous partent a leurs occupations, Tudal les réunit.
J’ai bien réfléchi hier, et j’ai décidé de partir en mission, vers le soleil couchant. Un voyageur a porté a ma connaissance l’existence d’un village, à une journée de marche d’ici. J'aimerai aller à la rencontre de ces gens pour savoir si on peut parvenir à créer un troc entre nous. Je pense que je serai parti pour trois jours, mais vous êtes en de bonnes mains, avec mes amis Kristen et Lancelot ».
Tous hochent la tête et sont favorable à cette mission, car tout ce que décide Tudal est bénéfique pour la communauté.Ils lui souhaitent bonne route en lui demandant de bien prendre soin de lui et d’éviter tout danger.
« Reviens nous vite! » hurlent-ils.
Les réserves de viande et de poisson sont conséquentes, et donc les hommes ont décidé de rester au village. Au delà du jardin, reste encore une bonne surface de terre, en friche qu’ils ont décidé de nettoyer et de labourer.
Chacun prend un outil et tous se dirigent, accompagné de Lancelot, vers ce lopin de terre.
Sauveur, qui depuis se sent un peu délaissé, se met à les suivre, et bien sur, toute la meute se joint à lui. Et même les chats veulent être de la partie, mais après quelques rabrouements de la part des chiens, ils regagnent les huttes pour continuer leur sieste.
Kristen a décide de prendre un peu de repos comme il l’a expliqué à Lancelot.
« La forêt me manque et cette nuit j’ai décidé de partir en chasse ».
En fin d’après midi, une averse soudaine contraint la communauté a regagner rapidement le village et cette averse durera, faisant le bonheur des femmes car Erwana dit:
« Mes amies, pas de corvée d’eau pendant quelques jours ».
Et Lancelot comprend que ce doit être le labeur le plus fatigant.
La soirée se passe dans le calme, et après le repas pris en commun, tous regagnent leurs logis.
On sent un peu de mélancolie en eux, et Lancelot pense qu’elle est la conséquence de l’absence de Tudal.
La pluie s’est calmée et Kristen est partie dans sa hutte dont il ressort équipé pour sa virée nocturne.
« Puis-je venir avec toi? » demande Lancelot.
« J’aurais aimé, mais je préfère que tu restes ici. Tous t’estiment et t’apprécie, et le fait que Tudal soit absent les angoisse. Te sachant avec eux, ils seront tranquillisés ».
Et il ajoute:
« Je sais à quoi tu penses, mais pour que cela se réalise, tu devra être seul, tout seul ».
Kristen empoigne amicalement les bras de Lancelot, fait demi tour, et fonce en trottinant verts la forêt.
« Bonne chasse » hurle Lancelot.
Avec Sauveur dans ses pieds, il décide de faire le tour du village, puis stoppe, quelques instants, pour discuter avec les deux volontaires, de garde cette nuit.
Le ciel est bien dégagé et les étoiles scintillent dans le firmament. On distingue un tout petit croissant de lune, au delà de la forêt. Kristen aura beau temps cette nuit pense-t-il.
Les coqs ont du se calmer,car ils chantent de plus belle, mais bien éloignés l’un de l’autre. La basse cour se réveillent et tous les animaux s'égaillent alentour.
Femmes et hommes, ainsi que leur progéniture, commencent à se rassembler, sur la place centrale, pour le petit déjeuner.
Lancelot les a devancé, inquiet de ne pas voir Kristen. Mais tous le rassurent, lui expliquant, qu’après une bonne chasse, il aime faire une sieste, avant le retour.
Tous reprennent la direction de ce lopin de terre que la pluie les a dissuadé de finir le labour.
Lancelot reste à rêvasser, près du puits, en compagnie de Sauveur. Et il lui parle, il lui explique:
« Mon beau Sauveur, fidèle ami, demain il faudra que je parte en forêt de nuit, seul, je ne pourrai pas t’amener avec moi. Je ne sais ce que je trouverai et je ne veut pas qu’il t’arrive le moindre mal. Je ne sais ce qui trotte dans ta petite tête, mais je sens que tu es important. C’est grâce à toi que je suis sorti de cette grotte. Mais ce n’est pas du à ton flair et je suis sur que tu as été envoyé par quelqu’un pour m’aider dans cette quête impensable. Aussi je te demande de rester ici avec tes copains en compagnie de Tudal et Kristen. Je ne sais combien de temps je serai parti, mais je te jure que je reviendrai ».
Il semble que Sauveur l’écoute attentivement; sa tête bascule de droite à gauche, et ces mimiques persuadent Lancelot que cet animal hors du commun le comprend.
Il s’approche de Lancelot, assis à même le sol, lui lèche généreusement le visage, puis se couche, son museau posé sur sa cuisse. Lancelot le cajole généreusement et il sent la satisfaction de Sauveur.
Et Vivie revient hanter ses pensées; elle lui manque et il aimerait tant la serrer bien fort dans ses bras.
Il se souvient alors qu’ils passaient quelques vacances, tous deux, entre les plages du Roussillon, et la haute vallée de l’aude. Il en profitait pour continuer ses recherches sur le XIIIe siècle et la période cathare. Il avait décidé d’aller visiter Rennes le Château.
« Bon sang » hurle-t-il.
Il se souvient de la rencontre avec Viviane: « Je suis de Rennes…. »,qu’il avait occultée ne connaissant que Rennes en Bretagne.
« Viviane était de Rennes le Château », comment est-ce possible?
Viviane, Vivie, tout se brouille et s’embrouille dans sa tête.
Et il pense très fort, faut que je la trouve, faut que je vois la Viviane d’ici.
Il est tant absorbé par ses pensée qu’il a du mal à réagir quand quelqu’un l’ attrape fermement dans son dos.
Et Kristen le libère, riant de son manque de réaction, et jette à ses pieds un magnifique marcassin.
Kristen fait un brin de toilette et se désaltère au puits, alors que Sauveur tourne autour de lui, lui mordillant les mollets en signe de bienvenue.
Puis il raconte la traque de cet animal, qui lui a pris une bonne partie de la nuit. Pourtant il était bien camouflé, sous des branchages, mais la brise a subitement viré et cet animal a senti sa présence. Il s’en suivi une course effrénée au milieu des branchages et autres ronces avant de pouvoir acculer dans un impasse. Lui ayant décoché une flèche au poitrail qui le fit vaciller légèrement, Kristen se jeta sur lui, et après une empoignade au corps à corps, un coup de dague vint mettre fin à ses velléités de résistance.
Lancelot comprend la provenance de toutes ces écorchures sur les membres. Et il le félicite pour sa bravoure et sa ténacité.
La population est en train de renter au bercail, et certains, ayant aperçu le chasseur se mettent à courir pour le saluer. Mais quand ils aperçoivent le butin de Kristen, ils poussent des cris de joie et le félicitent bruyamment.
Certains emportent le marcassin, et le posant sur une table rudimentaire, sortent leurs dagues et se mettent à le déshabiller. Ensuite ils procèdent au découpage, en réservant les meilleurs morceaux pour les fumer. Et pour le repas du soir, tous se contenteront des pattes avant, et des cotes les moins charnus mais aussi des abats.
Les adolescents, sans qu’un ordre ne soit lancé, foncent vers la forêt à la recherche de petits branchages, qu’ils ramènent rapidement. Et préparent le foyer comme ils savent si bien le faire.
Bien entendu les femmes finissent de nettoyer la viande mal dégrossie par ces messieurs, qu’elles taquinent gentiment.
Certaines écrasent quelques légumes afin de confectionner un bon potage, agrémenté d’un peu de graisse de marcassin.
Et tout le monde s’installe autour du feu, attendant patiemment que la cuisson soit terminée. Quelques bourrasques font virevolter la fumée destinée à sécher la viande du futur, certains toussent mais tous s’en accommodent. Il faut penser aux réservés pour l’hiver.
Le ciel commence à s’obscurcir quand tous commencent à déguster ce marcassin qu’ils trouvent savoureux, malgré que les meilleurs morceaux aient été réservés.
Après le repas, Kristen, Lancelot et sauveur se retirent, sous le auvent de leur hutte pour palabrer une peu.
Lancelot a pris sa décision et en parle à son hôte.
- J’ai décidé de partir demain à la nuit tombée. Il faut que j’arrive à rencontrer Viviane qui, peut être, me guidera jusqu’à Merlin .
- Aussi j’envisage de vous laisser Sauveur, qui risquerait de courir de grands dangers dans cette forêt. Je sais que vous prendrez bien soin de lui, et je crois qu’il vous apprécie bien, toi et Tudal. Mais souhaitons que Tudal soit de retour, car je ne partirai pas sans l’avoir revu.
- Et je voudrais pouvoir retrouver la mare près de laquelle tu as vu Viviane .
Kristen n’est pas contre, et fournit une multitude de détails pour se repérer. Il lui indique le chemin à suivre, en lui fournissant des repères caractéristiques, pour parvenir à son but.
Puis curieux de nature, il demande:
- Pourrez tu me dire en quoi consiste tes recherches, dans ton temps?
Lancelot n’est pas avare de paroles, et il lui explique qu’après de longues études, il s’est spécialisé dans la connaissance de la période du Ve au XIIIe siècle.
- C’est quoi le XIIIe siècle » demande Kristen.
- C’est très loin dans ton futur, et aussi loin de moi, dans mon passé. Pour te donner une idée, il se passera près de neuf mille nouvelles lunes, je me doute que pour toi c’est inimaginable .
- Si, je comprend, mais difficilement, car cela en fait des jours et des jours. Et pour arriver à ton temps, combien de lunes?
- Plus du double, plus de dix huit mille lunes ».
- C’est trop pour ma petite tête » avoue Kristen en riant aux éclats.
- Donc mes recherches tendent à connaitre, ton mode de vie, et cela à partir des vestiges que je découvre. Ce peut être des outils, des ustensiles, comme les vases en terre que les femmes utilisent pour le potage; mais aussi des armes comme les tiennes, rarement des vêtements. Des ossements humains ou d’animaux, qui permettent de savoir l’âge que vous aviez au décès, ou bien de quelle manière vous tuiez le gibier.
- Quelquefois, je trouve des ruines de village, comme le tien, qui permettent de juger de l’avancée de votre vie en société .
- Ce doit être un travail passionnant, mais alors tu n’es ni chasseur ni pêcheur?
Lancelot rit aux éclats et:
- Non dans mon temps, rien de cela, je ne ferai pas de mal à une mouche, mais depuis que j’ai été projeté hors de mon temps, l’instinct de survie prend le dessus .
- Je pense que nous allons nous reposer et je souhaite que Tudal arrive demain, dit Kristen.
Mais au réveil, pas de Tudal en vue. On sent le village vivre au ralenti saisi d’une certaine morosité. Les hommes tournent en rond, ne sachant que faire, ou ne voulant rien faire.
Les femmes rangent les réserves et font l’inventaire des stocks, ou nettoient leurs habitations.
Soudainement, la meute de chiens détale vers les jardins avec des aboiements, plus joyeux que furieux; et Sauveur se mêle à eux, essayant de se faire entendre. Ils disparaissent de la vue, mais on entend toujours leurs jappements, qui instantanément s’arrêtent.
Et après quelques instants, tous distinguent une silhouette, entourée de ces animaux qui jouent à celui qui sautera le plus haut.
Tudal traverse le jardin en faisant de grands signes de la main.
Le sourire revient sur tous les visages et des cris de joie retentissent, faisant sortir les femmes de leurs tanières pour se rendre à la rencontre de Tudal.
Il s’ensuit embrassades , accolades, et surtout un grand soulagement car le chef est revenu.
Il rejoint nos deux amis et de longues effusions s’ensuivent, puis il demande un instant de repos pour se désaltérer et se rafraichir.
Quelques femmes sont parties vers les réserves desquelles elles reviennent avec de la viande fumée et des galettes. Tudal doit être affamé, mais il décide que ses compatriotes doivent profiter eux aussi d’un bon repas, et un deuxième voyage permet de ramener suffisamment de nourriture, ainsi que de la boisson légèrement aigrelette.
Le repas terminé Tudal entreprend de leur raconter son périple.
«Je sais qu’aucun de nous ne s’est jamais aventuré bien loin en direction du soleil couchant. Les paysages sont totalement différents de ce que nous connaissons. De grandes plaines, sans aucun arbre en vue, et heureusement que la saison n’est pas encore trop chaude. Quand le soleil était au dessus de ma tête je suis parvenu à une petite rivière dont les rives étaient garnies de roseaux et petits arbres malingres. Mais cela m’a permis de me mettre à l’ombre et de prendre un peu de repos.
Ayant fait provision d’eau j’ai repris le chemin en espérant que ce village, décrit par le voyageur existait réellement. Et je l’ai tout de même atteint quand l’obscurité avait réduit à néant la ténacité du soleil.
Je fus bien accueilli par les habitants qui m’escortèrent jusqu’à la hutte du responsable, auquel je présentais les amitiés de vous tous.
Il a ordonné de m’apporter de quoi me restaurer accompagné d’une boisson piquante qu’il m’a affirmé faite à partir de jus de pomme.
Pomme je ne connais pas, et il m’a dit qu’il m’accompagnerai demain dans ce qu’il appelle un verger.
Et sur ce il m’invita à prendre du repos dans sa demeure, et croyez moi, la nuit fut excellente, car j’étais harassé .
Tout comme Tudal, tous ont des airs dubitatifs à ce nom: pomme. Mais ils laissent Tudal reprendre son souffle.
« Le lendemain, après avoir bu du lait de vache, lait que je découvre, différent de notre lait de chèvre, nous sommes partis vers leur verger. Il s’agit de beaux arbres, pas très hauts, actuellement garnis de fleurs, mais où certains fruits commencent à se distinguer. Au retour il me fera goûter , car il m’assure que ce fruit se conserve très bien.
Au loin, dans une belle prairie j’ai aperçu quelques vaches et veaux, gardés par de jeunes adolescentes, le gros du troupeau étant plus loin, dans une autre prairie.
Et avec ce lait ils font un bon fromage que je devrais déguster ce soir.
Ce village est plus grand que le notre, du fait que sa population est plus importante. Les huttes ne sont pas disposées autour d’une place centrale, mais plutôt de part et d’autre d’un chemin. A chaque extrémité et au centre, on découvre un puits.
Par contre je n’ai pas vu de cochons chez eux et cela m’a donné une idée. Pourquoi ne pas troquer du cochon contre de la vache? Je méditais cela toute la journée.
Sur le retour je lui demande le nom de son village, après avoir dit que je venais de Gwenroc’h , et Selaven, c’est son nom, me dit: Boc’harzh.
De retour au village il m’offrit cette fameuse pomme me disant que je pouvais croquer dedans à pleine dents. Il faut reconnaitre que cela un gout délicieux, sucré mais légèrement acidulé, et on peut aussi dire, rafraichissant. Et encore me dit-il, elles sont de la récolte d’il y à bien six lunes, car juste cueillies elles sont plus savoureuses. Dommage que je ne pouvais pas en rapporter suffisamment pour vous faire goûter. Alors je mettais en balance ces fruits et la viande de vache, j’étais indécis. Ils font de beaux vêtements, mais j’avais abandonné cette idée, la nourriture étant plus importante ».
Alors il me demanda quel était le but de ma visite ».
Tudal arrête son monologue car il est un peu assoiffé. Erwana est assise près de lui, heureuse du retour de son compagnon, car elle appréhende a chaque fois que Tudal s'éloigne trop longtemps. Aussitôt elle se lève pour aller emplir une espèce d’écuelle qu’elle lui rapporte. Tudal boit copieusement et s’asperge le visage, su lequel on devine une grande fatigue.
«J’avais compris que le fonctionnement de cette communauté est identique au notre; toutes les décisions se prennent à l’unanimité, enfin pas tout à fait. Il s’agit plutôt d’un conseil d’une dizaines de membres, qui ont été désignés par les villageois, en fonction de leur bravoure, de leur abnégation et de leur talent de négociateur. Aussi je lui annonçais que j’avais des propositions à faire, mais qu’il fallait que tout le monde soit concerné et avalise ce projet de troc.
Alors Selaven hocha la tête et décida de réunir ce conseil, ce soir, après le repas ».
Le repas pris avec ses hôtes fut copieux et il se délecta de fromage dont les femmes en avait fait leur spécialité, ainsi que de cette boisson légèrement acidulée.
« J’étais de plus en plus indécis, la viande, le fromage, les pommes ou ce liquide délicieux. Croyez mon embarras.
En fin de compte j’optai pour la viande de vache et ce nectar.
La négociation fut dure mais vous connaissez mes talents et ma ténacité.
Nous nous sommes mis d’accord pour le troc suivant:
- nous fournirons l’équivalent de deux beaux cochons, et d’un sanglier, en viande fumée,
- et nous repartirons avec une vache jeune, vivante, chargée d’un peu de ce liquide.
La fois suivante ils feront le maximum pour nous fournir un taureau, et nous pourrons nous lancer dans l’élevage.
Quand le moment sera venu, quelques adolescents iront passer quelques temps parmi eux, pour s’initier à cette pratique».
Tous hurlent de joie devant cette nouveauté et l’acclament pour toutes ces bonnes initiatives qui changent le cours de leur existence.
« Alors les femmes, n’oubliez pas, un cochon pour Kerc’haoueg et deux cochons pour Boc’harzh. Faudra veiller à ce que les mâles ne s’endorment pas ».
A ces mots , toute la population éclate de rire.
VERS L'INCONNU
La pénombre commence à envahir la clairière et il est temps de se restaurer. Le repas est vite terminé, et de petits groupes se forment pour discuter de cette nouvelle.
Lancelot se lève et demande à ses deux amis de leur parler au calme.
Tous trois se dirigent à l’écart et s’installent devant la hutte de Kristen.
- Cette nuit je vais partir en forêt, il le faut. Je dois trouver Viviane qui détient, c’est possible, des indices me permettant de poursuivre cette quête insensée. Ou bien pourra-t-elle me conduire à Merlin qui, je pense, joue un grand rôle dans mon existence?
Souvenez vous:
- ‘’ Je me retourne et aperçoit un vieillard, ou ce que je pense être un vieillard’’
- Je dois réussir, car, un jour, je disparaitrai de votre vie, de votre temps. C’est capital pour ne pas interférer dans votre avenir.
- Dés que la nuit sera venue, je me dirigerai vers cette mare où Kristen a rencontré Viviane.
- Je vous prie de prendre soin de mon ami, Sauveur, à qui j’ai bien expliqué et je suis persuadé qu’il m’a compris.
Et avant de poursuivre ma route, je reviendrai, je vous le promet .
Ses amis sont atterrés mais conscients qu’il doit affronter le destin qui lui a été concocté. Kristen lui confie sa meilleure dague, celle blessée par le tir de Lancelot.
- Je pense qu'elle est suffisante pour te défendre, car tu ne pars pas pour agresser quelqu’un lui dit Kristen.
Tudal appelle Erwana et lui demande d’aller quérir quelques morceaux de viande fumée et quelques galettes pour son ami.
Se levant, il va emplir une petite outre qu’il passe au cou de Lancelot.
Avant de ranger dans sa besace la nourriture ramenée par la compagne de Tudal, il vérifie la présence de la clé en or et du plan. En aurai-je besoin pense-t-il? Et cette patte de lapin et la sauge, qu’en faire? Mais il garde la totalité.
Les étoiles commencent à briller au firmament. Tous pensent que la nuit sera belle, et assez claire car l’astre de la nuit pointe au dessus des cimes des arbres les plus hauts; le disque n’est pas plein, mais éclaire suffisamment pour débusquer les ombres dans la forêt.
Entre temps Kristen à prévenu tous les compagnons du départ imminent de leur ami à tous. Tout le village est accouru pour lui souhaiter bonne chance.
Lancelot se lève et serre très fort ses amis contre lui, puis il s’approche de Sauveur, qui ne les avait pas quittés, sentant l’instant capital.
Lancelot prend Sauveur dans ses bras et approche sa truffe de son visage. Ils sont, tous deux, les yeux dans les yeux. Malgré la brume qui embue les yeux de ce brave chien, une énergie folle se déverse dans ceux de Lancelot. Puis deux perles liquides, une dans chaque coin, naissent dans les yeux de Sauveur. Lancelot l’embrasse sur la tête, affectueusement, puis le dépose précautionneusement a terre.
- Je reviendrai Sauveur!
Il se retourne et s’éloigne calmement mais après quelques pas, il se retourne pour faire un geste amical, et tous voient son visage ravagé par les larmes. Furieux envers lui, il fait demi tour, et fonce, sans plus se retourner, vers la forêt, vers son destin.
La soirée est douce et il a ralenti la cadence. Rien ne presse et aboutira-t-il: voir Viviane? Il suit à la lettre le cheminement que lui à expliqué Kristen. Épisodiquement, des lapins détalent à son passage, leurs postérieurs blanc disparaissant rapidement dans un fourré. Au loin, le brame d’un cerf se fait entendre; mauvaise période pour ces animaux là, car de rudes batailles vont s’engager pour la domination des femelles. Sur sa gauche, le chant du coucou résonne inlassablement; n’a-t-il pas encore trouvé son logis?
Traversant une minuscule clairière, il s’arrête quelques instants, charmé par le chant d’un rossignol.
Il est heureux, mais anxieux aussi, pas tant par la solitude, surtout par la hantise de rentrer bredouille.
Et il parvient enfin à cette mare. La lune, au dessus de sa tête, fournit suffisamment de clarté, pour gommer toutes les ombres. Personne, pas âme qui vive.
Il se retire sous un fourré pour patienter, mais la fatigue aidant, ne tarde pas à sombrer dans un profond sommeil.
Et il ne voit pas l’animation qui se déroule autour de la mare.
Quelques lutins et farfadets, aux yeux rouges et luminescents, font une ronde silencieuse. Soudainement, on perçoit le bruit crée par les sabots des chevaux, et tout ce beau monde s’enfuit dans tous les sens. Ce bruit à légèrement réveillé Lancelot, et celui-ci s’enfonce profondément dans le fourré, inquiet par ce bruit inhabituel. Et il voit passer, sans marquer un temps d’arrêt, des elfes chevauchant des montures d’un blanc lumineux, dotées de crinières éclatantes et dont les sabots sont ferrés d’or, les yeux de ces chevaux sont flamboyants comme la braise.
Le calme revient un peu, mais quelques elfes, se déplaçant à pied, arrive près de la mare pour se baigner. Ces filles ont des traits délicats, mais leurs oreilles sont légèrement pointues, leurs mentons dessinés en triangle, souligne leurs pommettes saillantes.
Quelques instants plus tard, elles disparaissent comme une volée de moineaux. Lancelot se lève et s’approche de la pièce d‘eau, où il reste stupéfait. En s’avançant il ne distingue aucune trace de sabots de chevaux, et pas plus de traces de pas autour de la mare. Il pense que ces elfes ont effacés les traces de leur passage.
Il regagne sa cache et reprend l’attente avec patience, quand une voix se fait entendre dans son dos.
- Que fais-tu là bel inconnu?
Ces paroles sont prononcées par une voix féminine douce et mélodieuse, légèrement aiguë comme un violon. Aucune animosité dans ces paroles.
Lancelot se relève calmement, fait demi tour, et fait face à une créature de rêve.
Magnifiquement proportionnée elle est légèrement plus petite que lui. Son teint est très pâle mais les pommettes sont légèrement rosies par quelque artifice. Sa chevelure, blonde comme les blés bien murs, qui doit être généreuse, est remontée sur chaque coté, formant des chignons sur ses oreilles discrètes. Elle est vêtue sobrement d’une longue chasuble blanche avec des reflets rosés laissant à nue ses épaules. Ses mains sont ouvertes, pommes vers le haut, en signe de paix ou de bienvenue. Et ce qui émeut Lancelot, c’est son sourire et ses yeux rieurs qui expriment la bonté qui l’anime.
Aucun d’eux ne bouge et on pourrait croire voir deux statues antiques ou deux êtres figés pour l’éternité.
Et soudain, Lancelot balbutie:
- Vivie?
- Je ne connais pas Vivie et je ne suis pas Vivie, répond cette apparition.
- Je connais beaucoup de personnes, qui eux ne m’ont jamais vue, mais toi c’est la première fois. Qui es-tu et d’où viens-tu?
- Je viens de Gwenroc’h .
- Non, je connais pratiquement tous les gens de ce bourg, et toi, je ne t’ai jamais vu.
- Tu n’est pas Vivie, excuse ce moment d’égarement.
- Dit moi, qui est Vivie.
- Je ne sais plus qui je suis, j’ai traversé tant d’épreuves pour lesquelles je n’étais pas préparé, et là tout s’embrouille; le présent , le passé et le futur s’entremêlent et s’entrechoquent.
Cette créature sent le désarroi qui envahit ce bel inconnu, et s’approchant de lui elle le saisit aux épaules pour l’engager à s’assoir, et s’installe à ses cotés.
Elle le laisse à ses pensées car il n’est pas présent, il voyage ailleurs, avec Vivie sans doute.
Lentement, le visage de Lancelot reprend des couleurs, ses yeux, encore vitreux, s’entrouvrent et regardent cette ravissante inconnue.
- Ou était-tu? demande-t-elle.
Il bafouille et a du mal à s’exprimer.
- Vivie, Viviane, la plage, les îles, Rennes, Bretagne ……..»
Tout ce qu’il dit est incohérent, bien que l’inconnue tressaille à certains de ses mots.
Petit à petit il revient à la vie, et sourit. Comment ne pas sourire à cette présence.
- Excuse moi, gente demoiselle, je me suis égaré dans mes souvenirs.
- Certains mots que tu a prononcés, ont résonné en moi, comme ceux-ci: Viviane, plage, Rennes.
- Explique moi je t’en prie; serais-tu étranger à ce pays et serais-tu étranger à ce temps?
Lancelot est perplexe car il se souvient de la légende de Tudal: un jour un étranger viendra.
- Si je savais ton nom, il serait possible que je puisse lever certains voiles, qui occultent ma mémoire ».
Les grand yeux, en amande, de cette créature se dilatent et le fixent intensément. Elle réfléchit et semble murir sa réponse.
Et son nom claque comme un coup de fouet, dans la clairière.
- VIVIANE.
Trop c’est trop, les yeux de Lancelot s’écarquillent, se referment et il se retrouve en catalepsie.
Viviane ne semble pas affolée. Elle laisse la tension, après cette émotion, retomber et va humidifier, à la mare, un mouchoir. Mouchoir qu’elle passe délicatement sur le visage de Lancelot qui transpire par tous ses pores. Puis, d’un gousset attaché à sa ceinture, elle sort une fiole, et se sert du liquide contenu pour masser le visage en insistant sur le front et surtout les tempes.
Quelques instants passés, elle voit les muscles se détendre et les yeux commencer à bouger. Lancelot revient à la vie tout doucement.
- Ou suis-je? sont ces premiers mots.
- Calme toi, aucun danger ne plane alentour, respire bien, prend ton temps.
- Viviane, tu es Viviane.
- Si tu es Viviane, je te connais; nous étions , tous deux gamins, sur une plage. J’avais construit un château de sable dont la cour d’honneur était ornée d’une cavité noire, sans fond. Tu as voulu reboucher ce trou, et nous avons été emportés tous deux je ne sais où. Je ne t’ai pas revue, quant à moi j’ai été déporté hors de mon pays, hors de mon temps.
A cet instant Viviane blêmit, mais elle a en elle une force inconnue qui lui permet de résister à un possible évanouissement.
« Alors tu es l’étranger que j’attends depuis des lunes et des lunes ».
Et elle hurle, et les arbres en renvoie l’écho.
- Je sais qui tu es, tu es LANCELOT.
- Cela fait si longtemps que nous t’attendons, moi et mon mentor.
- Mais Viviane, cela fait si peu, que nous nous sommes vus gamins, sur cette plage.
« Si peu tu dit, alors que nous avions entre six et huit ans; vois l’âge que nous avons maintenant. Si peu , des années et des siècles. N’oublie pas que tout comme moi tu as traverse des siècles, bien plus qu’un millénaire.
- Pourquoi Viviane, pourquoi es-tu venue me chercher,? Et avec l’aide de qui? Tu n’as pu agir seule..
- Il est vrai que j’ai été chargée de cette mission par un être supérieur. Et je ne pouvais entrer en contact avec toi qu’à ton tout jeune âge. Mais je n’ai pas le droit de t’en divulguer davantage. Je suis juste missionnée pour t’aider dans ta quête. La seule chose que je peut te dire: beaucoup d’épreuves t’attendent encore. Mais tu es vaillant et courageux et je suis persuadée que tu les surmonteras ».
- Mais alors Viviane, qui est cet être supérieur qui à la main mise sur ma destinée?
- Merlin, Lancelot, mon maitre s‘appelle Merlin!
- Je suis sur que ton Merlin vit dans un château sous le lac.
- Comment sais-tu cela?
- Les habitants de Gwenroc’h, m’ont beaucoup appris, moitié réalité, moitié légende. Alors ce château est-il réel?
- Oui Lancelot, bien réel, et Merlin sera heureux de t’accueillir chez lui quelques temps.
- Es-tu prêt à me suivre?
- Oui Viviane, je dois savoir la raison pour laquelle je suis ici, et de quelle mission je suis chargé.
Viviane se lève et, suivi de Lancelot, s’engage dans la forêt par des chemins connus d’elle seule. La nuit commence à pâlir quand ils atteignent leur destination.
Ils sont parvenus au bord de ce magnifique miroir qu’est le lac. Tout proche d’eux un amas de chênes majestueux forment un tetrapyle.
Elle saisit la main de Lancelot, et l’entraine au centre de cette construction végétale.
- N’ai pas peur Lancelot par ce qui va se passer. Met toi face à moi, tout proche.
Elle saisit sa petite fiole, en verse quelques gouttes entre leurs pieds, puis prononce à voix basse quelques incantations incompréhensibles.
- Met tes mains dans les miennes!
Le ciel est laiteux, annonçant l’aube imminente, et bien dégagé quand, venu d’on ne sait où, vient frapper entre eux deux, avec un bruit assourdissant, un éclair dantesque.
Tous deux ont disparu, effacés!
Lancelot est évanoui mais ne tarde pas à reprendre ses esprits. Viviane est penchée sur lui et il la voit souriante.
- Nous sommes arrivés à bon port Lancelot.
- Mais où suis-je?
- Chez Merlin, dans son château.
Se redressant, il voit qu’il se trouve dans un espèce de hall avec un escalier qui mène aux étages inférieurs. Mais sa surprise est de distinguer quelques poissons évoluer de l’autre coté des parois. Il lui semble être dans un aquarium avec la faune aquatique comme spectateurs.
- Mais les murs sont en verre, dit-il!
- Je dirai plutôt une matière translucide, et le château est au fond du lac, le même où nous nous sommes tenus avant le transfert.
- Merlin à construit ce château où il m’apprend tous les secrets de sa magie.
- Je ne sais si tu pourra voir Merlin aujourd’hui, et il est possible que tu passes quelques jours ici.
- Viviane, il faut que je sache, alors je patienterai.
Elle le conduit dans les étages inférieurs et l’installe dans une assez vaste pièce où il découvre un vrai lit, et une table faisant office de bureau, puis s’absente.
Elle revient avec des victuailles et de la boisson et l’invite à se restaurer.
-Ensuite, je te demande de prendre un peu de repos, ici tu ne risques rien et je pense que tu as besoin de sommeil. Quand Merlin le décidera, je te conduirai à lui.
Les mets ont l’air délicieux et sont bien présentés. Il ne se pose plus de question et fait honneur à cette bonne chère.
Puis il s’allonge sur le lit en pensant: depuis quand n’ai-je pas dormi dans un vrai lit?
Et le sommeil le gagne très vite.
Combien de temps aura-t-il dormi? Il ne peut l’évaluer mais il se sent frais et prêt à affronter les révélations de Merlin.
Les restes de son repas ont disparu et, en remplacement, il voit une corbeille de fruits bien murs, fruits qu’il s’empresse de dévorer.
Repu il tient à vérifier le contenu de sa besace, mais rien n’a été touché. Il reste encore un peu de viande fumée, les pattes de lapin, la sauge, le parchemin sur lequel est dessiné ce satané plan qu'il ne comprend pas, et la clé en or. La fleur est toujours vivace ainsi que ses pétales.
C’est à ce moment là que Viviane fait son entrée.
- Alors es-tu bien reposé? demande Viviane.
- Oui, très, je me sens en pleine forme après ce profond sommeil.
Viviane rit aux éclats.
- Profond sommeil, tu peut le dire, le soleil à fait sa ronde deux fois.
- Deux jours, j’ai dormi deux jours?
- On peut le dire ainsi oui.
- Alors tu m’avais drogué
- Drogué n’est pas le bon terme, disons que je t’avais donné un calmant, car après cette nuit d’épreuve, tu avais besoin d’un sommeil sans cauchemars.
Pas de réprobation de la part de Lancelot, car il est conscient qu’il avait besoin de bien récupérer.
- Alors es-tu prêt à rencontrer Merlin?
- Oh oui Viviane, oui!
Tous deux partent par un long couloir et il devine de multiples pièces identiques à celle où il a dormi. Des chaises sont disposés tout le long, mais pas âme qui vive à part eux.
Au fond, une porte monumentale, à deux battants, opaque celle-ci. L’antre de Merlin pense-t-il.
Viviane ouvre et annonce
- Lancelot, maître.
Viviane commence à fermer les portes, pour repartir, mais Merlin la rappelle.
- Avancez tous les deux!
Différemment du reste du château, la pièce ou se tient Merlin est totalement opaque. Au centre une grande table ronde, avec des chaises à haut dossier, bien rangées tout autour.
Au fond un trône, de belle facture, sur lequel est assis Merlin.
La pièce est coupée en deux par de belles tapisseries représentant des hommes autour d’espèces d’alambics, ou scrutant un liquide dans une éprouvette.
Et derrière ces tapisseries Lancelot distingue un peu le même appareillage. Le repère du magicien lui vient à l’esprit.
Merlin s’approche d’eux et Lancelot le remercie de l’accueil qui lui est fait.
- Asseyons nous dit-il en tirant trois chaises.
Et Lancelot se retrouve encadré par Merlin et Viviane. Il remercie et attend.
- Tu n’es pas causant mon petit Lancelot!
- Pourquoi moi?
- Plus tard, commençons par le début.
- Alors c’était vous dans cette oubliette?
- Oui, il y a longtemps que je te surveille. On pourrait dire pratiquement depuis ta naissance Depuis que ta mère a prononcé ton prénom. J’en ai été informé et je me devais de suivre ce petit Lancelot. J’ai été épaté quand tu as commencé tes études d’archéologie, d’autant plus que tu étais un élève brillant.
- Je ne comprend pas ce que mes études ont à voir avec une certaine mission?
- Et pourquoi je me suis retrouvé gamin avec Viviane?
- Viviane petite fille était le guide. Seule Viviane pouvait t’emporter en dehors du temps, en dehors de ton temps. Et c’est ainsi que tu t’es retrouvé dans cette grotte.
- Pourquoi la grotte?
- Car je savais que dans cette grotte se trouvait un misérable dont les vêtements te permettraient de te fondre dans le siècle actuel, et qu’il détenait un plan qui m’avait été dérobé.
- Pourquoi, avec les pouvoirs que vous semblez détenir, n’avez-vous pas récupérer, vous-même, ce plan.
- Certaines chose, je ne peut les faire, mais je peut les faire exécuter par une autre personne.
- Alors je peut vous le rendre car, de plus, je n’ai rien compris à ce dessin.
- Non car ce plan il était et il est toujours pour toi.
- Et la clé en or?
- Elle va avec, mais à l’inverse du plan, cette clé peut servir deux fois.
- A quoi et dans quoi?
- Plus compliqué, plus tard
- Et Sauveur?
- Brave chien cet animal, il vient de ton temps. Très réceptif et je l’ai gardé quelques temps ici, pour lui insuffler une énergie que tu ne devines pas.
- Oh si, je sais, je me suis toujours demandé qui habitait cet animal.
- Personne, il est lui-même, sauf qu’il a bien assimilé ce qu’il devait retenir.
- La porte?
- Oui , peut être tu n’aurai jamais osé, car il est arrivé par cette porte.
- Pourquoi cette porte?
- Elle n’est pas unique, d’autres semblables jalonnent le temps.
- Étiez vous physiquement dans cette oubliette?
- Non, je suis le seul à ne pouvoir franchir ce que j’ai créé. Ce que tu as vu n’était qu’une projection de moi, les deux fois.
- Merlin tout se mélange dans ma tête, Viviane ici présente me trouble. Sais-tu que dans mon temps, j’ai une fiancée qui se prénomme Vivie. Est-ce un signe? Et pourquoi?
Merlin sourit, la bonté transparait dans son visage. Pourtant, avec le savoir qu’il a acquis, il ne fait que le mettre qu’au service du bien. C’est un homme qui a su surmonter tous les démons tapis dans notre subconscient.
- Lancelot, Vivie je la connais; je n’ai pas aidé a votre rencontre, disons que je l’ai favorisée à un moment ou tu étais très mal, en perte de repères, et je l’ai choisie en fonction de son aura que j’ai bien étudiée mais aussi a sa ressemblance avec Viviane ici présente. Tu avais besoin de cette personne là, pas une autre.
- Pourquoi à un certain moment? Je ne comprend pas.
- Moi je le sais. Toi, c’est enfoui en toi, et je sais que tu trouvera toi-même le sens de cette quête. Que toi, toi seul peut mener.
- Lancelot tu cours après le Graal, ton Graal à toi!
Il a beau triturer ses méninges, il ne comprend pas et ne découvre pas quel mystère se cache dans son cortex.
Viviane sourit elle aussi, elle est ravissante et a pour Lancelot un regard d’une profonde affection. Elle sait, quand Merlin parle de Vivie; elle est dans le secret, et rêve d’être à la place de Vivie dans le cœur de Lancelot. Mais cette idée est complètement utopique. Elle ne peut pas, elle ne doit pas interférer de trop entre le passé et le futur.
- Je t’aiderai Lancelot pour franchir les étapes qui te sembleront Insurmontable dit Viviane.
- Quel est mon Graal Merlin, je t’en prie?
- Je le connais, mais jamais, je dit jamais je ne te le dévoilerai.
- Fouille ton cœur, met à nue ton âme. Tu as résolu quantité d’énigmes dans tes recherches archéologiques. Mais depuis quelques temps tu es sur le chemin de ton Graal, peut être inconsciemment.
Lancelot est atterré, il est seul et pense: si Sauveur était avec moi, il me redonnerait de sa force? avec lui tout va toujours mieux. Et il lâche:
-Vivie, Sauveur!
- Ne te tracasse pas pour eux, tous deux vont très bien et attendent ton retour.
Viviane s’est penchée sur lui, l’enlace et le cajole comme le ferait une mère à son enfant. Et cette considération, comme celle de Merlin, met du baume au cœur de ce pauvre déporté.
Et il se ressaisit en s’excusant de ce moment d’abattement.
Merlin s’est rapproché de Lancelot et passe sa main, comme pour une caresse, dans les cheveux de Lancelot.
- Lancelot, je ne sais si on se reverra mais je sais que tu as des choses bizarres dans ta besace, hormis la clé et le parchemin.
- Avec vous je ne suis plus surpris. Oui, j’ai deux pattes de lapin, de la sauge et de la viande fumée.
- La viande ne m’intéresse pas. Mais le reste, que veut tu en faire.
- Je ne sais pas. Des impulsions cérébrales m’ont ordonné de conserver cela.
- Tout à l’heure, Viviane te donnera une chandelle, une bougie comme vous dites dans ton temps, ainsi qu’une pierre magique pour allumer cette chandelle. Attention, cette pierre ne peut servir qu’une fois.
- Comme une allumette s’écrie Lancelot en riant.
Merlin sourit et répond:
- Oui comme une allumette. Il ne faut s’en servir qu’à bon escient, et quand tu seras confronté à ce danger, tu saura quoi faire; c’est dans ta mémoire.
- Quant au plan, tu sauras le lire quand tu atteindras un certain point dans ta quête. La clé je n’en dirai rien, car le moment venu, tu ne te poseras pas de question.
- Et la fleur?
- Rien à dire à son sujet, tu a vu ses effets.
- Une dernière chose. Sous peu il y aura la nouvelle lune, disons dans deux jours de ton temps. Cette nuit là il faudra que tu te trouves près de la mare ou Viviane t’a trouvé. Pendant un laps de temps très court, au milieu de la nuit, apparaitra une porte, mais fugitive car je ne pourrai la maintenir très longtemps. Tu sais ce que tu devra faire, avec Sauveur. Ne la manque surtout pas car la conjonction de certaines planètes est favorable et je ne sais quand cela se reproduira.
- Beaucoup plus tard, dans un autre temps, près d’une mare identique à celle de Viviane, une porte apparaîtra; elle te permettra de poursuivre ta quête. Trouve la bonne pièce d’eau et ne manque pas la porte.
- Et mémorise bien cette énigme capitale : "Creuser tu devras sous celui qui surveille la source en cercle"
- Cela veut dire quoi?
En souriant Merlin ajoute:
- Une énigme cher ami mais je te surveillerai avec Viviane.
- Profites de ce peu de jours avec tes amis de Gwenroc’h qui t’estiment beaucoup. Mais n’influe pas de trop sur leur avenir, je t’accorde la porte.
-La porte, quelle porte?
Puis riant aux éclats il comprend, se souvenant quand il a promis à Kristen de construire une porte.
Comprenant que l’entrevue touche à sa fin, Lancelot se lève et s’agenouille devant Merlin.
- J’ai confiance en toi Lancelot, tu as une âme pure et un cœur débordant d’amour. Tu trouvera ce que tu cherches inconsciemment, malgré que tu ne le saches pas encore.
Il caresse avec tendresse la tête de Lancelot, l’aide à se relever et l’embrasse paternellement.
- Courage tu peut y arriver, tu dois y arriver.
Merlin se retire, abaissant les tapisseries de son antre.
Avec Viviane, Lancelot rejoint ses appartements.
- Repose toi un peu pendant que je vais quérir les ingrédients énoncés par Merlin.
Lancelot mange quelques fruits et s’allonge pour se remémorer cette entrevue.
Si bien que quand Viviane revient il est légèrement assoupi.
Mais le temps presse et elle le secoue gentiment. Instantanément il ouvre les yeux et lui sourit.
- Il faut que tu partes, le temps presse. Je te souhaite bonne chance en espérant, même brièvement, te revoir un jour.
- Je vais te conduire à une cheminée. Le château n’est pas implanté profondément, peut être une trentaine de tes mètres. Tu devra prendre ta respiration à plusieurs reprises, pour bien aérer tes poumons. Une fois dans ce sas, dès que j’aurai fermé la première porte, à l’ouverture de la seconde, une poussée d’air te propulsera vers la surface. Surface que tu atteindras rapidement; ensuite quelques brasses te ramèneront vers le rivage. Il fait nuit noire, afin que quiconque ne soit surpris par ton apparition. Et n’oublie pas, pas la prochaine nuit mais la suivante tu devras être près de la mare.
Arrivé devant le sas, il est temps de faire ses adieux
- Bonne chance Lancelot dit Viviane et elle se lance fougueusement sur lui et l’embrasse.
- Au revoir Viviane, je ne sais pas dire adieu et à son tour il l’enlace, se retourne rapidement et s’engouffre dans le sas.
Il n’a pas le temps de se retourner que déjà il se trouve propulsé dans une eau tourbillonnante et il ne tarde pas à se retrouver à la surface.
La nuit est claire malgré que la lune soit en train de finir son cycle.
Il atteint la grève après quelques minutes de nage et se met en route pour Gwenroc’h qu’il atteint à l’aurore.
Kristen, en train d’ouvrir les yeux, a vu Sauveur détaler comme un fou, et il comprend que son maître ne doit pas être loin. Il se presse de sortir pour aller à sa rencontre.
Ils se retrouvent à l’orée du village et tombent dans les bras l’un de l’autre pour une longue accolade alors que Sauveur n’arrête pas de tourner autour d’eux en jappant, joyeux.
- Tu en a mis du temps dit Kristen.
- Pourtant il me semble n’être parti que hier.
- Le soleil est passé au moins sept fois au dessus de nos têtes et nous commencions à nous inquiéter.
- Je n’ai pas vue le temps passer.
- Faudra que tu nous racontes quand tu aura pris un peu de repos.
Tudal accourt , heureux du retour de son ami, et les habitants, encore ensommeillés, se pressent pour saluer Lancelot. Il est ému par tant de gentillesse et se sent désolé de devoir les quitter prochainement.
Tous se réunissent sur la place centrale et Lancelot à droit à un petit déjeuner de roi.
Quand il a terminé de se restaurer, Tudal demande.
- Alors raconte.
Et Lancelot leur conte, sans oublier un détail, toutes les péripéties vécues au cours de son absence.
Ce qui les surprend le plus, c’est le château sous le lac.
- Jamais on ne l’a aperçu dit Tudal et ses amis.
- Possible qu’il ne soit pas visible à vos yeux, répond Lancelot.
- A entendre la description que tu fait de Viviane, il s’agit bien de la personne que j’ai rencontrée, confirme Kristen.
- Et c’est donc bien Merlin que j’ai vu moi même répond Tudal.
- Oui certainement, car tous deux, Merlin et Viviane, m’ont affirmé qu’ils vous connaissaient tous. Il est possible qu’ils participent à votre quiétude, dans l’ombre, ignorés de vous.
- Donc la légende concernant la venue d’un étranger était bien réelle.
- Certainement, Tudal, transmise par Merlin à quelque génération de vos aïeux lointains.
- Donc tu étais bien l’étranger annoncé, et nous sommes fiers d’avoir été choisis pour t’accueillir.
- Connais-tu la mission dont tu es chargé, demande Kristen.
- Non et ça me désole, c’est à moi de la découvrir.
- Alors tu vas nous quitter, dit tristement Tudal.
- Oui et il me reste peut de temps.
- Wouaf-Waf approuve Sauveur.
- Pas cette nuit, mais la prochaine je devrai vous quitter, définitivement.
- Sachez que je n’aurais jamais de mots adaptés pour vous remercier. Pour l’accueil que vous m’avez offert , moi qui vagabondait dans le néant. Et j’ai été surpris par votre sympathie et votre mode de vie, en communauté, tous tendus pour atteindre le même but, sans jalousie, sans haine, tous unis comme les doigts de la main. Vous m’avez appris l’abnégation, peu courante dans mon temps. Tous les jours que j’ai passés avec vous n’ont été faits que de joie et de bonne humeur. Je vous regretterez Tudal et Erwana, Kristen et vous tous habitants de cette bourgade. Avec Sauveur nous vous disons un grand merci.
La tristesse se lit sur tous les visages. Pour eux, Lancelot faisait partie de leur communauté, et ils n’avaient jamais envisagé son départ.
Il faut que Tudal mette fin à ce désarroi et il se lève.
- Mes amis, rendez vous compte du bonheur que nous venons de vivre. Nous avons été choisis par le destin pour accueillir un étranger, Lancelot. Nous avons vécu une histoire que personne d’autre ne vivra. Je suis sur que nos descendants en parleront longtemps, très longtemps, avant que cela ne devienne une légende. Mais n’oubliez pas que nous, nous l’avons vécu. Tu nous remercie Lancelot, mais nous aussi nous te disons merci. Sache que tu nous a apporté beaucoup, et peut être éclairé notre futur.
- Au nom de tous mes frères et sœurs, je te souhaite bonne chance dans la recherche de ta vérité. Prend soin de toi et de Sauveur, ton ami et guide, et tache de trouver le chemin pour retrouver ton temps et ainsi ta Vivie.
- Ce soir nous ferons la fête en l’honneur de Lancelot. Les femmes, préparez ce qu’il y a meilleur pour notre invité et pour nous tous.
- Allez, tout le monde au travail, ajoute-t-il en riant.
Comme une volée de moineaux, tout le monde se disperse.
Lancelot s’aperçoit que Kristen a fait provision de branches bien rectilignes, de la grosseur d’un poignet de jeune fille. Le tout est entassé devant sa demeure.
- Je t’accorde la porte, se souvient-il.
- As-tu l’intention de faire un grand feu, demande-t-il à Kristen en souriant.
Mais Kristen ne répond rien, toujours perdu dans ses pensées noires, le futur départ de son ami.
Lancelot est obligé de s’approcher de lui et de le frapper gentiment pour le faire réagir.
- Tu sais Kristen, j’aime bien tous tes compatriotes, mais sache que toi avec Tudal, vous êtes les deux seuls amis que j’ai eu dans ma vie. Des amis fidèles, prêts a tout donner sans espérer un retour. Jamais je n’ai connu cela, et crois que j’ai une peine immense à vous quitter. Mais je le dois, j’ai une quête à terminer, souhaitant être à la hauteur des espérances que l’on a placées en ma personne.
- Je comprend Lancelot, mais pour nous, tu faisais partie de notre vie, de notre hameau. Tous te regretteront, moi en particulier, et j’aurai aimé te suivre pour t’aider, mais je comprend que c’est utopique.
- Kristen, savoir, qui sait si un jour, ne pourrait-tu avoir de mes nouvelles par Viviane.
- Oh, que j’apprécierai cela!
- Alors dit moi, ces branchages?
- Tu m’avais promis de m’aider.
- Mais je vais t’aider, nous allons la construire tous deux.
Kristen les a toutes bien écorcées et ébarbées. Il a mesuré la hauteur de l’accès de sa hutte, et a taillé le total à la même longueur.
- Comment faire Lancelot ?
- Il faut fabriquer des liens avec lesquels on solidarisera les branches que tu as préparées ».
- Bien sur, on en trouvera dans la réserve, qui nous servent a attacher les bois de nos huttes.
Kristen s’en va quérir ce matériel pendant que Lancelot mesure la largeur de la porte, et prépare le nombre de branches nécessaires.
IL termine en mettant une branche à chaque extrémité, et une au milieu.
Et il démontre à Kristen comment lier l’ensemble, en tricotant, a chaque extrémité, et au milieu, avec les liens ramenés.
Tricotant fait rire aux éclats son ami
- J’ai pas compris ce mot, mais je vois le résultat .
Quand ces liures sont terminées, tous deux redressent cette future porte, et Lancelot semble satisfait de la rigidité.
« Ce qu’il nous faudrait Kristen, ce serait de la peau d’animal, relativement épaisse, et bien sèche ».
« Facile, dans la réserve, dors une peau d’un beau sanglier, que nous avions eu du mal à tuer, alors que nous étions six chasseurs. Et il y a des lustres que cette peau est là ».
Derechef il repart vers la réserve, et revient en courant , portant le costume de cet animal.
A tous deux, ils découpent trois bandes d’une bonne largeur, les percent de trois trous à l’aide du poignard et Lancelot les lie à la première branche.
- Kristen, dans quelques instants, tu auras une porte à ta hutte.
Arrivés à son habitation, Lancelot enlève la peau qui ferme l’entrée et, à tous deux, présentent la porte qui s’adapte parfaitement.
Lancelot finit de lier les trois charnières, dont il ne prononce pas le nom, au montant de la hutte.
Et à ce moment là, Kristen est stupéfait et ne tarit pas d’éloges et de remerciements.
Puis, légèrement narquois, demande:
- Quand me feras-tu une serrure?
Puis ils tombent tous deux dans les bras l’un de l’autre pour de multiples accolades.
- Je vais faire des jaloux, mais comme j’ai bien compris, dès que j’aurai quelques instants, j’en ferai a tous, pour leurs logis.
- Merci Lancelot, car cela évitera des courants d’air, surtout l’hiver dans nos logis.
- C’est si peu Kristen, et je ne peut en faire plus pour vous.
Je suis persuadé qu’à vous deux, avec Tudal, vous êtes de bon guides pour tous les habitants, qui vous estiment profondément. Restez vous-mêmes, ne changez rien, tout est parfait.
- Parfait, tu as dit parfait.
- Oui j’ai dit parfait en pensant à autre chose.
Kristen se lève et serre très fort son ami.
Le soleil commence à plonger et une odeur de viande grillée titille leurs narines. Cette porte leur a pris pas mal de temps, et ils ne se sont pas aperçu de l’agitation autour du puits. Tout autour de la braise vive, cuisent de beaux gibiers ramenés par les chasseurs. On distingue même un petit cochon de lait que Tudal a fait sacrifier pour son ami.
Deux jeunes filles, poussent un beau cochon, bien dodu, vers l’assemblée.
- Tudal, le cochon pour Kerc’haoueg.
Tudal est surpris par l’embonpoint pris par cet animal. Il a pratiquement doublé de volume, et il ne se prive pas de féliciter toutes les femmes, pour les soins dispensés à celui-ci.
- Je pense que les habitants de Kerc’haoueg vont être surpris et satisfaits, par résultat de votre sérieux et de votre savoir faire.
Et tous les hommes crie des hourras.
- Mon cher Lancelot, sous peu tu disparaitras de notre paysage. Nous aurions, tous ici présents, aimé que tu continue la route avec nous. Tous t’admirent et t’apprécient.
Mais nous avons compris que ton destin est de rechercher l’indicible, mais aussi de retrouver ta Vivie, si chère à ton cœur.
- Mes amis, il doit rester un souvenir de lui, pour nos descendants. Aussi je propose que ce puits se nomme: Lancelot. Ce sera le ''Puits Lancelot''.
Alors là, c’est un chahut inimaginable. Tout le monde veut serrer ou embrasser Lancelot. Et lui est ému, ému aux larmes.
- Vives Lancelot, hurlent-ils.
Et Tudal donne le départ du repas.
Les mets préparés sont délicieux et tous font honneur à ce repas.
Malgré ce diner préparé avec amour et compétence, les habitants sont mélancoliques. Il restera à jamais un avant et un après Lancelot, comme un bornage invisible.
Les adolescents de tous sexes tentent de sortir leurs parents de cette apathie troublante. Qui va déclamer un poème quand une autre tentera de les sortir de leur torpeur, à l’aide d’une chanson douce enjolivée de sa voix cristalline.
Certains tentent de sourire mais on devine que le cœur n’y est pas.
Tudal, redevenant matérialiste, essai de les sortir de leur torpeur.
- Mes amies, le premier cochon est super, mais n’oubliez pas que les habitants de Boc’harzh attendent leurs deux cochons.
- Et en contre partie, nous aurons notre jeune vache, puis notre taureau, qui fournira la descendance et du bon lait pour faire du fromage.
- Les habitants de Boc’harzh transmettront leur savoir faire à quelques jeunes.
De mesurer la confiance que Tudal met en eux stimule ses amis, et déjà on entend, ici et là, des consignes pour demain.
Et à nouveau un brouhaha envahit cette place. La morosité est chassée. Un habitant lance:
- Demain est un autre jour.
Et ces mots font sourire Lancelot.
La soirée se termine dans la joie. Et tout le monde regagne sa hutte, pour un repos bien mérité.
Tudal et Erwana conduisent Lancelot et Kristen a leur logis.
A nouveau l’émotion les saisit et de grandes accolades s’éternisent devant la hutte de Kristen.
- Lancelot, prend le maximum de repos jusqu’à ton départ. Je pense que Kristen ne bougera pas lui non plus. Erwana et moi-même nous ne serons pas bien loin. Et quand tu seras parti, perdu dans les méandres du temps, aie une petite pensée pour nous.
- Quand tu retrouvera Vivie, parle lui de nous, de notre vie et salue la, au nom de nous tous.
- Tu es notre ami pour toujours.
GRAND DÉPART
Le soleil est déjà haut quand Lancelot rejoint Kristen sur la place centrale.
Pas un nuage à l’horizon, la journée s’annonce radieuse.
Avec Kristen, tout en devisant, ils vont rendre visite aux femmes déjà à leurs labeurs. Deux jeunes filles surveillent de près les trois cochons destinés à finir leurs jours loin de Gwenroc’h.
La journée se passe, plutôt monotone car tous appréhendent la soirée et le départ de leur invité.
Petit à petit les hommes reviennent vers le village, sans entrain, et démunis de gibier.
Tudal décide d’avancer l’heure du repas, afin que Lancelot dispose de suffisamment de temps devant lui.
- Erwana, tu prépares de la viande fumée et de cette boisson pétillante. Il pourra ainsi reprendre des forces dans son nouveau temps, avant de trouver des amis, comme nous, je le lui souhaite.
Lancelot se confond en remerciements, lui qui n’a rien à leur offrir.
Kristen, qui s’est approché présente sa dague à Lancelot.
- Lancelot, en souvenir de nous et de notre amitié, accepte ce présent qui toujours te remémoreras ton séjour parmi nous. Et quand tu caresseras son manche, tu te souviendras que c’est toi qui l’a blessé.
Lancelot est bouleversé par ce cadeau et serre très fort Kristen dans ses bras.
- En contre partie, accepte la mienne, qui a traversé le temps, et qui pourrait contenir une part de magie?
Kristen ne veut pas de trop, mais à force de persuasion, il accepte.
- Ce sera une partie de toi qui restera avec nous.
Il se lève et se dirige vers le puits, s’agenouille près de ce semblant de margelle, fait de pierres volcaniques liées par de l’argile bien dure. Violemment, il enfonce la lame jusqu’à mi garde.
- Tant que je serai de ce monde, cette dague ne bougera pas de cet emplacement. Elle symbolise, « le Puits Lancelot ».
A ces mots tous se lèvent et crient:
- Hourra Lancelot, hourra Kristen.
- Hourra Lancelot, Hourra Kristen……………..
La pénombre commence à s’installer et il est l’heure pour Lancelot de se mettre en route.
Il tient à dire adieu à tous, un par un, femmes et hommes, adolescentes et adolescents.
Il n’oublie pas les animaux, surtout les chiens, les compagnons de Sauveur.
Sauveur qui ne le lâche plus, sentant le départ proche.
Puis il rejoint Erwana, Tudal et Kristen et s’adresse à tous.
- Chers amis, je vous remercie de m’avoir accueilli au sein de votre communauté. Ces quelques semaines passées parmi vous resteront gravées à jamais dans mes souvenirs. Votre mode de vie, fait d’entraide et d’abnégation, n’a rien à envier au mien, dans mon temps. Ne changez rien tout est parfait. Sachez que je vous aimes tous, habitants de Gwenroc’h .
- Si un jour je retrouve mon époque, ma Vivie et mes recherches, sur ce poignard, je ferai graver, sur une face le nom de votre village, et sur l’autre les noms de Tudal et Kristen. En souvenir de vous tous.
- Et qui sait, si au cours des fouilles je ne retrouverai pas mon puits: le Puits Lancelot.
Malgré les larmes que l’on voit perler dans les yeux de tous, ils hurlent, ils hurlent de joie.
Et Tudal prend la parole:
- Lancelot au nom de tous les miens nous te souhaitons bonne route, et un prompt aboutissement dans ta quêtes. Que tous les esprits bienfaisants soient à tes cotés. Prend bien soin de toi et de ton ami Sauveur et évite tous les dangers.
Puis il s’ensuit de nombreuses accolades avec tous trois.
Lancelot ramasse sa besace, bien remplie de nourriture et passe la lanière de son outre autour du cou. Il se saisit de sa lance et passe le poignard de Kristen à sa ceinture.
L’ heure du départ a sonné mais tous tiennent à l’accompagner jusqu’à la lisière de la forêt.
Arrivés là, tous s’immobilisent et Lancelot se retournant, leur sourit une dernière fois et, partant à reculons, agite son bras en guise d’adieu alors que Sauveur ne ménage pas ses Wouaf Waf envers ses congénères.
La nuit étant bien avancée, Lancelot disparait dans le sous bois. Parti à jamais.
Rapidement, après avoir croisé quelques lapins et débusqué un marcassin apeuré, il parvient près de la mare. La nuit est très noire, sans lune. Quelques vers luisants tentent d’illuminer la clairière, mais peine perdue, trop sombre.
Lancelot s’assied, avec Sauveur sur ses genoux, et surveille alentour ne sachant trop ou apparaîtra cette porte.
Mais l’attente ne s’éternise pas et, soudainement synchronisé avec les aboiements de Sauveur, un grésillement se produit tout près de la mare. L’air se met à trembloter et il devine les contours de la porte, qui progressivement devient réalité.
Sans réfléchir, il ramasse sa fortune, se saisit de Sauveur et fonce délibérément dans ce brouillard, entre les chambranles.
A peine a-t-il franchi ce sas, tout disparait et la clairière retrouve son calme.
PARIS AOÛT 2011
La nuit est pourtant douce et calme à Paris. Il n'est pas loin de une heure du matin. Vivie, dans son lit, sommeille, quand brutalement, elle s’assied et hurle. Elle n’en comprend pas la raison car elle n’a fait aucun cauchemar, ou tout au moins ne s’en souvient pas. Ce n’est pas la première fois que cela lui arrive, et fouillant ses souvenirs, en compte au moins deux; elle avait eu un choc cérébral, une première fois en plein après midi. Elle se demande ce qui se passe dans sa tête; serait-elle malade, d’un mal inconnu? Une chose est sure, elle est malade de l’absence de Lancelot.
Quand il est partie, pour ses recherches, sur le site d’un vieux château cathare, elle était inquiète. Il s’aventurait , seul, dans des zones dangereuses; risque d’éboulis, écroulement de galeries et autres dangers inconnus.
Le lendemain, n’ayant aucune nouvelle de lui, elle avait prévenu Baratte qui avait monté une expédition avec quelques étudiants.
Mais, malgré trois jours de recherche dans le secteur, personne n’avait trouvé le moindre indice confirmant la disparition de Lancelot. Ils avaient fouillé quelques châteaux avoisinants mais sans succès.
Et depuis elle frappait à toutes les portes possibles pour approfondir les recherches, mais ses démarches étaient toujours vaines.
- On va s’en occuper ma petite mademoiselle!
Fais moi rire! Mais ce sera dur pour y parvenir, pensait-elle.
Et tout de même elle gardait espoir. L’amour de sa vie ne pouvait pas avoir été balayé de la planète.
Mais pourquoi ces avertissements. Est-ce Lancelot, qui par delà l’espace arrive à envoyer un signal?
Cela ne peut plus durer dit-elle, il faut que je vois un psychologue, ou mieux un para-psychologue.
Demain j’irai voir le professeur Baratte pour lui expliquer ces phénomènes. Il saura me conseiller sur la personne la plus compétente.
Encore une forêt. Lancelot et Sauveur se réveille dans un beau massif forestier.
Il ne sait combien de temps a duré leur étourdissement.
Une chose est sure, il fait grand soleil , soleil qu’il aperçoit au travers des frondaisons.
Beaucoup de chênes, très grands, très vieux; on distingue aussi des chênes lièges.
Il est certain de connaitre cette région, caractéristique pour ses arbres à liège.
- Sauveur, nous avons quitté l’ouest de la France, la Bretagne, pour le sud. Je dirai, l’Ariège, les Pyrénées orientales ou le fin fond de l’Aude.
- ‘’Wouaf Waf’’ , approuve le brave chien qui lui saute dans les bras pour lui manifester son affection.
- Mais l’important, quand? Quand sommes nous?
- Au jour le jour, je sais dit-il avant qu’une voix hurle dans sa tête.
- Sauveur, à table, prenons des forces.
Le brave toutou ne se fait pas prier et partage avec lui cette viande préparée par Erwana.
- Tu te rends compte Sauveur, combien d’années ou de siècles a cette viande?
Aucune réponse, Sauveur mange, Sauveur apprécie et ce n’est pas un souci primordial pour lui.
- Bien, mon grand, va falloir se mettre en route.
Sauveur le regarde, penchant la tête, et pensant il se moque de moi, moi qui suis à ras de terre. Mais il comprend ensuite, que plus que sa taille, c’est à son intelligence qu’il s’adresse.
- En avant mauvaise troupe, crie Lancelot en riant.
Il avance avec l’impression de déjà vu. Juste l’impression car la forêt semble plus touffue que ce qu’il connait. Il est parti dans la direction que son subconscient a choisie. Périodiquement il essaie de percevoir le soleil pour suivre son cheminement.
Après une bonne heure de marche, il en est persuadé, il file plein nord. Les grands arbres commencent à disparaitre et le sous bois devient plus clair, car moins dense. Quelques centaines de pas supplémentaires et il distingue la lisière de la forêt.
Devant lui s’étalent, en légère montée, de belles prairies dont l’herbe est fournie et bien verte. Aucun chemin, aucune route qu’il pourrait emprunter.
Il décide de continuer en traversant cette prairie pour atteindre le sommet et élargir son horizon.
Arrivé tout en haut, il est stupéfait par ce qu’il découvre, très proche mais encore lointain.
Un magnifique château, mais ce qui l’impressionne, c’est l’état de cet édifice. Trop bien conservé pour être de son temps.
- Sauveur, nous verrons sur place.
Et tous deux reprennent leur progression vers ce lieux où Lancelot pense trouver une peu de vie humaine.
La prairie commence à se scinder et de multiples haies protègent les parcelles. De petits sentiers progressent le long mais il décide de continuer face à lui pour gagner du temps.
Il saisit Sauveur pour franchir une haie et soudain se retrouve dans le noir. Une escouade de guerrier, surgis de nulle part, vient de l’empaqueter dans un sac très solide; il est rapidement saucissonné et incapable du moindre mouvement.
Sauveur gémit dans ses bras.
Quelqu’un libère ses jambes pour qu’il puisse marcher, et on l’entraine, tel un animal vers l’abattoir.
Après une longue marche, il sent des odeurs de feux ou brasiers ainsi que beaucoup de cris et de discussions, lui faisant penser qu’il est arrivé dans un campement.
- Chef nous avons capturé un individu étrange, habillé d’un accoutrement bizarre.
- Qui es-tu? Demande le chef.
Cet homme s’approche et déchire légèrement le sac à hauteur de la bouche.
- Je t’ai demandé qui es-tu? Un espion ou un hérétique?
Lancelot sursaute en entendant le terme hérétique. Il pense deviner dans quel temps il est tombé. Cela l’effraie et il commence à craindre pour sa vie et celle de Sauveur.
- Qui es-tu? Hurle-t-il.
- Je ne suis ni un hérétique, ni un espion. Je suis juste un pauvre va-nu-pieds, qui se déplace dans cette belle région, espérant de la bonté des habitants pour survivre.
- Je ne te crois pas. Pourquoi tu étais derrière nos lignes.
- Certainement pour juger de la puissance de nos forces.
Il donne ensuite des ordres à une escouade.
- Cet homme intéressera sans doute Simon de Montfort.
- Conduisez le à lui séance tenante.
Lancelot ne s’est pas trompé, il est apparu en pleine croisade contre le catharisme. Il craint que sa quête ne s’achève rapidement.
- Mais chef, il se fait tard, attendons demain!
- J’ai donné un ordre hurle le chef!
La discussion est inutile et l’escouade se met en route, poussant Lancelot.
La marche fut longue et ils n’atteignirent leur destination que vers la fin de la nuit.
Lancelot pense avec nostalgie aux beaux jours qu’il a passés avec tous ses amis à Gwenroc’h. Et maintenant il amasse les angoisses ainsi que les nuages noirs qui voilent son avenir.
Après l’avoir libéré de l’emballage, on le conduit vers un conseiller de Simon, dont il ne tient pas à retenir son nom.
Et il voit qu’il est au milieu d’un campement bien important. Des tentes avec des oriflammes sont disposées le long d’un chemin. Et des guerriers, beaucoup de guerriers armés de lances et d’arcs et protégés de boucliers. Au loin il aperçoit des chevaux caparaçonnés pour le combat.
- Qui es-tu, espion des hérétiques?
- Je ne suis pas un espion, messire, et pas plus un hérétique.
- Alors que fais-tu par ici, près de nos armées.
- Je voyage, je suis toujours par les chemins, espérant trouver, chaque soir le gite et le couvert. J’ai toujours trouvé des âmes charitables et en remerciements je fais des menus travaux.
- Ton habillement me surprend. Un déguisement?
- Je ne suis pas déguisé.
- Ces habits m’ont été donnés par un fermier, il y très longtemps.
- Je viens du bord de l’océan, là où le soleil plonge dans l’eau.
- Et j’ai suivi les vallées pour tenter de rejoindre la mer, vers le soleil levant.
- Tu en sais bien des choses pour un vagabond.
- Ce fermier m’a dit que le climat était plus doux dans cette région.
- Connais-tu des hérétiques?
- Je ne sais pas de quoi vous parlez. A part mon chien, je ne connais personne.
- Je ne te crois pas, mais nous en reparlerons.
- Gardes, emmenez le et enfermez le avec les hérétiques.
Lancelot avec Sauveur se retrouvent dans un enclos, où croupissent hommes, femmes et enfants. Tous les âges sont représentés, du bambin qui ne sait par marcher jusqu’au vieillard. Tous sont dépenaillés et crottés. Ils fixent avec des yeux hagards un lointain avenir funeste.
Tout autour de cet enclos, veillent, espacés de quelques mètres, des soldats bien armés.
Lancelot se retire dans un coin. Sauveur est apeuré et ne quitte pas les pieds de son maitre et ami.
Les gardes ne l’ont pas fouillé, ce mendiant ne semblant pas être vindicatif. Il s’empresse de sortir la dague de Kristen pour la camoufler dans un endroit plus approprié. Les réserves de nourriture s’amenuisent, mais à cet instant, pensant plus à son avenir qu’à celui de ce peuple voué au bucher, il partage un peu de viande avec Sauveur.
Épuisé par cette nuit de marche, il se recroqueville avec Sauveur dans les bras, prend la pose du fœtus, et s’accorde un peu de repos.
Il se réveille quand un homme le secoue, avec douceur, aux épaules.
- Bonjour l’ami, qui es-tu, et d’où viens-tu?
Encore des questions, même posée sur le ton amical, cela devient fatigant de toujours avoir à inventer un passé.
- Je viens de très loin, de l’océan où se couche le soleil.
- Je suis un voyageur, du même pays que vous, un peu mendiant et je ne reste jamais longtemps dans la même région.
- Et si tu veut tout savoir, je m’appelle Lancelot et mon fidèle compagnon Sauveur.
- Alors tu n’es pas des nôtres.
- Je ne comprend rien à ce qui se passe ici. Une guerre? Mais contre qui?
- Ce n’est pas vraiment une guerre, plutôt une croisade.
- Mais pourquoi. Tous ces soldats parlent comme vous, donc vous êtes concitoyens.
Ce personnage semble sympathique, pas plus grand que lui.
Le teint très halé, avec une chevelure noire et des yeux très sombres.
- Je me nomme Ymar, et je vais t’expliquer cette croisade
- Nous ne sommes pas très loin de Montségur, je pense que tu ne connais pas ce château.
Lancelot secoue la tête en guise d’ignorance, lui qui l’a visité à maintes reprises.
- Dans ce château, comme dans beaucoup d’autres de la région, sont retranchés les cathares.
- Les cathares? C’est un peuple différent de vous?
- Non, tout comme les soldats, les cathares ont une nationalité identique.
Lancelot connait bien les fondements du catharisme, tout au moins ce qu’il en appris dans la foison de publications de ce sujet.
- Pour faire simple disons que cette religion est différente des poncifs assénés par le pape de Rome..
- C’est un autre mode de vie mais aussi une nouvelle forme de spiritualité.
- Et cela déplait à Rome, que quiconque puisse s’émanciper de son autorité.
Lancelot est ébloui par la façon de parler de Ymar. Ce n’est pas un paysan, il est trop érudit et son langage est châtié.
- Tu n’es pas un paysan Ymar?
- Non il y a peu, j’enseignais à l’université de Toulouse. Surtout dans le domaine de l’histoire et des religions.
- Je ne suis pas un prêcheur, comme les parfaits, mais j’ai décidé de m’engager dans le catharisme, car il me semble qu’il défend une cause juste.
- Non content de déplaire à Rome, l’affaire est politique. Notre région est riche et convoitée par tous les seigneurs et barons du nord. Ils ne veulent pas que les Comte de Toulouse arrivent à s’affranchir de leur tutelle.
- Il est donc préférable pour eux de nous transformer tous en hérétiques, et de fait, Rome donne sa bénédiction.
- Et que va-t-il vous arriver? demande Lancelot.
- Si nous ne renions pas notre foi, nous finirons sur le bucher.
Lancelot fait le naïf, mais connait bien ce pan d’histoire.
- Tout à l’heure je t’ai vu cacher une arme. Étonnant que les gardes ne t’ai pas fouillé. J’espère que tu n’es pas à leur solde.
- Ymar tu n’a rien à craindre et je te jure que je ne suis pas un espion de ces soldats.
- Alors d’où viens-tu vraiment?
- C’est une si longue histoire!
Deux jeunes hommes s’approchent mettant fin, provisoirement, à cette discussion.
- Salut Ymar.
- Salut Vivien, salut Serlon.
Et Vivien d’enchainer, alors que Serlon acquiesce:
- Nous t’avons vu en grande discussion avec cet homme, mais on ne voulait pas te déranger.
- Vous inquiétez pas, je faisais connaissance avec cet étranger que les gardes viennent d’amener.
- Il n’est pas de par ici, mais sous ses airs de vagabond, je devine quelqu’un d’instruit.
- Son costume est bizarre, il n’est pas de notre époque et son langage parait bien évolué.
- Il prétend se nommer Lancelot, cela ne vous dit rien les amis?
- Qu’en penses-tu Lancelot?
- Écoute Ymar, pour te prouver ma bonne foi, je suis prêt a te confier ma dague.
Et sans attendre, Lancelot la sort discrètement et la lui donne.
Les deux amis se sont rapprochés pour faire barrage à la vue des soldats.
Ymar examine cette arme et murmure:
- Cette dague n’est pas de notre temps, j’en ai vu une pratiquement identique, à l’université. Elle avait été ramenée, en piteux état, de Bretagne par un chercheur de chez nous.
- Tenez vous bien mes amis, cette dague date de l’époque du roi Arthur.
A cet instant, tous trois sont abasourdis et Vivien lâche:
- Alors tu n’es pas un vagabond, tu es un chercheur.
- Et ce prénom, Lancelot; si tu es chercheur, tu dois connaitre son histoire?
- Pour l’instant mais aussi pour votre sécurité, je ne peux rien vous dire, juste gagner votre confiance.
A ce moment là, Lancelot s’aperçoit que Serlon à une vilaine blessure à la main gauche.
- Que t’es-t-il arrivé?
- J’ai attrapé le fouet quand un garde a voulu me frapper, et la lanière m’a bien brulé.
N’écoutant que son bon cœur, Lancelot ouvre sa besace, extrait deux pétales de cette fleur magique, pétales qui semblent toujours aussi vivaces, et les dépose sur cette blessure.
- Serre avec du chiffon pour les maintenir au contact.
- Es-tu médecin ou sorcier?
- Rien de tout cela mais fait moi confiance.
Serlon s’exécute voyant Ymar secouer la tête favorablement et rendre la dague à son propriétaire.
Et Lancelot apprend que tous deux, tout comme Ymar, sont attachés, en tant que professeur, à l’université de Toulouse. Vivien en tant que philosophe et Serlon dans les mathématiques.
Un mouvement de panique se produit à l’entrée du camp quand de nouveaux hérétiques sont propulsés à l’intérieur, à coups de fouet. Une bonne vingtaine d’hommes et de femmes hagards et effrayés.
Nos trois compères se dirigent vers eux, pour tenter d’avoir des nouvelles de l’extérieur. Mais ils reviennent déçus car il ne s’agit que de pauvres paysans capturés dans un petit hameau.
- Il faut sortir d’ici, sinon nous sommes perdus dit Ymar.
- Aurais-tu une idée Lancelot, toi qui a bien voyagé?
- Vous savez, à part creuser une galerie, pour se glisser sous la clôture, je ne vois pas d’autre solution?
- Pas facile dit Vivien.
- Il nous reste quelques jours avant la nouvelle lune. Et à ce moment là, la nuit sera très noire.
- On ne pourra creuser que la nuit. Un homme à la fois, pendant que les autres étaleront la terre à droite et à gauche. J’ai vu des tas de pailles et vous devez savoir lesquels n’ont pas été bougés depuis un moment.
- Facile dit Serlon en jetant son regard dans un coin de la palissade.
- Avec ma dague, nous avancerons plus vite pour creuser. Le sol ,semble argileux et nous ne risquerons pas d’éboulement.
- Par contre, la journée, il faudra qu’un de nous soit toujours présent, sur le trou caché par la paille, pour chasser les curieux.
- Crois tu que nous y arriverons en si peut de temps, demande Ymar.
- Si on se relaie toutes les nuits, oui nous pouvons y parvenir.
- Ce boyau n’a pas besoin d’être bien long, trois ou quatre pas.
Ymar sourit et décide!
- Moi je suis partant pour que nous nous y mettions dès ce soir.
Vivien et Serlon approuvent, et tous trois se prennent à rêver à leur liberté prochaine.
Tous attendent avec impatience la tombée de la nuit. Une maigre pitance leur a été servi. Lancelot pense à du jus de chaussettes, car sur un liquide peu appétissant, flotte quelques pommes de terre et morceaux de gras. Si bien que Lancelot décide de partager un peu de sa viande fumée avec eux; il rationne , disant:
- Faut garder des forces pour les prochaines nuits.
Les trois amis apprécient ce geste, et il pense que cela finit de sceller leur amitié.
Vivien joue un peu avec Sauveur et s’étonne auprès de Lancelot:
- Je ne connais pas très bien la psychologie des animaux, mais je trouve ton chien surprenant. Dans ses yeux brulent comme une flamme bizarre. Je pense que cet animal est hors normes. Attention qu’il ne soit pas suspecté, lui aussi, d’être un hérétique.
- Oui il est très surprenant, c’est la raison pour laquelle je l’ai appelé Sauveur.
- Et vous verrez qu’il nous sera très utile quand nous aurons fini de creuser notre galerie.
Sauveur tente un ’’Wouaf W… ‘’vite étouffé par son maître.
- Chut, Sauveur!
En silence, les trois amis pouffent, abasourdis de penser que cet animal à compris.
Serlon s’est éloigné pour prendre possession de l’angle repéré précédemment. En effet, tous les prisonniers se mettent en quête de l’endroit idéal pour passer la nuit.
Le camp essaie de s’endormir. Pas très paisiblement, mais la fatigue impose du repos. Lancelot et ses nouveaux amis se sont réunis, dans cet angle, et il étudie le terrain. Il lui semble que les pieux ne sont pas profondément enfoncés dans le sol. Donc il suffira de creuser, assez proche, pour passer sous la clôture et ensuite on improvisera pense-t-il.
Se sentant un âme de général en campagne, il donne les ordres:
- Je vais commencer à creuser et Vivien évacuera la terre. Reposez vous et cachez moi au maximum avec la paille et vous, en train de vous reposer. Quand nous serons fatigués, vous prendrez la relève.
Lancelot commence à creuser et s’aperçoit que la clôture, faite de rondins, est enfoncée au maximum d’une trentaines de centimètres.
Il creuse, avec sa dague quand le sol est trop dur, ou avec ses mains, tel un rat. Et il se souvient: ‘’Tu devra creuser, encore creuser‘’
Vivien en rampant pour ne pas ne pas attirer l’attention, étale la terre poussée par Lancelot; il la mélange avec celle du sol pour éviter toute rupture de couleur.
Et à tour de rôle, chaque équipe besogne, pendant que l’autre tente de prendre du repos. Le ciel commence à blanchir et Serlon tire Ymar, par les jambes.
- Il est temps de tout camoufler dit-il.
Tous deux recouvrent le boyau de paille, et se couche dessus pour finir leur nuit.
Le soleil pointe timidement son nez, et on entend, au delà de cet enclos, divers ordres fuser à l’intention de la piétaille.
Encore une rude journée d’attente et d’angoisse pour tous ces captifs.
Soudainement un vent de panique souffle sur l’enclos. Des soldats pénètrent à l’intérieur et se saisissent de certains renégats. Deux hommes en armes approchent du groupe de nos amis et s’emparent de Ymar.
Quand ils se sont éloignés, Lancelot demande:
- Que se passe-t-il?
- Encore un interrogatoire, répond Vivien.
La journée se traine, lamentablement, pour tous ces reclus.
-Vous en étiez où de cette galerie?
- Ymar m’a affirmé avoir aperçu un des rondins de la clôture.
- Vous avez bien travaillé, mais cette nuit il faudra l’élargir un peu, avant de progresser.
- Sommes nous loin de Toulouse? demande Lancelot.
- Trois bonnes journées de marche répond Serlon.
- Je souhaiterais y aller, pour prendre quelques renseignements.
- Tu cherches quoi?
- Qui es-tu vraiment demande Vivien, le philosophe qui essaie d’être cartésien.
- Si nous arrivons à sortir de ce piège, je vous promet de vous dévoiler mon passé, car mon avenir est pour l’instant compromis.
- Nous allons nous en sortir, vivants tous les quatre car tu nous a redonné l’espoir que nous avions perdu.
- Et ta main Serlon?
Celui-ci est étonné, ne pensant plus à cette mauvaise blessure. Il ôte l’espèce d’emplâtre et enlève délicatement les pétales de rose; délicatement il les tend à Lancelot. Elles sont un peu flétries, comme fatiguées par le travail fourni, mais encore vivace. Précautionneusement Lancelot les range avec ses homologues.
La main de Serlon n’est plus purulente et il en est surpris. Une belle cicatrice, propre, zèbre sa paume, mais ne le fait plus souffrir.
- Lancelot, qui es-tu vraiment répétant les termes de son ami Vivien.
- Un médecin, un sorcier? Si tu es un sorcier, ne t ‘en vantes pas car les temps sont durs pour eux.
- Je ne suis pas un sorcier, je ne suis pas un médecin. Je suis juste un homme, normal si je peut dire, tout comme vous. J’ai fait des études, vous avez raison mais qui n’ont rien à voir avec la rapide guérison de ta blessure.
On voit le philosophe réfléchir, et analyser tous les éléments; la dague, les connaissances, ces pétales hors du commun, une certaine autorité enrobée de douceur.
- Lancelot, tout pourrait être crédible, mais rien ne concorde. Tu n’es pas de chez nous.
- Mais si Vivien, je suis de chez vous, je suis là avec vous.
- Ce que je veut dire, en fait, c’est que tu n’es pas à ta place, je dirais que tu es déphasé.
La philosophie n’a jamais été la matière préférée de Lancelot, mais il subodore ce que veut préciser Vivien.
- Tu n’es pas loin de la vérité Vivien.
Le retour de Ymar met fin à cette discussion. Il est bien fatigué et tous remarquent qu’il a été supplicié. Lancelot voit la tunique tachée de sang et se doute que son dos doit être en mauvais état.
- Lancelot? Dit Vivien en voyant l’état du dos d’Ymar.
- Plus tard, quand tous seront au repos.
- Ymar, cette nuit tu vas te reposer, à nous trois nous continuerons à déblayer. Toi il faut que tu reprennes des forces.
Ymar n’insiste pas, car il semble à bouts de force.
Les gardes viennent d’amener cette espèce de pitance juste bonne pour des cochons. Ils sont traités comme des porcs pense Lancelot.
Mais comme l’instinct de survie est le plus fort, tous s’en accommodent.
Lancelot donne quelques lamelles de viande fumée à Ymar, juste à Ymar, et les deux autres approuvent.
On perçoit bien que maintenant leur destin est lié, et que, quoi qu’il en coute, ils réussiront ou perdront leur vie ensemble.
- Ymar, Lancelot veut aller à Toulouse dit Vivien.
- Plus rien ne m’étonne murmure-t-il, surtout venant de Lancelot.
La nuit est arrivé et délicatement Lancelot soulève l’espèce de chemise de Ymar. Les plaies sont rougeoyantes, mais quelques unes sont profondes, là où le fouet a mordu méchamment. Il applique les quelques pétales sur celles-ci, serre autant qu’il peut la chemise pour les maintenir, puis allonge Ymar sur la paille.
- Tu ne bouges plus, pour la nuit tu te reposes. Sauveur te tiendra compagnie.
Et il s’approche de cet animal et lui murmure à l’oreille.
- Sauveur tu vas veiller sur le sommeil de mon ami Ymar. Tu ne le quittes pour aucune raison. Tu te couches près de lui, ton museau vers sa figure pour qu’il sente ton souffle plein de vie, près de lui.
Vivien et Serlon sont surpris par les mimiques de Sauveur pendant que son maître murmure à son oreille. Ils n’en croient pas leurs yeux mais pensent: ce chien comprend ce que veut Lancelot. Et c’est Vivien qui dit:
- Qui est-ce chien Lancelot?
- Chut, laissons reposer Ymar, et nous au travail.
Le travail de sape reprend, en évitant d’être trop bruyant. Vivien, le plus mince se charge d’élargir le boyau. Il fait comprendre qu’il est juste au dessous de la clôture, et continue à progresser. Il peut, à présent s’aider de la canne, dont la pointe est assez dure, pour effriter la terre.
A tour de rôle, nos trois amis prennent quelques instants de repos qui sont brefs.
Mais le forage avance. Lancelot forme des vœux pour que la pluie ne vienne pas pénaliser leur avance. Pour l’instant, la terre est dure à creuser mais ne risque pas de s’ébouler sur leurs têtes.
La nuit touche à sa fin, et tous trois sont épuisés. Vivien tire sur les jambes de Serlon, lui faisant comprendre qu’il est temps de sortir de ce trou.
Quand il émerge, noir de terre, il est souriant et annonce:
- Nous avons progressé d’un bon pas au delà de la clôture.
Ymar qui vient de se réveiller veut se joindre à eux:
- Je suis en pleine forme, je prend mon tour.
- Non Ymar, le jour va se lever, repose encore dit Lancelot.
Vivien rebouche proprement l’accès avec la paille pendant que Lancelot et Serlon finisse d’uniformiser la terre extraite avec celle du sol.
Tous quatre se serrent, pour un peu de repos, sur le passeport pour leur liberté.
Le ciel blanchit, précurseur à une nouvelle journée de captivité.
Et soudain, le brouhaha des soldats qui pénètrent dans le camp pour se saisir de quelques hérétiques, encore ensommeillés.
Un gradé s’approche de leur groupe et désignant Lancelot:
- Toi, suis moi!
Sans récriminer Lancelot se lève, oubliant Sauveur et sa besace bien camouflés sous Ymar, et le précède vers l’entrée du camp.
Nos trois amis sont abattus, mais Sauveur, qui pointe son nez pour regarder partir son maître, ne semble pas affolé. Ils reprennent confiance.
La journée est longue et l’attente est insupportable.
Puis en fin d’après midi, Vivien, qui surveille l’entrée du camp, voit arriver Lancelot, un peu titubant, mais vivant.
- Alors?
- Mes amis, laissez le se reposer demande Ymar.
Lancelot leur apprend qu’il a pris moult coups de bâtons dans les reins, mais rien de cassé. Juste épuisé.
- Que voulait-il demande Vivien.
- Tout et rien et ils ont mis en doute mon histoire de mendiant vagabond.
- Je n’arrivais pas à me dépêtrer avec cet officier, rusé, qui me poussait dans mes derniers retranchements.
- Alors?
Je devais gagner du temps, et j’ai entendu dire que Simon De Montfort était absent quelques jours; deux, possible trois.
- Alors j’ai dit à cet homme que j’avais un message de la part de Eckbert Von SCHÖNAU, de outre Rhin, à ne délivrer qu’à Monsieur De Montfort.
- Parle! Me dit cet officier.
- Non Messire, uniquement à Monsieur de Montfort.
- J’ai donc eu droit à une bonne bastonnade, mais méfiant, cet officier n’a pas voulu trop m’abimer.
- Tu connais ce Eckbert demande Vivien.
- Pas du tout.
- Tu n’a pas pu inventer ce nom, car je le sais, il existe.
- Non Vivien, je n’ai pas inventé, je ne peut le connaître, mais je connais son nom.
- Lancelot, je t’en prie, il faudra que tu nous expliques.
- Donc tu n’a pas de message à délivrer.
- Aucun message mes amis, mais nous, par contre, il ne nous reste plus que deux nuits maximum.
- Fait moi voir ton dos Ymar demande Lancelot.
Les vilaines plaies se sont bien refermées et Lancelot décide de retirer les pétales qu’il replace avec la tige maitresse.
- Tout va bien Ymar, mais il te restera de belles cicatrices.
- C’est quoi cette fleur qui guérit tout.
- Honnêtement je ne sais pas Ymar; elle est attachée à moi et je ne sais jusqu’à quand?
- Tu l’as trouvée où?
- Écoute quand nous serons en sécurité, je ferai mon possible pour vous expliquer, mais pour l’instant le temps presse. Il faut avancer, et si nous pouvions tenter de sortir la prochaine nuit, ce serait magnifique.
La nuit commence à s’installer doucement, et Vivien décide de prendre le premier tour pour creuser.
- Je pense que lorsqu’un de nous aura dépassé la clôture, d’une longueur égale à notre taille plus un bon pas, nous pourrons commencer à remonter vers la surface, dit Lancelot.
- Comme hier Serlon a dit avoir dépassé d’un pas, il nous reste une longueur d’homme.
- Ymar, toi tu ne creuses pas, pour éviter de raviver tes blessures. Tu étaleras la terre.
Et nos quatre détenus se mettent à l’ouvrage. Personne ne parle de repos car ils savent que les heures et mêmes les minutes sont comptées. Lancelot est obligé d’aider Ymar à disperser la terre retirée, tant la progression de Vivien est rapide ainsi que la hargne de Serlon qui besogne sans cesse pour pousser la terre vers l’entrée de ce souterrain.
Lancelot a pris le relais de Vivien pour continuer à avancer dans ce boyau. Il pense avoir suffisamment progressé et le fait savoir à ses compagnons d’infortune.
- Je vais commencer à creuser à la verticale, dit il à Vivien qui le retransmet aux deux autres.
Étant donné l’inclinaison donnée au départ, il pense qu’il ne reste qu’un bon demi pas de terre au dessus de sa tête. Mais il ne veut surtout pas ouvrir un trou béant, trop visible en pleine journée. Avec sa dague, en grignotant lentement, il creuse à la verticale, une cheminée en forme d’entonnoir inversé. Rapidement il parvient à réaliser l'ouverture vers la surface, pas énorme bien sur, mais bien d’un bon pouce.
Il voit une étoile, l’étoile de la liberté pense-t-il. Nous allons réussir, il le faut. Il chuchote à Vivien de lui faire passer un peu de paille pour reboucher ce trou, minuscule, mais visible en surface.
Ils on tant besogné qu’ils n’ont pas vu le temps passer. La nuit est encore noire, mais le jour ne tardera pas.
Après avoir camouflé l’entrée du souterrain, tous s’allongent pour quelques instants de repos.
- Souhaitons que la journée soit calme marmonne Serlon.
Et la journée se déroula sans anicroche. Quelques hérétiques furent emmenés le matin, la routine dira Ymar.
En fin d’après midi, le ciel commença à se charger.
- Pourvu qu’il ne pleuve pas trop fort, mais ce temps rendra l’obscurité plus dense. Ce sera bénéfique pour notre évasion.
- Je passerai le premier et finirait l’ouverture vers la liberté; pas de déblais à évacuer car je pousserai la terre vers l’extérieur.
- Quand l’issue sera satisfaisante, vous ferez venir Sauveur pour qu’il me rejoigne. Je vais lui expliquer son rôle.
- Viens ici, mon ami, mon Sauveur.
Que ne ferait cet animal pour Lancelot, pour son maître, pour son ami.
Il se jette sur lui pour lui prouver son affection et lui lèche le visage à n’en plus finir.
- Calme toi cher ami!
Sauveur pose son postérieur sur le sol, et soudainement semble très attentif. Les trois hérétiques sourient malicieusement , légèrement sceptiques.
Et pendant la conversation, sa gueule bascule de droite à gauche, alors que ses yeux ne quittent ni les yeux , ni les lèvres de Lancelot.
- Sauveur, il va falloir que je te barbouille les poils, tu es un peu trop blanc pour cette nuit.
- Quand j’aurai suffisamment agrandi la sortie pour nous quatre, tu sera chargé d’une mission de reconnaissance. En te faisant tout petit, ton ventre au ras de la terre, comme tu sais le faire quand nous jouons, tu reconnaitras les lieux pour repérer les gardes. Un peu à droite, un peu à gauche et un peu face à toi.
- Si par hasard quelqu’un te repére, ne revient pas vers moi, fonce devant toi , cache toi et attend. Si tu ne décèles rien d’anormal, tu viens me retrouver.
La discussion semble terminée et deux coups de langue sur le nez de Lancelot semblent approuver les consignes données.
- Ne me dit pas que ton chien, Sauveur, a compris le sens de tes paroles demande Serlon.
- Crois moi, il a bien compris.
- Pardonne moi Lancelot, je suis dans les mathématiques, donc rationnel, et là je suis sceptique.
- Je te comprend Serlon, car j’ai pensé comme toi, mais maintenant toute ma confiance est en Sauveur, il est une partie de moi je pense.
- Nous avons résolu le problème de l’éclaireur. Et nous aussi, nous devrons nous barbouiller de boue; la figure, les mains et aussi les parties trop claires de nos habits.
- Quand nous sortirons de ce trou, il faudra ramper, ramper le plus longtemps possible pour s’éloigner du camp. Bien surveiller les alentours pour ne pas se faire surprendre par une patrouille.
- Je sortirai le premier, en deuxième éclaireur, et si aucun danger ne me menace vous suivrez, un par un, à intervalle déterminé par Serlon qui comptera régulièrement et lentement jusqu’à trois cents.
- Essayez de garder la direction que j’aurai prise afin que nous puisions nous regrouper.
- Ensuite nous devrons trouver des fourrés ou des haies pour nous cacher toute la journée. Au moins pendant deux jours nous ne progresserons que la nuit. Et la journée repos pour tous.
Tous hochent la tête en guise d’assentiment.
Le soleil est couché et la nuit commence à envelopper le camp de son noir manteau.
Les prisonniers on trouvé leur havre pour la nuit ; plus aucun mouvement dans le camp.
Tous quatre, suivis de Sauveur, s’approchent de ce trou ou croupit une eau nauséabonde. Lancelot commence à enduire Sauveur de boue gluante; celui-ci se laisse faire ne quittant pas les yeux de son maître. A cet instant , les trois intellectuels savent que cet animal n’est pas un chien commun.
De même, tous quatre se maquillent, de la tête aux pieds, retenant leur respiration car l’odeur leur retourne l’estomac. Et bien déguisés, ils rejoignent l’entrée du souterrain, la porte vers la liberté.
Quelle chance ces nuages qui ont jeté une chape bien noire sur la région. On entend les gardes qui parlent entre eux, mais Lancelot est persuadé qu’ils ne se voient pas à quelques pas.
- Les amis, bonne chance à tous, et si un seul d’entre nous s’échappe de cet enfer, nous aurons réussi.
Rapidement, Lancelot s’enfonce dans le boyau avec tout ses avoirs. A grands coups de dague, il agrandit le trou préalablement fait. Et dès qu’il peut passer un bras à l’extérieur, il rejette la terre au dehors pour ne pas encombrer la galerie. Il avait pensé qu’il restait une soixantaine de centimètres de sol a creuser, mais en fait il découvre que cela se réduit à une quarantaine, peut être moins. Il redouble d’effort et peut s’aider de ses deux mains; les forces sont décuplées et rapidement, en se tortillant; il arrive à sortir la tête. Un rapide tour d’horizon le rassure; aucun danger immédiat. Quelques longues minutes plus tard, il arrive à passer le torse, et ne perdant pas une minute de plus, se recule un peu et demande à Vivien de faire venir Sauveur.
- Sauveur, souviens toi de ce que je t’ai dit et surtout, mon ami, si tu sens un danger, caches toi.
Comme à son habitude, il embrasse sauveur entre les deux yeux et reçoit un coup de langue en retour.
- Tu pue Sauveur dit-il en souriant.
Qu’à cela ne tienne, un deuxième coup de langue généreux le remercie.
Il le soulève, le pose sur le sol, le caresse, et Sauveur s’éloigne en rampant.
Lancelot termine de dégager l’issue et après quelques efforts il arrive a passer le buste en intégralité. Autour de lui, rien ne bouge, mais il est méfiant car la vue ne porte pas loin.
Il redescend dans le tunnel pour dire à Vivien de s’approcher et de signaler à Serlon sa sortie.
- Qu’il compte bien comme je lui ai dit et à son signal ce sera ton tour. Et ensuite Ymar, Serlon s’évadant en dernier.
Lancelot réapparait à la surface du sol et patiente. Il est un angoissé de ne pas voir Sauveur revenir; pourtant il n’a entendu aucun bruit suspect.
On ne peut attendre plus longtemps et il décide de s’extraire et, en rampant le plus silencieusement possible, fonce face à lui. Il a senti Vivien lâcher son pied, donc tout va bien pour le minutage.
Il a progressé de quelques mètres quand il butte sur une truffe bien fraiche. Quel bonheur , Sauveur peut être un peu égaré, qui avait du mal à retrouver le chemin du retour. Pas de temps à perdre en effusion, il lui fait faire demi tour et tous deux continuent à avancer.
Combien de temps auront-ils rampé et quelle distance parcourue? Il ne sait le dire. Il vient de parvenir a une haie, ce qu’il pense, et tous deux chutent dans un trou de la hauteur d’un homme. IL sent un filet d’eau au centre et en déduit qu’il se trouve dans un ruisseau. Il a du mal à apprécier l’épaisseur des végétaux qui borde ce ruisseau, mais juge que ce sera suffisant pour se protéger dans la journée.
En se déplaçant sur sa droite il aperçoit une masse touffue au dessus de lui et décide de patienter à cet endroit. Il prend Sauveur dans ses bras, se recroqueville et patiente.
Les cinq minutes d’espacement qu’il avait demandé sont largement dépassés. Vivien aurait-il pris une mauvaise direction?
Un juron étouffé, sur sa gauche le tranquillise. Il se déplace légèrement accroupi vers ce signal involontaire et après un dizaine de mètres retrouve Vivien, le nez dans le filet d’eau.
Pas de blessure sur celui-ci, juste la surprise de la chute.
- Reste ici, je retourne quelques pas plus loin, ainsi nous aurons plus de chance de retrouver les autres.
Il n’a pas le temps de rejoindre son poste que Ymar lui tombe sur le dos.
Lancelot est heureux que son plan se déroule suivant les prévisions. Manque plus que Serlon.
- Ymar suit moi sur quelques pas, et moi je m’éloignerais un peu. Il faut que nous récupérions Serlon.
Mais ce ne sera pas nécessaire car Serlon, de peur de se retrouver isolé a suivi de près Ymar. Et avec Vivien ils rejoignent leurs amis. Serlon claudique légèrement suite à la mauvaise réception dans le fossé; mais affirme que bien bandé il pourra marcher.
- Sous peu le jour se lèvera. Nous ne devons pas rester groupé car il est préférable, en cas de danger, qu’un seul d’entre nous soit capturé, mais pas le groupe.
- Que chacun trouve un endroit avec beaucoup de végétation et bien touffu. Enduisez vous à nouveau de boue, pour camoufler l’odeur humaine, et ne bougez plus de toute la journée. Reprenez des forces, car la nuit prochaine nous devrons parcourir le plus de distance possible et s’éloigner de ce camp sordide.
-Serlon vient avec moi et vous deux allez à l’opposé. Nous nous retrouverons dès la nuit bien noire.
Lancelot amène Serlon à la première cache trouvé, et s’éloigne. Quand il a trouvé un endroit propice, il enduit Sauveur de boue et en fait autant avec lui.
- Sauveur, tu as très bien travaillé, je te félicite. A partir de maintenant, silence complet.
Le ciel commence à s’éclaircir et il faut qu’il sache. Il escalade ce fossé et parvenu au niveau du sol, constate ,qu’ils se sont éloignés suffisamment. Il aperçoit la palissade du camp qui se trouve à plus de deux cents mètres, peut être trois cents, rien ne bouge à l’extérieur.
Il redescend, amasse quelques feuilles pour se recouvrir, prend Sauveur dans ses bras, et s’endort rapidement.
C’est en milieu d’après midi que le bruit de chevaux au galop le réveille. Il ne bouge pas pensant, s’ils envoient la cavalerie nous ne sommes pas encore sauvés.
Le bruit s’estompe en direction de l’ouest.
A la nuit tombante, à nouveau il perçoit le bruit de la cavalerie regagnant le camp. Lancelot est soulagé.
Il se met en route pour rejoindre ses camarades et trouve Ymar et Serlon réunis alors que Vivien s’approche.
- Mes amis, dès que la nuit sera bien installée, nous nous mettrons en route. J’ai bien repéré l’ouest et pour cette nuit nous nous tiendrons à cette direction.
- Combien de jours de marche pour Toulouse?
- Faut bien trois jours répond Serlon.
- Comment vas ta cheville?
- Un peu douloureux mais cela devrait aller avec le bandage que m’a fait Vivien.
Lancelot tend sa canne à Serlon.
- Cela te permettra de soulager la jambe blessée.
Lancelot ouvre sa besace et partage le peu de viande qui reste.
- Prenons un peu de force avec ce maigre repas.
- Il existe des vergers dans la direction que nous prenons. Nous pourrons trouver des fruits, dit Vivien.
- Nous ne resterons pas groupés; il vaut mieux progresser individuellement, et garder une bonne distance entre nous.
Lancelot prend Sauveur dans ses bras car il veut progresser rapidement et tous se mettent en route , bien espacés.
Au milieu de la nuit, il arrive près d’un cours d’eau et décide de faire un pause, pensant à la cheville douloureuse de Serlon.
Serlon qui ne tarde pas à le rejoindre suivis de leurs amis.
- Comment va ta cheville?
- Pas trop mal et de toute façon, elle aura toute la journée pour se reposer.
Lancelot estime qu’ils ont du parcourir une bonne vingtaine de kilomètres, et qu’ils se sont bien éloignés de leurs geôliers.
Ils en profitent pour s’abreuver et faire un brin de toilettes, car une fois sèche, cette boue à tendance à tirer la peau.
Au moins, je fais une cure préventive contre les rhumatismes, marmonne Lancelot. Il nettoie Sauveur, le pauvre tout crotté, et lui redonne un aspect un peu plus canin.
Et tous repartent pour quelques heures de marche, toujours en file indienne mais plus rapprochés les uns des autres, à la recherche d’un gué pour traverser cette rivière.
Après quelques heures Lancelot pense que le jour ne tardera pas à se lever et il aperçoit, tout proche, une masse plus sombre qui pourrait se révéler être une forêt.
Tous se dirigent dans cette direction, et effectivement ils ont trouvé un havre pour la journée.
Quand le soleil est bien monté dans l’azur, Lancelot rejoint la lisière pour découvrir l’environnement. Dans le lointain il lui semble deviner quelques constructions; un bourg pensé-t-il?
Il s’empresse de venir narrer cette découverte à ses compagnons.
- Faut aller voir ces habitants dit Vivien;
- Peut être pourront-ils nous aider, ou nous faire l’aumône d’un peu de nourriture.
Lancelot n’est pas très favorable à cette idée, mais reconnait que pour tenir, l’organisme à besoin de s’alimenter.
- Écoutez, je suis professeur de philosophie, je sais comprendre, tout au moins j’essaie, les personnes que je rencontre et je peut négocier avec eux, dit Vivien.
Tous secouent la tête, pas très enchantés, mais se rangent à la décision de Vivien. Celui-ci ne réfléchit pas davantage et s’éloigne rapidement pour sortir de ce bois.
- Bonne chance murmurent-ils.
Le soleil commence à décliner vers l’ouest et pas de Vivien en vue. L’inquiétude commence à les gagner. Lancelot revient vers la lisière, mais ne voit que la plaine, aucune présence humaine en vue.
Après de longs moments à patienter, nos trois ami sont surpris par des aboiements, encore lointain, provenant de l’intérieur du bois. Lancelot à juste le temps de saisir le museau de Sauveur et de lui chuchoter à l’oreille,
-Silence.
Tous trois s’éparpillent et tentent de se camoufler du mieux possible.
Et ils perçoivent, sans comprendre les termes, des discussions et des rires. Les chiens jappent toujours mais sans animosité.
Ils semblent chercher quelque chose ou quelqu’un.
- Hou hou!
- Hou hou!
Nos trois amis restent cois.
- Sauveur, sauveur!
- Lancelot, on cherche Lancelot profère un des hommes.
Tout en faisant signe à ses amis de rester à couvert, Lancelot n’hésite plus; à part ses amis, personne ne connait le nom de son chien. Il s’avance dans la direction d’où proviennent ces appels et il voit une poignée de paysans accompagnés de quelques chiens. Il sort à découvert.
- Je suis là, je suis Lancelot, que me voulez-vous?
Celui qui semble mener le groupe s’approche:
- Vivien , que nous avons trouvé exténué et retenu chez nous, nous a envoyé à votre recherche. Vous n’avez aucune crainte à avoir.
- Votre ami nous a dit que vous étiez trois, serait-il arrivé un drame?
- Non, nous allons tous bien. Serlon, Ymar, vous pouvez vous approcher!
- Je m’appelle Selmar et je suis un peu le responsable de ce village, dit cet homme à Lancelot en lui tendant la main. Nous vous avons apporté un peu de lait, pour vous aider à reprendre des forces.
Lancelot au nom de ses camarades, le remercie et tous trois se délectent de cette boisson.
- Ne restons pas ici, nous vous conduisons au village, annonce Selmar.
En fin d’après midi ils parviennent dans ce bourg tranquille, et sont conduits dans une grange emplie de foin où ils retrouvent Vivien sommeillant.
- Je suis heureux de vous retrouver murmure-t-il.
- J’ai tout expliqué à Selmar et aux habitants présents, qui nous étions, d’où nous venions et notre destination.
- Leur village se nomme Reignoux, et il est situé un peu à l’écart des grands axes de circulation nord-sud. Ils ne sont pas cathares mais sont contre toute répression quelle qu’elle soit. Et ils ont très peur de perdre la protection du Comte de Toulouse.
- Les soldats passent rarement par ici, mais ils m’ont demandé de rester cloitré dans cette grange car la masse de foin nous permettrait de bien nous dissimuler.
- Nous pouvons rester le temps que nous voulons, mais ils savent que nous avons hâte de rejoindre Toulouse.
Entre temps, Selmar est revenu accompagné de deux femmes les bras chargées de victuailles et de vase de terre cuite contenant du vin.
- Prenez un bon repas et reposez vous. Je pense que vous en avez besoin, et une nuit en toute quiétude ne vous fera pas de mal leur dit Selmar.
Tous acquiescent car ils sont vraiment épuisés.
Ayant vu l’état de Serlon, il a ramené quelques bouts de bois avec lesquels il confectionne des attelles pour immobiliser sa cheville. Puis il verse un peu de poudre, extraite d’un gousset, dans sa main en lui disant:
- Un calmant contre la douleur.
- Merci Selmar, merci pour tout ce que vous faites pour nous.
Selmar est venu accompagné de deux adolescents chargés, pour cette nuit, de veiller sur la grange.
- Vous deux vous resterez ici. Et quoi qu’il arrive, vous savez que c’est la coutume de garder la grange pour éviter que les animaux sauvages viennent piller le foin. Avez-vous bien compris?
- Oui Selmar, aujourd’hui, c’est notre tour de garde.
Selmar sourit et les gratifie d’une tape paternelle sur la tête.
- Bonne nuit à vous quatre, à demain.
Le repas est vite avalé. Et tous quatre, bien harassés, ne pensent qu’à une chose, dormir et reprendre des forces. Ils s’éparpillent dans la grange, chacun creusant un tunnel dans le foin pour se camoufler.
Mais la nuit fut mouvementée car soudainement une troupe de cavalier sema la panique dans ce village tranquille.
- Avez-vous vu passer des fuyards, demanda un officier.
- Non Monsieur , personne, vous savez, par chez nous il ne passe pas grand monde, répondit Selmar.
- Es-tu le responsable?
- Oui Monsieur.
- Alors je te préviens, nous allons fouiller tout le village, et si je trouve un de ces fugitifs, ce sera toi qui finira sur le bucher.
La troupe est composée d’une dizaine de personnes, qui s’empressent, deux par deux, de visiter tous les habitats.
- C’est quoi cette bâtisse là bas.
- Une grange où nous conservons le foin, pour les animaux, pour l’hiver.
Nos quatre compères, sortis de leur sommeil par ce vacarme, se sont empressés de bien refluer sous le foin, jusqu’à toucher le mur de la grange.
Un des adolescent, bien réveillé, est assis surveillant l’entrée de la grange, alors que l’autre sommeille ou simule.
L’officier appelle deux soldats et se dirige, avec eux, vers ce dépôt.
- Tu es bien jeune, tu fait quoi ici?
- Je monte la garde, Monsieur, car il est arrivé que des sangliers nous saccage le foin.
- Tu penses pouvoir faire peur à un sanglier?
Le jeune se lève et se saisit d’une fourche, au manche bien long, et dont le trident, en fer, n’a rien à envier à une bonne épée.
- Avec cet outil, Monsieur, je peux vous dire que les sangliers n’insitent pas.
- Tu en a déjà chassé avec cette fourche.
- Cela est arrivé quelquefois, Monsieur. Et nous sommes toujours deux dans la grange, à se partager les tours de garde.
En désignant un des soldats:
- Toi prend cette fourche et pique moi profondément ce tas de foin.
Celui-ci ne ménage pas sa peine, et bien que le manche de la fourche fasse deux mètres de long, il l’enfonce profondément, jusqu’à enfouir sa main dans le foin.
Lancelot et Vivien ont senti passer le trident à quelques centimètres de leur tête, mais ils n’ont pas bougé un sourcil.
- Il n’y a personne Monsieur.
- Tu en a de la chance paysan, mais nous surveillerons ton village.
L'officier se dirige vers les chevaux, rameute les soldats, et la troupe disparaît dans la nuit.
Aucune parole, aucun dialogue n’est engagé, juste cette consigne répétée par Selmar:
- Vous deux, continuez à bien monter la garde!
Le jour commence à se lever faisant sortir les habitants de leurs logis. Chacun a ses habitudes et ne les a pas changées.
- Nous retournons chez nous mais restez cachés, c’est préférable pour vous et pour nous, murmurent les adolescents avant de s’éloigner.
C’est dans la matinée que Selmar vient, accompagné d’un ami poussant une brouette chargée de foin.
- Bonjour les amis, je vous ai apporté un peu de nourriture.
En effet, dans la brouette, sous le foin, on découvre des galettes de blé, du lait et des œufs frais.
- Vous pouvez sortir sans crainte.
Nos quatre fuyards émergent de leur cachette, tout couvert de foins, ébouriffés mais heureux d’être encore en vie.
- Tu sais Selmar on a eu peur pour vous.
- Je n’aime pas ces gens, venus du nord, et qui viennent piétiner nos terres. Si nécessaire, nous nous serions battus.
- Et il y a des gaillards costauds dans ce village ajoute-t-il en riant.
- Mes amis , reprenez des forces avec ces bons produits de chez nous.
Tous quatre ne se font pas prier et font honneur à ces mets.
- Nous ne pouvons pas vous mettre indéfiniment en danger dit Lancelot, approuvé par ses amis.
- La nuit prochaine nous reprendrons la route, pour s’éloigner le plus possible de votre village. Vous savez, un retour de ces soldats n’est pas impossible.
- Vous vous dirigez vers quelle ville? Demande Selmar.
- Vers Toulouse, comme vous le savez, mes trois amis sont professeur à l’université, et nous avons quelques recherches à faire.
- Et toi tu fais quoi?
- Moi je suis un grand voyageur, qui a été capturé et emprisonné avec eux.
- Un grand merci pour votre accueil et pour les risques que vous avez pris en nous cachant chez vous ajoute Lancelot.
- L’hospitalité Lancelot, un bien grand mot peut être, mais toujours d’actualité chez nous, ajoute Selmar.
Et s’adressant à Serlon:
- Et cette cheville?
- Cela va bien mieux, et la poudre que tu m’a donné à bien calmé la douleur.
- Je t’en donnerai ce soir, et un peu pour demain.
- Restez bien cachés ici, et à la nuit tombée je vous porterai quelques provisions pour votre voyage.
A tour de rôle, tous remercient cet homme bienveillant.
La journée est longue, très longue car aucun n’ose parler de peur que quelque espion ne soit à l’écoute à proximité.
Le soir venu, Selmar s’approche de la grange accompagné de deux jeunes. Chacun d’eux porte un sac empli de victuailles.
- Je vous ai fait préparer ce peu de nourriture pour vous permettre de progresser sans avoir à chercher du ravitaillement.
- Combien vous reste-t-il de distance à parcourir.
- Pour être certain de ne pas être inquiétés, deux nuits et une bonne journée, répond Ymar.
- Nous partirons dès la nuit bien noire.
- Au nom de mes amis, je vous remercie pour votre accueil mais aussi pour avoir pris le risque de nous dissimuler à ces soldats. Je souhaite que cette guerre, car c’est une guerre, pas une croisade, finisse rapidement pour que vous retrouviez calme et tranquillité.
- Un jour, peut être lointain, nous reviendrons vous voir, avec mes amis.
Chacun à son tour remercie Selmar et se prépare pour le départ.
Presque tout le village est sur le pas de la porte. Nos amis le traverse et Lancelot s’arrête, au centre et lance à la cantonade:
- Habitants de Reignoux, merci à vous tous. Vous avez gagné en noblesse ce que d’autres perdent en guerroyant. Que les jours à venir soient doux et sans nuage pour vous tous.
- Adieu Reignoux.
- Moi j’ajouterai, à bientôt, et prenez bien soin de vous tous, ajoute Ymar.
Nos quatre amis s’enfoncent dans la nuit, vers le nord-ouest, l’esprit tendu vers leur but: Toulouse.
Ils n’ont parcouru que quelques centaines de mètres quand ils entendent, dans leurs dos, le bruit, au galop, d’une troupe de cavaliers.
- Je crois que notre choix était le bon, que ce village vive en paix, commente Lancelot.
Ils progressent toute la nuit sans surprise et quand pointe l’aurore, trouve un petit bois pour passer la journée. Dans une clairière, Lancelot aperçoit une mare qui lui en rappelle une autre.
Ils s’installent confortablement, sous des arbrisseaux qui les cachent à la vue. Ils ouvrent les sacs fournis par Selmar et reprennent des forces. Et tous tombent dans un profond sommeil revitalisant.
Tous sauf un. Lancelot parait bien agité dans son sommeil.
- Il faut que je te vois, murmure une voix douce à son oreille, dans son rêve.
- Mais où demande-t-il?
- N’as-tu pas vu une mare, semblable à celle que tu connais?
Il s’éveille en sursaut, pensant immédiatement à Viviane.
A la nuit tombée, alors que se amis se préparent, il leur demande:
- Il faudrait que vous m’attendiez à l’orée du bois, quelques instants. Je vous en prie, ne me suivez pas, car pour vous ce pourrait être dangereux. Gardez Sauveur avec vous; je lui ai expliqué. Je serai vite de retour.
Lancelot attend que ses amis se soient éloignés, et revient sur ses pas, vers cette mare aperçue au petit matin.
Un rayon de lune transforme ce mini plan d’eau en miroir.
Un grésillement se produit au centre et une forme humaine se dessine.
- Viviane crie Lancelot en s’approchant.
- Non Lancelot, je ne suis pas là physiquement; je ne suis qu’une projection de moi-même.
- Je suis fière de toi. Tu aurai pu t’évader tout seul de ce camp, mais tu as voulu en faire profiter ces trois intellectuels.
Merlin aussi est fier, car tu as permis de sauvegarder une partie du savoir nécessaire à l’évolution de cette patrie, en bute à l’obscurantisme.
- Où tu vas, tu trouveras certaines réponses à ta quête. Surtout, focalise toi sur le plan, le plan est très important.
- Je ne peut rester Lancelot, car Merlin déploie une énergie folle pour maintenir cette apparition.
- Tu restes dans mon cœur, je t t t a i……….
- VIVIANE, hurle Lancelot
Trop tard, l’apparition a vacillé puis disparue.
- Je n’ai même pas pu la remercier sanglote-t-il.
Vivie, Viviane, pour lui, toutes deux dans son cœur
UNIVERSITÉ DE TOULOUSE
La progression vers Toulouse se fait sans autre ennui, et c’est en fin d’après midi que Ymar, arrivé le premier au sommet d’une colline annonce:
- Saint-Étienne, je vois le clocher de la cathédrale Saint-Étienne.
Tous hurlent de joie et se précipitent pour le rejoindre.
Après un moment de détente passé à savourer la vue du soleil couchant auréolant le clocher de cet édifice, ils repartent rapidement pour atteindre leur université au début de la nuit.
- Il faut que je te présente à Brian, c’est lui qui a fait des recherches en Bretagne, et qui nous a rapporté la dague dont je t’ai parlé.
Tout en devisant, ils parcourent quelques couloirs et pénètrent dans une grande pièce, un peu poussiéreuse, dans laquelle les yeux n’accrochent que sur un beau fatras.
C’est pire qu’un inventaire à la Prévert pense Lancelot.
On y voit un peu tout, des vases ébréchés, des morceaux de terre cuite, des cailloux, des ossements, des armes, des outils inconnus aussi.
Lancelot comprend bien que Brian s’intéresse à l’archéologie et aussi, peut être, à l’ethnologie.
Des monceaux de parchemin recouvrent les quelques tables et on devine des plans, dessinés à la hâte sur le terrain des fouilles.
Brian est jeune, comme ses amis, et comme lui; Lancelot pense la trentaine. Il a les cheveux hirsutes et les yeux illuminés comme tous ces érudits perdus dans leur recherche.
- Brian, je te présente Lancelot annonce Ymar.
Brian nettoie ses mains sur sa blouse, s’il est possible d’appeler blouse l’espèce de guenille qu’il a revêtu sur ses habits.
- Lancelot, montre ta dague à Brian!
Brian examine cette arme, il la trouve magnifique, de bonne facture et bien conservée.
- Je suis surpris pat l’état de conservation de cette dague car, j’en suis persuadé, elle date du Ve peut être Vie siècle. Comment est-elle parvenue entre tes mains.
- C’est une longue , très longue histoire Brian.
- Je détiens une dague qui me semble être de la même époque, disons l‘époque Arthurienne. Moins ouvragée et dégradée par le temps. Faut que je la retrouve.
Brian s’éloigne et commence à farfouiller dans tous les coins et recoins, sous les tables et sur les quelques étagères. Puis il revient triomphant avec son trophée.
- Qu’en penses-tu Lancelot?
- Lancelot n’en crois pas ses yeux. Impossible, dit-il!
- Pourquoi? Demande Ymar.
- Je connais cette dague, où l’as-tu trouvée?
- Il y a bien un an. Nous étions partis avec deux collègues, pour rechercher, en Bretagne, des vestiges du passé. Nous sommes parvenus, à l’orée de la foret nommée Brocéliande, où il nous a semblé trouver les traces d’un village.
- Nous avons trouvé des ossements d’animaux mais aucun reste humain. Peut être ce village était-il abandonné depuis très longtemps.
- C’est un collègue en déplaçant des branchages et autres déchets végétaux qui a mis à jour un entassement de pierre qui faisait penser à l’existence, dans le passé d’un puits.
- Et fichée entre deux grosses pierres trônait cette dague, comme si elle avait été plantée là pour l’éternité.
- On voit que ce n’était pas l’arme d’un guerrier, peut être d’un voyageur, juste pour se défendre.
- Pourquoi as-tu dit que tu la connaissais?
- Oui, je la connais et figure toi que je pensai que je pourrai la retrouver, moi-même.
- Écoutez tous deux, ce que j’ai à raconté risque de paraitre impossible ou juste affabulation. Mais il faut que tous mes amis soient présents: Vivien et Serlon.
- Oui Lancelot, tu nous racontera ce soir, après le repas.
Brian fait visiter son antre, dévoilant à Lancelot ses diverses trouvailles et Lancelot est obligé de reconnaitre qu’il ne se trompe pas beaucoup dans les datations des objets trouvés.
Mais cette histoire de dague intrigue Brian.
- Comment est-elle arrivée entre tes mains?
- Ce soir Brian, je peut juste te dire qu’un jour, j’ai eu ces deux dagues entre les mains.
La stupéfaction se lit sur les visages.
- Tiens allons nous changer les idées et respirer l’air du jardin dit Ymar.
- Ton capharnaüm pue le moisi ajoute-t-il en riant.
Après un longue promenade, passée à deviser sur les évènements actuels, tous trois se dirigent vers le réfectoire où ils retrouvent Vivien et Serlon.
Le repas se déroule dans une ambiance joyeuse. Nos trois amis sont heureux d’avoir retrouvé Brian mais aussi d’être chez eux, dans l’université.
La soirée est douce, pas une brise pour agiter les feuillages, si bien que nos compères décident de se diriger vers la cour pour profiter de cette belle soirée.
Et Ymar lance le débat.
- Alors Lancelot, il faut que tu nous racontes.
Lancelot a confiance en ses nouveaux amis, mais à l’inverse des habitants de Gwenroc’h, ces hommes ont fait des études, alors il prend une décision.
- Je vais vous dévoiler mes secrets, mais ils devront rester profondément enfouis en vous. Et ne me posez jamais de question sur l’avenir car je ne répondrai pas; si vous insistiez, je devrais disparaitre, pour votre bien à tous.
Tous ont été surpris quand il a dit: avenir. Ils donnent leur assentiment.
- Si l’un de vous devait dévoiler ce que je vais vous dire, je pense que l’inquisition ne le lâcherait plus.
- Je suis de Paris, mais pas du Paris que vous connaissez peut être. Paris une grande ville de cent mille habitants je pense, actuellement.
- Un peu plus, cent cinquante mille dit Serlon.
- Je veut bien te croire, mais moi, le Paris que je connais, toi professeur de Mathématiques, multiplie la population par cinquante.
- Impossible, où mettre tant de personnes? interroge Vivien.
- Cela est la réalité, car je ne suis pas de votre époque, je ne suis pas de votre temps.
Cela semble tant inimaginable que sourient.
- Tu es un beau parleur Lancelot, mais arrête de nous raconter une histoire à dormir debout.
Tous éclatent de rire.
- Alors ce poignard que je détiens?
- Tu as du faire des recherches, tout comme nous répond Briand.
- J’avais trouvé l’arme que détiens Brian sur un misérable, perdu dans une grotte, à mon époque. Et cette arme je l’ai confié à Kristen après que celui-ci m’ait offert la dague que je détiens.
- En souvenir de moi, lors de mon départ définitif, il a baptisé le seul puits du village de mon nom, et à planté, pour l’éternité, entre deux rocs de ce puits la dague que tu as découverte.
- Cela se passait dans un petit village de Bretagne, nommé Gwenroc’h . Tudal était si on peut dire le chef de la tribu, et avec Vivien, tous deux étaient des amis fidèles.
Tous sont abasourdis, mais commencent à croire à ce récit. Le mathématicien fait de rapides calculs.
- Mais alors, tu viens de sept siècles dans le passé?
- Oui et non. A cet instant, oui j’arrive de sept siècles dans le passé, mais en fait je vis dans huit siècles de votre futur.
- Mais alors tu es qui, ou mieux, tu es quoi? murmure Vivien.
- Je suis un homme, tout comme vous. Un homme balloté dans le temps pour une obscure mission, une quête si vous préférez, quête que je ne connais pas.
Ils sont toujours balancés entre stupéfaction et scepticisme.
- Brian, as-tu fait des recherches sur Merlin?
- Bien entendu mais j’ai du mal à démêler le vrai de la légende.
- Alors je peut te dire que j’ai rencontré Merlin, ainsi que Viviane. En fait Merlin semble tenir les fils de ma destinée, et c’est lui qui m’a extrait de mon époque, pour rechercher mon Graal.
- Ah, le Graal, source de polémiques pour les philosophes. A mon avis, tous les vivants sur cette terre sont à la recherche de leur Graal, répond Vivien.
- Mais personne n’a jamais pu affirmer en quoi consiste le Graal. Déjà Arthur l’a cherché et l’a fait chercher par tous ses chevaliers, dont un Lancelot me semble.
- Oui je connais bien cette page d’histoire répond Lancelot.
- Que fais-tu dans la vie? Demande Ymar
- J’utilise des techniques différentes mais je suis comme Brian, un archéologue.
- Alors tu doit savoir beaucoup de choses sur nous commente Vivien.
- Oui car je me suis spécialisé pour l’époque allant du Ve au XIIIe siècle.
- Que va-t-il nous arriver? Demande Serlon.
- Je vous ai dit que je ne répondrai pas à ce genre de question, n’insistez pas.
- Comment es-tu parvenu parmi nous? Demande Vivien.
- Par deux portes. La première m’a transporté, grâce à Sauveur envoyé par Merlin, de mon temps vers Gwenroc’h.
La seconde m’a expédié à votre époque. Ces portes, volatiles je pense, sont mise en place par Merlin pour me faire progresser dans ma quête.
- J’ai entendu des ragots, décrivant des gens qui auraient voyagé dans le temps. Cela n’a pas porté chance à ces personnes, pareillement pour ceux qui colportaient cette rumeur dit Serlon.
- Pourquoi? demande Lancelot.
- Après une condamnation pour sorcellerie, ils ont tous fini sur le bucher.
- Vous voyez que je ne peut rien vous dire, et lorsque je serai parti, je vous conseille de m’oublier.
- Par contre, moi je ne pourrai vous oublier, et vous remercie pour votre accueil.
- Oh non Lancelot, c’est nous qui te remercions pour nous avoir sorti de cette prison où nous risquions de perdre la vie.
- Je comprend, mais n’oubliez pas que je sauvais la mienne aussi. Et à plusieurs, nous étions plus forts.
Lancelot fini de leur faire voir ses richesses.
Tous sont stupéfaits par cette clé en or.
- A quoi sert-elle? demande Vivien.
- Je ne sais pas et Merlin m’a dit que je le saurai au moment propice.
- Et tout ce fatras en montrant patte de lapin et sauge, bougie et pierre bizarre. Il me semble que ceux-ci sont utilisés en sorcellerie.
- Je ne connais rien à la sorcellerie mais mon cerveau me dit que je dois les conserver.
- Et ce plan, pour quelle destination?
- A vrai dire je n’y comprend rien et peut être pourrez vous m’aider?
Au cours de la discussion, Brian examine la dague sous toutes les coutures. Tous lisent dans ses yeux la convoitise pour cette arme, magnifiquement conservée, et il vient une idée à Lancelot qu’il repousse à plus tard.
- Je m’intéresse un peu à la géographie, surtout en ce qui concerne notre pays. Si tu le désires, demain nous pourrons faire des recherches car l’université détient quantité de documents, explique Ymar.
- Et si nécessaire, nous demanderons conseil à un spécialiste.
- Mais comment penses-tu repartir? Comment pense-tu trouver la prochaine porte.
- Je n’en sais rien Serlon, peut être ce plan est-il la clé pour trouver le lieu?
Vivien taquin demande:
- Comment était-elle Viviane?
- Ravissante, une créature de rêve.
Le lendemain, nos quatre compères se retrouvent dans le département de géographie, dirigé par Guilhem.
Celui ci est heureux de revoir ses amis et demande à ce qu’on lui présente ce nouveau venu.
- Cet ami s’appelle Lancelot, annonce Ymar.
- Lancelot, mais alors il devrait plutôt se trouver en Bretagne, répond Guilhem, en souriant.
- Crois moi, il la connait très bien, répond Vivien.
Ymar explique à Guilhem , sans trop entrer dans les détails, les recherches de Lancelot.
- Vois-tu, il détient un plan qui lui semble important, mais il n’arrive pas à le déchiffrer et à situer l’endroit. Tes grandes connaissances nous sont indispensables.
- Merci Ymar, je sens mes chevilles en train d’enfler, ajoute-t-il en riant.
- Voyons voir ce plan.
Lancelot, sort de sa poche ce parchemin et le déplie précautionneusement sur une table. Il est vrai qu’il est très flou et beaucoup de noms sont estompés.
- ‘’Mouai, mouai’’, murmure le géographe.
- Bizarre ces lettres dispersées: R d e?
Guilhem se dirige vers un meuble où sont entassés une foultitude de papiers et de cartes.
Il revient avec un grand plan, l’étale sur la table, et compare avec celui de Lancelot.
- J’en étais certain, cette région me semblait familière.
Il explique à tous les similitudes de certains détails caractéristiques.
- Il suffisait de reconstituer ce mot, à partir de ces trois lettres: R d e.
- Ce ne peut être que le site de Rhédae.
- En es-tu sur et certain? demande Ymar.
- Oui, pas de doute, voit le peu de rivières qu’on distingue, identiques à mon plan.
- Ton but, Lancelot, se trouve dans le comté de Razès, et la croix indique la cité Rhédae.
- J’ai entendu parler de Rhédae, mais je le situe mal à partir de Toulouse, dit Lancelot.
- Mon pauvre, tu vas devoir repartir vers la région d’où nous venons, plus au nord, avec tous les dangers que tu connais., répond Ymar.
- Vois sur le plan, je place une croix sur Carcaso; tu devras te diriger vers cette ville. L’idéal serait que tu fasses le détour plus au nord en suivant le tracé que je fais, pour éviter de traverser cette région avec tous ces soldats qui traquent hérétiques et voyageurs. Quand tu verras Carcaso, il te suffira de descendre plein sud pour entrer dans le comté de Razès et trouver Rhédae.
- Demain je te donnerai des vêtements plus appropriés, car avec cet accoutrement, tu vas te faire repérer rapidement.
Carcaso, Carcassonne bien sur, que Lancelot connait très bien, mais aussi Rhédae, qui sauf erreur de sa part, s’appelle maintenant Rennes Le Château.
- J’ai un ami qui habite Carcaso, je te donnerai une lettre pour lui et il sera heureux de t’accueillir. Il s’appelle Tristan. Il est spécialisé dans les traductions du latin ancien, bien qu’il n’adhère pas à certains dogmes.
- Mais pour l’instant je te conseille de rester quelques jours parmi nous et profites en pour visiter notre belle ville. Ici tu es en sécurité.
Lancelot profite de ces quelques jours de répit pour découvrir, avec Sauveur, un Toulouse qu’il ne connaissait que par les manuels d’histoire.
IL est surpris par l’étendue de la ville à cette époque. Peu de constructions élevées, plutôt des rez-de-chaussée. Toutes construits avec de la brique crue, rose, et du bois. Il comprend pourquoi Toulouse est appelée ’’la ville rose’’ de nos jours. En parcourant il est étonné de la prolifération de fours à pain, ce qui explique les nombreux incendies ayant affecté Toulouse, et ce sur de grandes surfaces construites. De nombreuses tours, propriétés de riches seigneurs urbains sont construites à l’aide de cette pierre rose et parsèment la ville.
Malgré la pauvreté ambiante, il à l’impression qu’il fait bon vivre à Toulouse.
Après avoir visité Saint Sernin, il se dirige vers la Garonne pour prendre quelques instants de repos. Sauveur en profites pour se décrotter les pattes, bientôt suivi par Lancelot et tous deux s’amusent quelques instant, Sauveur ramenant inlassablement le bout de bois que lui lance son maitre.
Le soir venu il regagne l’université et retrouve ses amis qui tentent toujours de vouloir connaitre leur avenir. Mais Lancelot ne lâche rien, il ne peut risquer de perturber le futur avec toutes les conséquences, bonnes ou mauvaises, que cela pourrait engendrer.
- Arrêtez mes amis, soyez sur, pour votre tranquillité, que vous ne saurez rien.
- Je vais devoir continuer ma route, trouver le but de cette quête, et aussi retrouver ma fiancée, qui doit être éperdue.
- Tu ne nous avait pas dit que tu était fiancé plaisante Vivien. Comment es-t-elle? Jolie je pense.
- Tiens, dans vos livres, vous devez avoir une gravure de Viviane, quand vous verrez Viviane, vous verrez ma Vivie répond Lancelot.
- Ymar, demain on fait des recherches s’exclame Vivien.
- Je partirai demain matin. Je vous remercie de m’avoir hébergé dans votre université. J’ai passé de bons moments parmi vous, et Guilhem je te remercie d’avoir éclairé la voie que je dois suivre.
- Brian, un moment j’avais pensé te laisser ma dague, mais j’ai fait une promesse à Kristen, et je dois la tenir, pardonne moi.
- Il ne faut pas que tu sois gêné, tu vois, je préfère conserver celle que j’ai trouvé, et que tu as eu dans les mains. Comment dire, elle semble plus vrai, la tienne étant en trop bon état répond Brian.
- Mais je pense que je vais la baptiser ,’’dague Lancelot ‘’.
- Merci Brian.
- Vous tous, vous êtes l’avenir de cette ville, continuez à faire rayonner votre savoir. Merci à vous tous.
A son lever, Lancelot trouve des vêtements, en excellent état, ainsi que de belles galoches, bien utiles pour le périple qu’il va entreprendre.
- Bonjour Lancelot dit Ymar en entrant dans sa chambre.
- As-tu bien dormi?
- Comme un bébé répond en souriant Lancelot;
- Viens, allons manger quelque chose au réfectoire.
Réfectoire où ils retrouvent tous les amis.
- Alors, toujours décidé à partir, demande Vivien.
- Oui, il le faut mes amis.
- Je partirai en fin d’après midi, pour traverser Toulouse avec le jour, ensuite je ne progresserai que la nuit, de la même façon que pendant notre évasion.
- Tiens voila la lettre pour Tristan, tu le trouvera facilement, il loge à proximité de la cathédrale Saint Nazaire et Saint Celse.
Tu lui diras que nous aimerions le voir, un jour, à Toulouse.
- Merci à vous tous d’avoir pris soin de moi pendant ces quelques jours. Et un conseil pour votre sécurité, oubliez moi, ne parlez jamais de moi à qui que ce soit, répond Lancelot.
- Nous ne te reverrons pas demande Serlon.
- Je ne pense pas mes amis, car il va falloir que je trouve cette porte pour m’évader, tout comme nous l’avons fait de ce camp infâme.
- Alors prend soin de toi, surtout sur les routes que tu vas emprunter. Les soldats, les brigands parcourent cette contrée.
Toute la journée, Lancelot se promène dans le parc de l’université avec son ami Sauveur qui ne quitte plus ses jambes. Sent-il le départ proche?
En milieu d’après midi, ses amis le rejoignent pour profiter d’un instant de détente. Ymar arrive, les bras chargés de provisions qu’il offre à Lancelot.
- Avec cela, tu pourras tenir quelques jours. Ensuite je suis persuadé que tu trouvera quelque paysan pour te ravitailler.
Après moult remerciements et accolades, Lancelot se saisit de son bâton, qu’il à décidé de conserver.
- Mon bâton de pèlerin dit-il en riant.
- Wouaf-Waf , confirme Sauveur.
Et après de grands signe d’adieu à ses amis, Lancelot disparait par une porte donnant sur une minuscule venelle.
La traversée de la ville se fait sans ennui, si ce ne sont les encombrements de charrettes et autres animaux en divagation, mais le tout empreint d'une atmosphère bon enfant. Et Lancelot se retrouve rapidement en campagne. Mais, avec la proximité de cette grande ville, beaucoup d’animation règne sur les chemins.
Paysans amenant leurs récoltes et marchands chargés de produits finis partant vers d’autres villes pour apporter la dernière nouveauté.
Lancelot préfère s’éloigner de ces grandes artères et remonte vers le nord pour suivre une ligne de crête qu’il a repérée.
La nuit est complètement installée, et avant de poursuivre, il préfère prendre un repas léger avec son ami Sauveur.
Deux nuits complètes, faites de quelques poses rapides, lui permettent de toucher au but. Et pourtant il a souvent porté Sauveur qui, le pauvre avec ses petites pattes, avait du mal à suivre la cadence imposée par son maitre.
Et c’est en arrivant en haut d’une colline qu’il découvre les remparts de Carcaso. Il décide de prendre un peu repos avant d’entrer en ville et préfère attendre que l’animation, dans les rues, soit à son comble.
C’est en fin d’après midi qu’il s’avance dans cette ville, qu’il connait bien, mais qu’il ne reconnait pas. Il doit se frayer un chemin au milieu d'enfants jouant dans le caniveau, chiens errants, et chars à bras qui sillonnent les rues principales pour amener le fruit du labeur des paysans vers le marché tout proche.
Arrivé près de la cathédrale, il avise un estaminet relativement propre et s’installe pour commander une boisson.
- Je suis à la recherche d’un dénommé Tristan, le connaissez-vous? demande-t-il à l’aubergiste.
- Chut, évitez de prononcer ce nom. S’agit-il de ce traducteur de vieux latin?
- Je crois, oui répond Lancelot.
- Alors oubliez le, et ne questionnez pas de trop. Cela fait quelques jours qu’il a été arrêté, un soir en pleine rue, par des soldats. Depuis on ne sait vers où il a été conduit.
Lancelot remercie, consomme sa bière et préfère s’éloigner rapidement. Subitement, ayant perdu ce contact, la ville lui semble hostile et il préfère la quitter pour poursuivre sa progression.
Par contre, les provisions fournies par Ymar s’amenuisent.
- Sauveur, demain nous serons au régime.
Cet animal n’a pas l’air trop inquiet et le regarde avec ses grands yeux, plein d’amour pour son maitre.
- Tu as raison Sauveur, demain est un autre jour.
Après une bonne heure de marche, la nuit étant bien noire, Lancelot n’est pas d’humeur pour poursuivre. Il avise une belle meule de foin, dans un champ et décide de la squatter pour passer la nuit. Après un repas léger, partagé avec Sauveur, il creuse un tunnel dans cette meule et s’installe pour un repos bien mérité.
Alors que le jour commence à poindre, il est réveillé par des aboiements violents, très proches, alors que Sauveur dors dans ses bras.
Une voix:
- Qu’a tu senti là dedans, un lapin?
Un paysan, avec son chien, peut être en route pour chasser?
- Allez Tudor, fouille, fouille!
Sauveur doit défendre son ami et soudainement il donne de la voix. Le chien, Tudor, hésite et recule.
- Au pied Tudor! Si quelqu’un se terre la dedans, sors immédiatement!
Lancelot prend Sauveur dans ses bras et se décide à se montrer.
- Excuse moi, si j’ai abusé de ta propriété, mais je n’avais pas d’autre endroit pour passer la nuit.
- Ce n’est pas ma propriété, je suis juste le métayer de ces terres qui appartiennent à un seigneur de Carcaso.
- Que fais-tu par ici?
- Je me déplace beaucoup, avec mon ami Sauveur. Je suis courageux et ne dédaigne pas d’effectuer tous les travaux de la ferme. Du moment que j’ai le gite et le couvert je suis heureux.
- N’est-ce pas Sauveur?
- Wouaf Waf acquiesce Sauveur.
- Il à l’ait intelligent ton chien sourit le paysan.
- C’est un jeu entre nous.
Lancelot pose Sauveur à terre et en fin de compte, après s’être observé en « « chien de faïence’’ avec Tudor, ils font ami-ami.
- Tu as l’air vigoureux et plein de fougue. De ce moment nous sommes en pleine période de vendange et il faut ramasser le raisin avant les grosses pluies du début de l’automne. Veux-tu faire partie de nos équipes?
- Je t’offrirai de bons repas ainsi qu’un abri au chaud pour passer la nuit. Et si tu es consciencieux, quelques pièces tomberont dans ton escarcelles.
- Qu’en penses-tu?
- J’accepte et s’il le faut, je suis prêt à commencer immédiatement.
- Pour l’instant, je vais te conduire dans un mazet où logent quelques ouvriers. Et demain, avec l’équipe, vous irez ramasser les raisins. Mais il faudra que tu laisses ton chien, Sauveur, dans ce lieu, car dans les vignes, il pourrait perturber le travail.
- J’expliquerai à mon compagnon, et ne vous inquiétez pas, il se fera tout petit en m’attendant.
- Affaire conclue: tope là dit-il en tendant sa main, paume ouverte.
Le contrat est signé.
LES VENDANGES
Lancelot pense avoir trouvé un havre de paix, pour quelques jours. Dans ce local il aperçoit quatre paillasses confectionnées avec le foin stocké dans la mezzanine. Il repère un endroit disponible, fait tomber un peu de foin, et se confectionne une couche relativement confortable.
Il passe la journée à se promener dans le secteur, et effectivement, il découvre de belles parcelles de vignes, exposées plein sud pour bénéficier du maximum d’ensoleillement.
Il a bien expliqué à Sauveur qu’il serait absent toute la journée. Il ne se sent pas la force de l’attacher car il pense que Sauveur sera tranquille et ne le suivra pas. Et il lui vient une idée:
- Sauveur, quand nous aurons fait la promenade matinale, je te déposerai dans la mezzanine où tu ne courra aucun danger.
Il joint le geste à la parole en le déposant à cet étage.
- Couché Sauveur, tranquille, je reviens.
Lancelot sort et s’éloigne de la bâtisse, patiente quelques instants et n’entend aucun aboiement; il se décide à s’éloigner.
C’est à ce moment là qu’il voit arriver quatre grands gaillards, jeunes, bien plus jeunes que lui et l’un d’eux l’apostrophe:
- C’est toi le nouveau?
- Oui, bonjour, répond Lancelot.
- Le chef nous a dit que tu travailleras demain avec nous.
- C’est vrai et je souhaite être à la hauteur.
- T’inquiète pas, ce n’est pas trop compliqué, répond un autre.
- Nous ramenons de la nourriture et le chef nous a donné une part supplémentaire pour toi.
- Tu as de la chance, tu commences à manger avant de travailler, plaisante un de ces jeunes hommes.
Tous se dirigent vers le mazet pour déposer leurs affaires et ironisent sur le fait que Lancelot a préparé sa couche.
- Dit donc tu es gâté, de quoi manger, de quoi dormir, on te soigne, commentent ces jeunes en riant.
Aucun deux n’a vu Sauveur; Lancelot distingue sa truffe mais celui-ci ne bouge pas. Ce n’est pas un chien pense-t-il, il comprend tout.
- Je m’appelle Lancelot mais je ne suis pas seul.
- Tu as caché une fille quelque part, ou? où?
- Non pas de fille les amis, juste mon ami, Sauveur, un chien affectueux.
- Sauveur!
Une boule de poil tombe sur les épaules de Lancelot et s’ensuit les effusions habituelles.
Tous sont ébahis devant cet animal empreint d’une certaine noblesse. Ils sont jeunes, tous les quatre, juste sortis de l’adolescence et joueurs bien sur; il s’ensuit un combat pour savoir lequel captera le premier l’attention de cet animal.
- Qu’en feras-tu demain de cet animal? demande l’un d’eux.
- Il restera ici, tranquille, attendant mon retour.
La soirée est douce et lumineuse. Ils ont vu le soleil, flamboyant mais légèrement jaunâtre, plonger dans l’océan pour calmer ses ardeurs.
- Tu viens d’où? demande un des jeunes.
- Tu viens de voir le soleil disparaître, et il a plongé derrière un océan: une très grande mer. Je viens de cette région et je pense passer de l’autre coté des Pyrénées pour trouver plus de chaleur, faisant confiance aux récits que m’ont fait des voyageurs qui connaissent cette région.
- Comme j’aimerai partir, moi aussi, pour connaître d’autres lieux et d’autres personnes! s’exclame l’un.
- Tous, nous tous nous aimerions voyager. Partir de cette région en proie à cette guerre insensée.
- Vous êtes jeunes encore. Vous devez vous endurcir pour entreprendre de telles aventures répond Lancelot.
- As-tu beaucoup voyagé?
- Oui, beaucoup, de trop peut être!
- Trêve de balivernes, mon estomac réclame son dû dit un des jeunes.
Lancelot est surpris par la qualité de la nourriture. De la bonne charcuterie accompagnée de quelques légumes de saison, avec comme breuvage, du bon jus de raisin frais agréable au palais.
Mais la soirée est bien avancée et Lancelot lance à la cantonade:
- Les enfants, je vais me coucher.
- Oui papa, répondent-ils en cœur, en riant comme des fous.
- T’inquiète pas, nous te réveillerons demain matin.
- Merci à vous, bon repos répond Lancelot.
Lancelot fait une petite ballade avec Sauveur puis tous deux regagnent la couche pour un repos bien mérité. Il pense qu’il ne risque pas de mauvaise surprise en compagnie de ces jeunes.
Levé bon premier, il court avec Sauveur dans les champs environnants. Sauveur est heureux de pouvoir gambader, en liberté, sans crainte.
Il revient vers leur demeure, portant son ami dans ses bras, qui apprécie d’être tout proche de son maître.
Dans le mazet, tout le monde dort à poings fermés.
- Alors les amis, le soleil a commencé sa course crie-il.
Ils sont si jeunes, plein de vigueur si bien que tel des ressorts, tous jaillissent de leur couche.
- Tu es matinal papa plaisante l’un d’eux.
Quelques bourrades de la part de Lancelot finit de les sortir des bras de Morphée.
- Allez, au travail, guidez moi vous qui connaissez le chemin.
Lancelot se saisit de Sauveur, le cajole un moment pendant lequel l’animal lui fait la toilette, puis le dépose sur la mezzanine.
- Sage sauveur, tu ne bouges pas de là, à ce soir.
Les yeux de celui-ci semblent larmoyants et un des jeunes le lui fait remarquer.
- Tu vas lui manquer, es-tu certain qu’il t’a compris.
- Oh que oui qu’il a compris, même sans parler il aurait compris.
- C’est vraiment un brave chien ton Sauveur.
- Allez en route poursuit Lancelot.
- Oui papa répondent-ils en cœur.
Et cela fait sourire Lancelot.
Cette troupe se met en route, avec des chants pour certains quand d’autres racontent quelques sornettes, et ils retrouvent sur une parcelle de vigne, le reste du personnel. Le métayer est là lui aussi et s’approche pour saluer Lancelot.
- Alors l’ami, as-tu passé une bonne nuit et es-tu en forme pour le travail? Et ton chien?
- Très bonne merci à vous, et pour ramasser les raisins, cela ne me pose aucune difficulté, l’ayant déjà fait dans ma jeunesse. Quant à Sauveur, il doit m’attendre impatiemment mais sans angoisse.
- Ah, tu as été jeune un jour, papa, plaisante un des gamins.
Papa, comme j’aimerai être papa un jour, pense Lancelot. Retrouver ma Vivie et fonder une famille.
Le jeune s’approche, ayant repéré un voile de tristesse dans les yeux de "papa".
- Je ne voulais pas t’attrister, pardonne moi.
- Ne t’inquiètes pas, ce n’est pas de ton fait.
- C’est ma vie d’errance qui me rend triste, quelquefois.
- On n’est pas là pour s’amuser lance le métayer.
Tous sont équipés d’un couteau pour couper les grappes et Lancelot sort sa dague.
- Joli canif dit un des jeunes.
- Oui j’y tiens beaucoup car c’est le cadeau d’un paysan chez qui j’ai passé pas mal de temps. Je l’ai aidé à refaire sa toiture, mais peu fortuné il n’a pu me remercier qu’avec ce présent.
- Pourtant il semble bien vieux.
- C’est possible car lui-même ne savait plus comment il était arrivé chez lui. Il l’avait déjà vu du temps de son grand père.
- Effectivement cela remonte loin.
Et toute la journée, l’équipe, composée de huit hommes et quatre femmes coupe du raisin et emplit deux grands tombereaux où sont attelés deux magnifiques chevaux brun roux.
Le soir venu, le métayer arrive suivi d’un charrette à bras tirée par un employé et chargée de ravitaillement.
Tous ont droit à une belle ration de nourriture et de boisson, du jus de raisin de la pressée de la veille.
- Allez papa, on rentre à la maison dit un des jeunes
En fin de compte, Lancelot commence à apprécier ce surnom.
Tous les cinq se mettent en route pour regagner leur logis, pendant que le reste de la colle(1) suit les tombereaux. Certains sont sans doute prévus pour aider à fouler le raisin.
En vue du mazet (2), deux jeunes se lancent dans une course éperdue, pensant surprendre Sauveur.
On aperçoit juste le bout de sa truffe mais ce brave animal ne bougera pas d’un poil: ce n’est pas son Lancelot.
Mais quand Lancelot paraît dans l’embrasure de la porte, un Wouaf Waf de bienvenu résonne dans la pièce et Sauveur, d’un bond, se jette sur son maître.
- Alors mon beau Sauveur, tu ne t’es pas trop ennuyé?
- Wouf Waf comme réponse.
- Est-ce oui ou est-ce non?
Lancelot perçoit un voile de tristesse dans les yeux de son ami.
- Je comprend mon Sauveur, mais nous ne pouvons faire autrement, ce n’est que du provisoire.
S’ensuit moult caresses et effusions de tous deux.
Les jeunes sourient et sont ébahis par leur complicité.
- J’aimerai avoir un chien comme le tien dit un des jeunes.
- Allez, allons prendre l’air et nous décrotter une peu. J’ai les mains toutes ’’pégouses‘’(3).
A l’extérieur, accolé à l’un des murs du mazet, se trouve un petit puits dont l’eau est très lipide et fraîche.
Lancelot s’empresse de remplir une calebasse pour Sauveur qui doit avoir bien soif.
Et le décrottage devient un jeu d’eau auquel se joint Lancelot.
- C’est un régal après une rude journée à transpirer au soleil confirme Lancelot.
Ensuite tous s’installent, au soleil, pour suivre, tout en prenant leur repas, la descente de celui-ci dans la brume légère lointaine.
Pendant deux semaines, les journées sont ponctuées par le même emploi du temps. Le travail a été dur, mais les journées étaient égaillées de rire quand un homme racontait une histoire légèrement grivoise, mais aussi de douceur quand une des femmes entonnait, de sa belle voix, une chanson d’amour.
Avec les quatre jeunes, ils sont devenus, légèrement, une famille. Et quand l’un d’eux l’appelle ‘’papa’’, c’est plutôt sur le ton affectueux.
Sauveur s’est bien habitué aux nouveaux amis de son maître et, souvent, c’est un de ces jeunes qui lui fait faire sa promenade après le repas. Mais celle du matin, par contre, est réservée à Lancelot, car tous deux puisent des forces mutuelles pour affronter la journée.
Et cette belle période, toute en quiétude, touche à sa fin quand la dernière vigne est dénudée, car vierge de ses fruits.
Le métayer est heureux du travail fourni par ses troupes et il le fait savoir.
- Vous avez accompli, sans rechigner, un travail d’une qualité irréprochable et je vous félicite, car je sais que mon Seigneur sera satisfait de cette récolte.
- Les jeunes vous aller rejoindre, avec ’’papa’’, le mazet ou je viendrai vous voir ce soir.
- Quant aux autres, nous allons revenir ensemble au domaine où vous serez récompensés de votre travail.
Et après embrassades et accolades, car tous sont devenus des amis, femmes et hommes reprennent la route.
(1) colle: terme du midi de la France: équipe de vendangeurs d'une dizaine de personnes.
(2) mazet: terme du midi de la France: petit mas.
(3) pégouses: terme du midi de la France: gluantes, collantes.
"Papa" et les enfants regagnent leur logis et retrouvent Sauveur qui, maintenant, fait la fête au premier jeune qu’il voit entrer. Mais rapidement, il saute sur Lancelot.
- C’est fini Sauveur, demain nous reprenons la route.
Alors dans les yeux de cet animal brille une flamme de joie; fini l’attente, le désœuvrement et l’ennui; il sera avec Lancelot toute la journée.
Tous les jeunes ont vu cette flamme dans les yeux de Sauveur mais ne se posent plus de questions. Un seul ose dire:
- "Papa", ce chien est hors normes.
Lancelot ne répond rien, ne fait que hocher la tête en guise d’assentiment et leur sourit.
- Je suis heureux d’avoir passé ces quelques jours avec vous. Vous avez réveillé en moi la fougue de la jeunesse, fougue que par moment je perd.
- Vous m’avez baptisé "papa", alors sachez que j’aimerai avoir, un jour, des fils comme vous. Vous êtes l’avenir de cette région. Votre courage, votre camaraderie mutuelle, conservez ces préceptes car c’est une force pour ce pays.
- Qu’allez vous faire maintenant.
- T’inquiète pas "papa", tout ce vin faudra le transporter vers les villes, nous trouverons du travail, répondent-ils en cœur.
- Je vous fait confiance répond Lancelot.
Au cours de cette discussion, ils ont aperçu le métayer approcher accompagné d’un serviteur, chargé comme un baudet.
- Bonsoir les amis, crie-t-il à la cantonade.
- Bonsoir Monsieur répondent-ils.
- Ce soir, le dernier repas, je vous ai apporté un repas de fête.
Le serviteur pose les deux grosses sacoches sur le sol.
- Voyez en entrée de belles salades bien fraiches du jardin de mon épouse, une belle tranche de jambon de montagne pour chacun et un beau rôti de cochon que vous dégusterez accompagné d'haricots blancs de chez nous, le tout préparé par ma femme.
- Alors?
- Tous sont ébahis devant ce repas de roi et ne néglige pas leurs remerciements.
- Avez-vous soif?
- Nous avons l’eau du puits, et elle est bonne répond un jeune.
- Je sais, mais alors vous me direz des nouvelles de ce vin nouveau, il provient de la première journée de vendange.
Et le serviteur sort de la deuxième sacoche, une belle outre qui doit contenir une dizaine de litres.
- C’est vraiment la fête ce soir hurlent-ils.
- Oui c’est la fête, profitez de ce bon repas et amusez vous bien répond le métayer.
- Et sachez que l’an prochain, je vous réserve à tous une place, prioritairement.
L’un après l’autre, ils les appellent pour leur remettre quelques pièces et à la vue de la mine réjouie de tous, Lancelot se doute que les émoluments sont corrects.
- "Papa"’, comme disent ces jeunes, je ne pense pas te revoir l’an prochain.
- Non je serai loin, je dois suivre mon destin. Mais je tiens à te remercier de ne pas m’avoir chassé comme un bohémien. En plus tu es un bon métayer, responsable du travail des hommes, mais profondément humain.
- Arrête tu vas me faire rougir. Tu pars toujours vers les Pyrénées?
- Oui je partirai demain matin. Tous nous devons reprendre notre route, comme les jeunes.
- Alors "Papa’’, je ne sais où tu vas ni ce que tu cherches, mais je te souhaite bonne chance et réussite.
Il s’ensuit une grande de accolade de Lancelot avec ce patron, qui n’en a que le nom, car très proche de son personnel.
Le métayer fait le tour pour dire au revoir à tous.
- Bonne soirée à vous tous, et ne buvez pas de trop ajoute-t-il en riant.
- Ces paroles m’ont donné soif dit Lancelot.
- Mais ou est donc passé cette outre?
- Ce n’est pas pour les vieux, "Papa", tu risques d’être malade plaisante un jeune.
- Mais non, pendant que vous palabriez, je l’ai mise à fraîchir dans le puits.
- Alors pour une bonne idée, c’en est une excellente répond Lancelot.
Et tous se servent, en guise d’apéritif de ce vin, sucré, mais aigrelet et légèrement pétillant comme tout vin nouveau, et rafraichissant.
Et le repas peut commencer, presque pantagruélique.
Sauveur fait le tour de tous, quémandant un peu de ces bonnes chose, sauf quand un jeune lui propose de la salade; il en éternue le pauvre.
Et la soirée, qui s’était déroulé dans la bonne humeur et la joie, soudainement , sur la fin, les quelques verres de vin ingurgités, s’assombrit.
La nuit, en jetant son voile d’obscurité, à aussi étendue un voile de morosité. Tous semblent triste de devoir se quitter demain.
- ‘"Papa", tu ne veut pas rester avec nous? Nous faisons une bonne équipe et avec ton expérience, nous serions plus forts, demande un des jeunes.
- Non les enfants, c’est impossible, j’ai une mission à accomplir et je ne peut dévier de la voie tracée.
- Mais alors on peut partir avec toi, on t’aidera répond un autre.
- Pas où je vais les enfants, je sais que vous pourriez m’aider, mais ce chemin, je dois le suivre tout seul.
- Dommage répondent-ils en cœur.
- Les enfants, je crois que nous sommes tous bien fatigués, et le vin aidant nos idées se brouillent, alors tous à dodo.
- Oui "Papa’’ répondent-ils.
Si ce n’est le cas pour Lancelot, pour les jeunes la nuit est un peu agitée. Il est vrai qu’ils n’ont pas lésiné sur ce vin délicieux.
Et au réveil, Lancelot moqueur leur demande:
- Alors les enfants, mal aux cheveux?
- Oh que oui "Papa" répondent-ils.
- Tout le monde au puits, cela finira de chasser les brumes de l’alcool.
Et effectivement, la jeunesse récupère rapidement et tous sortent vite de cette apathie.
Ils n’ont pas tout consommé hier soir, et un bon petit déjeuner avec les restes revigore tout ce beau monde. Et tant ragaillardi que tous s’octroient une bonne rasade de vin, pour la route disent-ils.
- "Papa", on ne connait pas ton vrai nom tellement on s’est habitué à ce sobriquet?
- Lancelot, je me nomme Lancelot, mais j’aime autant que vous vous souveniez de moi comme "Papa".
- Je me souviens plus, mais j’ai déjà entendu ce nom, à l’école sans doute dit l’un d’eux.
- Fort possible oui.
Soudainement ils se réunissent pour palabrer puis envoie le plus déluré parler à Lancelot.
- Il reste de la nourriture. Tu as beaucoup de route à faire alors prend le maximum pour toi. Nous, nous sommes de la région et crois moi, ce soir nous aurons trouvé un autre travail.
Lancelot est ému par ce désintéressement, et quelques larmes perlent à ses yeux.
- Hé "Papa", faut pas pleurer.
- Vous êtes tous trop gentils, merci.
Lancelot empli sa besace et sa petite outre de ce vin délicieux. Sauveur est à son pied, prêt à bondir devant son maitre.
- Sauveur, faut dire au revoir à nos amis.
Et c’est fou comme cet animal comprend tout. Il se précipite vers eux, et chacun à son tour le saisit dans ses bras, et de vigoureux coups de langue ponctuent les rires de chacun.
- En route sauveur, et vous mes amis, portez vous bien et évitez tout danger. Adieu à tous.
- Bonne chance "Papa" Lancelot, répondent tous quatre.
Lancelot a estimé qu’il lui reste une bonne journée de marche. La région semble tranquille et il décide de progresser pour bivouaquer, pour la nuit, au plus proche de Rhédae.
Il longe de belles vignes où il aperçoit encore des cohortes de vendangeurs en pleine récolte.
En soirée, il aperçoit une belle forêt et décide de passer la nuit à l’intérieur. Elle est composée de chênes majestueux, centenaires sans doute, et producteurs de liège.
Il s’enfonce dans ce lieu calme à la recherche de l ‘endroit propice pour passer la nuit. Et il s’arrête net quand il découvre, au sein d’une minuscule clairière, une mare, toute petite mare qui lui remémore un tas de souvenirs.
- Sauveur, nous serons bien ici pour la nuit.
- Wouaf-Waf confirme-t-il.
- Quel baratin ce chien, à table ajoute Lancelot.
Tous deux partagent un peu de ce rôti de porc et, pendant que Lancelot savoure une bonne rasade de vin nouveau, Sauveur va s’abreuver à la mare.
La température est encore douce dans cette région, et la nuit sera agréable.
Après avoir joué un moment avec Sauveur, Lancelot amasse des feuilles de chêne pour réaliser un semblant de couche.
Et il repense aux paroles de Merlin:
« Une autre porte apparaitra près d’une mare identique à celle de Viviane. »
- Est-ce la bonne mare? dit-il tout haut.
- Sauveur, l’endroit est agréable, il fait encore doux, et nous avons de la nourriture. Nous passerons deux nuits ici, et si une porte se matérialise, tu me réveilleras.
- Wouaf-Waf acquiesce Sauveur.
L’attente ne sera pas longue, et Lancelot n’aura pas le temps de prolonger son séjour au sein de cette magnifique forêt.
Son sommeil est agité, peuplé de rêves sans queue ni tête. Mais soudain une voix douce tente de se superposer dans ses rêves et répète inlassablement:
- Demain, la porte, demain la porte……………..
Si bien que Lancelot se réveille en sursaut; il a reconnu la voix.
- Viviane?
Mais non, personne dans la clairière. Tout s’est donc passé dans sa tête. Alors rêve ou réalité cet avertissement?
- Demain est un autre jour, nous verrons.
Et sur cette affirmation, Lancelot se rendort ainsi que Sauveur, inquiet du réveil brutal de son maitre.
Le lendemain, il traverse la forêt jusqu’à sa lisière, pour tenter de situer sa position. Dans le lointain, il distingue une montagne caractéristique; il en est certain, c’est Le Pech de Bugarach et donc il est tout près de Rhédae, Rennes le Château de nos jours.
La journée est longue, sans occupation. Aussi il se repasse le film de ces derniers jours, peut être des derniers mois sinon plus. Il a un peu perdu la notion du temps écoulé et ce doit être logique quand on se déplace tout au long du fleuve du temps.
Et Vivie qu’es-t-elle devenue? Est-ce qu’un jour il sortira de cette nasse et comment?
Il attend avec impatience la venue de la nuit. Et quand celle-ci est bien noire, il s’installe confortablement au pied d’un chêne majestueux, le dos bien calé contre le tronc, et surveille la mare. Sauveur s’est endormi, à ses pieds, et ses pattes tressautent.
- Rêve-t-il lui aussi? murmure-t-il.
Mais l’attente est longue, et la nuit, bien sombre, favorise l’endormissement.
Et c’est à nouveau les aboiements de Sauveur qui le sortent de son sommeil.
Il est vite en pleine possession de ses moyens, et son odorat est chatouillé par une forte odeur d’ozone. La mare est zébrée d’éclairs, mais des éclairs spontanés qui ne tombent pas du ciel. Par instant se dessine des chambranles de porte, mais fugitifs, comme si le manipulateur n’arrivait pas à régler sa machine pour les figer.
Et soudainement, la clairière retrouve son calme. Plus d’odeur, que le noir de la nuit. Lancelot est déçu.
Subitement née une boule de feu suivi d’un vacarme assourdissant. Et instantanément se matérialise une porte, porte que connait bien Lancelot.
- Merci Viviane, merci Merlin hurle-t-il.
Et, ramassant ses quatre guenilles, il saisit Sauveur et se précipite sans réfléchir dans cette ouverture.
Il n’entend pas la deuxième explosion quand la porte est effacée.
Il est encore dans le noir, mais par contre n’aperçoit pas la voute céleste.
- Où, non plutôt quand , ce satané Merlin m’a envoyé?
- Il est assis et en se retournant, il aperçoit une petite lueur rouge qui brille au dessus de sa tête. L’obscurité est très profonde et en se relevant pour examiner cette lueur, il palpe ce qu’il pense être une table, bien haute tout de même et froide comme du marbre. Sauveur est collé à ses chevilles, apeuré par ce manque de vision.
Faisant demi tour, et se déplaçant à tâtons, il bute contre ce qui lui semble être un banc.
- Faut attendre Sauveur, il fait trop noir.
Il s’installe sur ce qu’il pense être un banc et prend Sauveur sur ses genoux.
La nuit aidant, tous deux ne tardent pas à tomber dans l’inconscience, bien reposante.
Et il rêve. Il rêve que quelqu’un qu’il ne distingue pas tente de l’attraper par le cou. Il se débat pour s’échapper et:
- Non hurle-t-il.
Et ce cri le ramène à la réalité.
On commence à voir plus clair dans ce local, et il aperçoit devant lui, un autel, avec cette petite lumière rouge qui scintille dans une cavité supérieure.
Quelqu’un lui tapote entre les deux épaules.
- Que fais-tu là mon ami? Et comment es-tu entré, l’église étant fermée le soir?
Lancelot se retourne et aperçoit un abbé qui parait bien sympathique.
- Pardonnez moi si j’ai abusé de votre bien sans votre autorisation répond Lancelot.
- Le problème n’est pas celui-ci, car cette maison est un havre de paix pour tous. Le problème est, comment es-tu entré?
- C’est une longue histoire, très longue.
- Mais cher ami, j’ai tout mon temps répond l’abbé.
- Enfin tout mon temps, non, car je dois dire la première messe. Aussi je vais t’accompagner au presbytère, où je te demande de m’attendre. Le peut tu?
- Oui répond Lancelot.
- Tu as un chien magnifique, on décèle comme une lueur d’intelligence dans ses yeux.
- Cela vient de notre complicité de tous les instants, Monsieur.
- Tu peut m’appeler père, mais ce n’est pas une obligation, ne connaissant pas ta religion.
- Et tu vois en fait je me pose des questions, car tes vêtement ne sont pas de notre époque.
- Euh, je suis un peu fatigué marmonne Lancelot.
- Dit moi au moins ton nom?
- Lancelot Monsieur.
- Joli nom, d'un preux chevalier.
- Moi je suis l’abbé de ce village et me nomme Bérenger Sel.
- Allez viens Lancelot, Marie, c’est ma gouvernante, te servira un bon petit déjeuner.
Lancelot se retrouve sur le parvis de cette petite église baigné de soleil. Faisant quelques pas il aperçoit la plaine en contre bas déduisant que le bourg est construit sur une colline bien élevée.
L’abbé tourne a droite, lui disant:
-Suis moi, le presbytère jouxte l’église.
Deux bâtiments encadrent un belle placette. A droite le presbytère et à gauche, une riche demeure.
- Marie, prépare à manger à ce Monsieur, il se nomme Lancelot.
- Je vais dire ma première messe.
La gouvernante demande à Lancelot de s’installer à une belle table de ferme, et rejoint l’office pour préparer le repas.
Lancelot est gâté car il à droit à un repas de roi. Du jambon de montagne, du saucisson délicieux, un pâté de campagne savoureux et pour terminer un beau fromage de la ferme.
- Merci Madame, mais vous voulez me rendre malade ajoute-t-il en souriant.
- Mangez jeune homme car vous me semblez bien malingre.
- Et je ne m’appelle pas Madame, mais Marie.
- Merci Marie.
Il termine juste quand l’abbé revient de l’église.
- Alors Lancelot, qui es-tu et comment es-tu entré?
- Comment es-tu parvenu à Rennes le Château?
- Je n’irai pas jusqu’à vous donner du mon père, mais je veut bien vous appeler Monsieur l’abbé.
- Écoute faisons simple et appelle moi Bérenger.
- Alors d'où viens-tu, insiste l'abbé.
- Tout est difficile quand on doit conserver un secret et vous devez en savoir quelque chose.
- Je ne te comprend pas.
- A qui appartient la belle demeure, juste en face.
- Mais à moi Lancelot, disons plutôt à Marie.
- Alors Marie est-elle fortunée?
- Pas tant que cela, non.
- Dit moi, tu es pire que les inquisiteurs, comme ceux qui sévissaient aux temps des croisades, tout comme à l’époque des cathares, ajoute Bérenger.
- D’ailleurs ton accoutrement me fait penser à ce que portaient les vivants du XIIIe siècle. Mais plutôt dans la classe des gens aisés ou érudits.
- Alors.
- Donc cette belle demeure est pratiquement à vous?
- On peut le dire ainsi, mais tu n’a pas tout vu. Viens, nous terminerons cette discussion dans ma bibliothèque.
Bérenger l’invite à le suivre et ils pénètrent dans cette belle demeure qui fait face au presbytère. Ils traversent de belles pièces, meublées de beaux meubles et tapisseries puis montent à l’étage. Après avoir admiré une pièce de réception meublée d’une grande table et d’un piano, ils se retrouvent en plein air.
C’est une belle place et l’abbé lui montre, sur la droite, une serre.
- Elle nous permet d’avoir des fleurs fraiches toute l’année dit-il.
Et face à eux se dresse une tour imposante vers lequel se dirige Bérenger. Dans cette tour se trouve la bibliothèque, richement pourvue en livres de tous genres. La pièce est très lumineuse grâce à trois grandes ouvertures.
- Asseyons nous Lancelot.
- Je sais garder les secrets et tu peut me faire confiance. Qui es-tu vraiment?
- Bérenger, ce terrain et tous ces bâtiments vous appartiennent-t-ils?
- Je dirai plutôt que Marie est la propriétaire.
- Je veut bien vous faire confiance et sachez que je connais une partie de votre secret. Vous avez trouvé quelque chose, mais même nous nous ne savons quoi?
- Pourquoi tu dit « nous », tu es tout seul?
- Tous les scientifiques qui se sont intéressés à votre vie.
- Tu m’inquiète un peu Lancelot.
- Es-tu envoyé par quelqu’un, l’église, un politique?
- Non par personne, je viens de loin, de très loin, trop loin pour votre imagination.
- Tu sais j’ai l’imagination fertile. Raconte!
- J’espère que je ne finirai pas en enfer, constate l'abbé.
- Je vais essayer d’être succin car c’est une longue histoire.
- En fait je suis du XXIe siècle.
- Foutaise, impossible, en plus tu n’a pas une tête de démon.
- J’ai été propulsé dans une quête dont je ne sais qui ou quoi je dois découvrir. En fait je cherche le Graal, mon Graal.
- N’avez-vous pas trouvé votre Graal Bérenger?
L’abbé ne répond rien mais sourit malicieusement.
- Vous avez parlé de mes vêtements, et vous avez bien estimé; ils viennent du XIIIe siècle et m’ont été offerts par un dénommé Ymar, professeur d’histoire auprès de l’université de Toulouse.
- Alors je te crois car vois tu j’ai fait des études à Toulouse, surtout en philosophie et histoire. Et j’ai lu le manuscrit d’un certain Vivien, philosophe, qui racontait avoir parlé avec Lancelot. Était-ce toi?
- J’ai bien connu Vivien, oui.
- Il parlait beaucoup des cathares, de son arrestation et de son évasion.
- J’étais avec eux, prisonnier dans un camp de la croisade mené par Simon de Montfort.
- Comment es-tu arrivé à cette période?
Lancelot ouvre sa besace, bien dont il ne sépare jamais, tout comme Sauveur qui sommeille à ses pieds. Il faut préciser que l’abbé aime les animaux et il ne s’est pas opposé à ce que ce chien suive son maître en permanence.
- Voyez cette dague!
- Je ne connais pas grand chose en armement, mais j’ai l’impression qu’elle est très ancienne.
- Oui très très vieille l’abbé. Je dirai 14 siècles.
- Mais alors cela nous ramène à l’épopée du roi Arthur et de cette forêt dont j’ai oublié le nom.
- Brocéliande Bérenger, et j’ai parcouru cette forêt avec mon ami Kristen. Ce poignard est un cadeau de sa part.
- Si je comprend bien, tu a connu le VIe siècle et ensuite tu a migré vers le XIIIe. Mais alors tu vis quand?
- Dans un siècle Bérenger, début du XXIe.
- C’est de la folie.
- J’ai pensé cela aussi, mais j’ai traversé tant d’épreuves que je peut vous dire que c’est bien réel. J’ai été choisi par quelqu’un pour une quête insensée, et je pense que celui-ci me manipule.
- Par qui?
- Ne me dites pas que c’est un personnage de légende, car je l’ai rencontré, dans son château de verre, sous un lac. Il s’agit de Merlin.
- Alors il existe vraiment? Il y a tant de secret qui sont camouflés ou transformés en légende.
Lancelot sourit, un brin moqueur.
- Pourquoi sourit-tu?
- Je pense à certaines personnes qui découvrent de fabuleux trésors mais qui arrivent à maquiller la vérité.
- Bien, allons prendre un peu l’air.
Tous deux empruntent le rempart qui conduit à la serre et l’abbé lui fait admirer les beaux spécimens de fleurs rares qu’il détient.
- Que fais-tu dans la vie Lancelot?
- Je suis archéologue;
- Alors je comprend tout, les petites insinuations que tu avances dit Bérenger dans un grand rire.
- Et comment te déplaces-tu dans le temps?
- Compliqué et je n’ai pas trop la maitrise, il faudrait plutôt questionner Merlin répond en riant Lancelot.
- Je fais tout pour te croire, mais cela me semble tant insensé. Et que cherches-tu?
Lancelot ouvre sa besace et donne le plan à Bérenger.
- Mais il est très vieux ce plan tout comme la matière qui ressemble à du parchemin.
- Je ne sais pas ce que je cherche. En ma possession je n’ai que ce plan et une énigme à résoudre.
- Qui est?
- Creuser tu devras sous celui qui surveille la source en cercle.
L’abbé Sel est pensif ,et Lancelot voit qu’il triture ses méninges, puis sourit.
- Je t’expliquerai quelque chose ce soir, mais avant j’ai une messe à dire. J’aimerai que tu me rejoignes quand elle sera terminée et je te ferai visiter l’église.
Tous deux rejoignent le presbytère et Lancelot s’installe, dans la cour, sur un banc, en plein soleil pour profiter de celui-ci.
Le village est calme mais il aperçoit quelques personnes qui arrivent pour la messe; la majorité sont des femmes car les hommes doivent être dans les champs.
L’air est doux en ce début d’automne car s’il à changé de siècle, il lui semble qu’il n’a pas changé de saison. Il a aperçu des arbres revêtus de feuillage de la même couleur que ceux qu’il voyait après les vendanges.
Les cloches sonnent annonçant la fin de la messe et peu après Bérenger l’invite à le rejoindre.
- Viens visiter mon église.
- Remarque ce bénitier
- Le diable dans une église, cela ne fait-il pas un peu désordre?
En effet le bénitier est porté par un diable agenouillé dans une posture bizarre.
- Et non justement car l’eau bénite est censé chasser le démon, et là, il est prisonnier de cette eau. Il ne pourra faire aucun mal à mes fidèles.
- A son sujet je te dirai quelque chose ce soir.
En continuant dans l’allée centrale il lui fait remarquer les statues de différents saints exposés dans l’église. Ces statues sont magnifiques et d'une belle facture. Dans le chœur Lancelot voit le bel autel sur lequel il s’est appuyé cette nuit.
Cette église, si petite, est richement décorée mais Lancelot ne semble pas interloqué.
- Tu n’a pas l’air surpris par les beautés dans cette église., et j’en comprend la raison murmure Bérenger.
- Par contre si tu examines bien ces personnages et que tu arrives à faire une association, tu découvrira un terme qui pourra t’aiguiller.
- Lequel l’abbé?
- Je sens en toi une finesse d’esprit qui te permettra de le trouver.
- Cet après midi, je te ferai visiter le village, en attendant, allons voir ce que Marie nous a préparé pour le repas.
Le repas est excellent et Bérenger, beau parleur, ne tarit pas d’histoires sur son village. Marie s’est installé avec eux et tous trois ne sont pas pressés de quitter la table.
- Marie, tu devrais fouiller dans les penderies pour trouver des vêtements plus appropriés pour Lancelot. Il ne doit pas être vu dans ces loques d’un autre temps.
Tous deux sont sortis dans la cour et profitent de ce soleil de début d ‘automne, bien lumineux mais dont l’intensité est supportable. De nombreux oiseaux, moineaux et quelques rouge-gorge, picorent à leurs pieds les miettes que Marie a jetées quand elle a nettoyé la table. Un rouge-gorge, bien hardi, s’approche même de la truffe de Sauveur qui entrouvre une paupière mais ne bronche pas.
Marie arrive enfin et montre à l’abbé un costume, une belle chemise ainsi qu’une paire de brodequins, le tout en très bon état.
- J’ai pas trouvé mieux mon père.
- Mais cela ira très bien Marie, et notre ami va être endimanché.
- Lancelot va te changer et Marie fera bruler ces guenilles.
Et c’est en fin d’après midi que Bérenger lui demande de le suivre pour visiter le village. Il lui explique que Rennes le Château , il y a très longtemps, était une petite ville qui pouvait rivaliser avec Carcassonne. Elle se nommait Rhédae et la ville se situait, dans la plaine, autour de cette colline où demeurait le seigneur, dans le château aujourd’hui disparu. On reconnait encore quelques murs de l’ancienne église sur la colline.
Au cours de cette promenade, ils rencontrent beaucoup d’habitants et Lancelot se rend compte que l’abbé est très estimé dans le village.
- Alors mon père, vous avez de la visite.
- Oui Gaspard, un cousin de Toulouse qui est venu me rendre une visite.
- Le bon air de chez nous lui fera du bien ajoute Gaspard.
- Cela vous tente un garenne pour dimanche mon père?
- Mais bien sur Gaspard et merci.
- Demain je vais leur faire la fête ajoute Gaspard en riant.
Mais la pendule tourne et subitement Bérenger dit:
- Vite, les vêpres, remontons.
Le repas du soir est rapidement pris et l’abbé demande à Lancelot de le suivre dans la bibliothèque.
- Nous pourrons admirer le soleil couchant car l’atmosphère est très limpide à cette saison.
- Tu m’as parlé d’une énigme et je peut te donner une voie à suivre
- A l’est il y une station thermale qui porte le même nom que notre village.
- Beaucoup de vestiges anciens parsèment les forêts alentour.
- Juste avant d’arriver à ce village, traversé par une rivière, la Salz, tu trouveras facilement, sur ta droite, un site étrange.
- Un grand trône en pierre dénommé: le fauteuil du diable.
- Face à lui, a quelques pas, une source qui sort naturellement de terre, son nom: la source en cercle.
- Pense-tu que cela peut t’aider?
- Mais Bérenger, cela ressemble étrangement à l’énigme que m’a donnée Merlin! Mais creuser sous un rocher?
- Comment savoir? Il est possible que le trône n’est aucune importance et que ce serait plutôt le personnage qui s’assoie dessus? répond Bérenger.
- Demain il faut que je me rende là bas. Pensez-vous que l’aller et le retour sont faisables dans la journée?
- Oui bien sur, je te montrerai le début du sentier, et il n’y a guère plus de six kilomètres. Pour un jeune comme toi, c’est une broutille.
La nuit commence à étaler ses ailes et tous deux font une promenade sur cette belle place. La lune, à son apogée, illumine bien toutes les montagnes des Corbières; le paysage est doux et reposant. Mais il est l’heure de penser au repos, car la première messe a lieu très tôt le matin.
D’ailleurs Marie ne manque pas de le lui faire remarquer.
- Mon père, avez-vous vu l’heure qu’il est?
- Et non Marie, j’ai oublié ma montre répond-t-il en souriant.
- Marie, tu conduiras notre ami jusqu’à la petite alcôve.
- Tu verras Lancelot, ce n’est pas Versailles mais il y a un bon lit.
- Bonne nuit Lancelot, et qu’elle te porte conseil.
- Merci Bérenger, bonne nuit pour vous aussi.
Et la nuit fut bonne malgré le mal qu’il eut pour s’endormir. Tout tourne dans sa tête, comment réunir tous ces indices et où trouver la prochaine porte? Doit-il fouiller sous ce fauteuil du diable?
L’abbé n’est pas encore revenu de sa messe quand Lancelot se lève, réveillé par un bonne odeur de café frais. Ayant salué Marie, celle-ci l’invite à s’installer à table quand une voix résonne dans son dos:
- Bonjour Lancelot, comment vas-tu?
- Très bien Bérenger grâce à votre hospitalité.
- Alors as-tu décidé où passer ta journée? demande Bérenger.
- Oui, je pense que je vais me rendre dans cet endroit que vous m’avez indiqué.
- Bonne décision.
Et s’adressant à Marie
- Tu lui préparera un petit casse croute pour la route.
- Et j’espère te revoir ce soir Lancelot. De mon coté, je vais aller me reposer avant la prochaine messe
Lancelot emplit sa besace avec les denrées apportées par Marie, les salut tous deux et se met en route, suivi de Sauveur heureux de pouvoir gambader à son aise.
La journée s’annonce belle et le soleil commence à surgir de derrière les collines. La végétation, arbres et pâturages, est encore bien verte.
Lancelot s’engage, après avoir descendu le mamelon sur laquelle se dresse Rennes Le Château, dans le sentier indiqué par l’abbé. Ce sentier est bien entretenu et la marche est facile. Des écureuils, peu effarouchés, se trémoussent devant Sauveur, avant de bondir dans les frondaisons quand celui-ci s’approche trop près de leur longue queue. Quelques rapaces tournoient au dessus des frondaisons, leur regard perçant scrutant le sol, à la recherche de petits rongeurs qui assureront la pitance de la journée.
Après une paire d’heure de marche, Lancelot parvient à un cours d’eau.
- Je suis allé trop loin, je n’ai pas vu l’embranchement. Sauveur, prenons un peu de repos.
Sauveur lui n’a pas attendu et se désaltère dans cette eau limpide quoiqu’un peu tiède.
C’est Lancelot qui en fait la remarque ayant décidé de se déchausser et de rafraichir un peu ses pieds. Des sources d’eau chaude probablement pense-t-il.
Mais la pause est brève car il a hâte de trouver ce lieu. Et tous deux reprennent le sentier par lequel ils sont arrivés. Ils ont fait quelques centaines de mètres quand Lancelot aperçoit, venant vers eux, une petite carriole tractée par un jeune poney. A bord un paysan, revenant sans doute d’un jardin avec les produits de celui-ci.
- Bonjour, pouvez vous m’aider lance Lancelot.
- Mais oui jeune homme répond le paysan.
- Je cherche à me rendre sur le site du fauteuil du diable.
- Ce n’est pas bien loin, à peu près cinq minutes de marche en direction d’où j’arrive. Tu verras, sur ta gauche un tout petit sentier et une centaine de pas plus loin, tu trouvera la clairière avec le fauteuil et la source.
- Merci monsieur, je vous souhaite une bonne journée.
- Bonne journée toi aussi jeune homme.
Effectivement, après quelques minutes il distingue ce petit sentier, qu’il n’avait pas repéré à son premier passage.
Rapidement, il parvient à une clairière et son arrivée provoque un beau charivari: oiseaux de toutes races qui s’envolent, lapins qui disparaissent dans les fourrés, leurs culs blancs se trémoussant, et aussi une biche accompagnée de son faon, tous deux effarouchés.
A sa droite il voit un bloc de pierre, brut et en forme de fauteuil ou de trône, et sur la gauche une petite source, circulaire, d’où s’écoule un filet d’eau limpide.
- Tout comme dans l’énigme, mais par contre il manque le diable, murmure-il.
Lancelot décide de prendre un peu de repos et, le fauteuil étant inoccupé, décide de s’installer.
- Je suis le roi lance-t-il à Sauveur.
Sauveur le fixe, sa tête dodelinant, sans doute pensant le roi de quoi?
- Viens mon Sauveur, prenons un bon repas, et réfléchissons.
Il ne se voit pas creuser sous ce rocher, pour trouver quoi? Non, il manque un maillon, le diable n’est pas là. Et soudainement, il pense avoir trouvé.
- Normalement le diable surveille depuis ce fauteuil, mais il n’est pas ici; par contre il se trouve dans l’église de l’abbé, explique-t-il à Sauveur.
Sauveur ne le contredit pas, car en fin de compte, après un bon repas, il pense plutôt à la sieste.
- Faut que je trouve un moyen de rester dans l’église, pour examiner ce bénitier.
- Allez en route Sauveur, regagnons le domicile de ce cher Bérenger.
Sur le chemin du retour, Sauveur essaye de rééditer l’exploit de ramener un lapin, mais cette fois, ce dernier était plus rapide et il rentre, bredouille et penaud.
- Tu vieillis mon vieux dit Lancelot narquois.
Quand il approche de Rennes, l’après midi est bien avancée, et il entend les cloches, pour les vêpres pense-t-il.
Lancelot retrouve Bérenger pour le repas et celui-ci s’enquiert du résultat de ses recherches.
- Rien de constructif Bérenger, il manque un lien, un indice pour m’orienter.
Mais Lancelot a une idée en tête, idée qu’il ne peut dévoiler à Bérenger.
Après le repas tous deux font une longue promenade avant de s’installer dans la bibliothèque pour deviser.
- Demain je doit m’absenter annonce le prêtre.
- L’évêque tient à me voir et je pense que je devrai passer la nuit à Carcassonne.
- Marie veut en profiter pour rendre visite à une cousine et elle sera absente pour la journée. Je pense que tu es capable de te débrouiller tout seul, et tu auras le temps de réfléchir pendant mon absence.
- Ne vous inquiétez pas Bérenger, après les épreuves que j’ai traversé, je ne cours aucun danger dans votre domaine, répond Lancelot en souriant.
- Je te demande juste de ne pas trop t’éloigner, par ici il n’y a pas de chapardeur, mais il vaut mieux être vigilant et si tu dois t’éloigner, verrouille bien la porte du presbytère. Marie détient un double.
- Je te souhaite une bonne soirée et vais me coucher car je veut partir très tôt.
- Bonne nuit l’abbé et bonne journée avec votre chef répond Lancelot.
Et ajoute:
- Merci pour votre accueil, mon père, et pour tout ce que vous avez fait pour moi.
- Tu es bien grave, mon fils dit-il en souriant, mais nous nous reverrons, n’est-ce pas?
- Mais bien sur Bérenger , dès votre retour.
Mais Lancelot ne pense par revoir son bienfaiteur, car une idée, loufoque peut être, a germé dans son subconscient.
Toujours cette énigme qui hante ses pensées.
« Il surveille la source en cercle »
Si cette personne est le diable, il n’était pas dans la clairière, mais il est dans l’église de Rennes le Château. Et il porte à bout de bras le bénitier, qui contient de l’eau bénite. Est-ce cela qu’il surveille?
Mais son visage est face au chœur de l’église et ce lieu forme un demi cercle autour de l’autel. Et sur cet autel brule la flamme sacrée, source de vie pour les croyants.
- Sauveur, nous réfléchirons à tout cela au lit, allons nous coucher.
Il y a bien longtemps que l’abbé s’est mis en route quand Lancelot est réveillé par la bonne odeur de café frais que vient de passer Marie.
Quand il a consommé son petit déjeuner, et après avoir rangé, Marie revient endimanchée:
- A ce soir monsieur Lancelot, passez une bonne journée.
- A ce soir Marie, et bonne visite chez votre cousine.
Lancelot décide de faire une petite promenade pour finir de mettre en ordre ses idées.
- Mon beau Sauveur, je suis persuadé qu’un indice se trouve dans cette église.
- Mais où? Sous le diable ou sous l’autel? Nous avons toute la journée pour trouver un indice.
- Je vais te renfermer dans le presbytère ou tu m’attendras bien calmement. Et je viendrai te chercher; je ne t’oublierai pas car tu dois me suivre dans mon temps.
- N’oublie pas que tu es le meilleur ami que je n’ai jamais eu.
Sauveur l’a écouté attentivement avec ses mimiques bien à lui. Et derechef il saute dans les bras de son ami pour lui faire la toilette.
Après avoir trouvé du papier et un crayon, il enferme Sauveur, qui s’est couché sur un fauteuil semblant apprécier ce confort, à double tour.
Dans l’église, Lancelot prend son temps pour admirer les statues de toute beauté. Toutes, d’une finesse remarquable, représentent un saint.
Patiemment, et inconsciemment, il note le nom des statues des différents personnages.
A sa gauche, Germaine, Antoine et Luc.
A sa droite , Roch, Marie-Madeleine, et encore un Antoine.
Cruciverbiste amateur, il tente de trouver une suite logique dans l’association des noms de ces personnages.
Il pense trouver en ne conservant que les premières lettres.
A gauche G, A et L.
A droite R, M et A?
- Bon sang, si j’avais ma tablette, je trouverai immédiatement.
Mais rapidement il arrive à réaliser toutes les combinaisons, et il n’en croit pas ses yeux.
- Malin Bérenger car je pense que cette disposition est volontaire.
- G.R.A.A.L, le GRAAL, serait-ce celui que je cherche?
- Et le M de Marie-Madeleine, qui se trouve face à la base centrale du M formé.
- Par contre le diable surveille l’autel.
Lancelot décide d’inspecter la statue de Marie-Madeleine, mais il est persuadé qu’un secret se trouve autour de l’autel.
Subitement, il sort la clé en or de sa besace, et se dirige, la tenant comme un sourcier sa baguette, espérant un signal de celle-ci. Cette clé est plutôt petite, comme celle qui ouvrirait un coffre à bijoux.
Bizarrement il lui semble que la clé tremblote à l’approche de cette statue. Il s’éloigne, puis se rapproche et il est persuadé de sentir ce frétillement de la clé.
- Inspectons cette statue dit-il.
Aux pieds de cette représentation, se trouve un crane dont il ne comprend pas la signification. Sans plus attendre, il plonge sa clé dans une orbite, mais rien ne se produit. Il passe à la seconde orbite et il est surpris car il lui semble que celle-ci glisse dans une gaine. Il pense toucher au but, mais n’ose pas la tourner ne sachant quel évènement peut survenir.
Sauveur, je ne peut abandonner Sauveur.
Il rejoint le presbytère ou ce brave animal l’accueille avec joie.
Il passe par la cuisine pour prendre quelques menus provisions et empli sa gourde d’eau fraiche.
Ensuite il s’installe à table pour écrire quelques mots à ses hôtes, utilisant le même papier sur lequel il à pris les notes, dans l'église.
- Bérenger comprendra dit-il?
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12/08/2023 14:45 vidocq
| Merci lecreateur, pour ton retour |
09/08/2023 20:27 lecreateur
| très belle histoire bravo |
03/05/2018 06:12 erauw
| pas encore tout lu bien sur, mais j'aime beaucoup merci
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